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chape de S. Martin, & les autres reliques que les Rois avoient dans leurs Palais, & qu’ils portoient à l’armée, comme témoigne Walafridus Strabo. Les Aumôniers du Roi s’appeloient autrefois Chapelains. Guillaume de Mesines étoit premier Chapelain de S. Louis. Ce Prince lui donna son Livre de prières : c’est un in-folio écrit à la main en caractères gothiques, & orné de mignatures, qui étoient fort belles en ce temps-là, & qu’on estime encore aujourd’hui, à cause de la beauté des couleurs, & sur-tout de l’or, qui ne s’écaille point. Guillaume de Mesines laissa en mourant ce Livre aux Cordeliers de Paris, d’où il passa entre les mains du Chambellan du Duc de Bourgogne, de qui ce Prince l’eut : ensuite les Rois d’Espagne l’ont eu par Marie, fille unique & héritière de Charles, dernier Duc de Bourgogne, Philippe II, Roi d’Espagne le porta en Angleterre, & le laissa à Marie, fille d’Henri VIII & de Catherine d’Arragon. Ce Livre, après avoir appartenu aux plus grands Princes de l’Europe, fut rapporté d’Angleterre en France par M. de Bellièvre, qui le rendit à MM. de Mesines, ses premiers maîtres : il est dans la Bibliothèque de M. de Mesines, ci-devant premier Président du Parlement de Paris.

Chapelains du Pape, sont les Auditeurs ou Juges des causes du sacré Palais. Controversiarum sacri Palatii Judices. Ils ont été ainsi nommés, parce que le Pape donnoit autrefois audience dans sa Chapelle, pour juger les questions sur lesquelles il étoit consulté de tous les endroits de la Chrétienté. Il y appeloit pour Assesseurs les plus savans Légistes du temps, qui pour cela étoient appelés ses Chapelains ; & c’est des décrets qu’ils ont donnés autrefois qu’est composé le corps des Décrétales. Ils ont été réduits au nombre de douze par Sixte IV.

S’il étoit vrai que ce mot Chapelains, comme on l’a remarqué ci-dessus, eût été dit d’abord de ceux qui gardoient la chape de S. Martin, il se seroit formé de capa, & non pas de capella, fait de capsula ou capsa, & signifiant une châsse, comme d’autres le pensent : mais les noms de Capella & Capellanus ne sont connus, ni du temps de S. Martin, ni dans le siècle suivant. Quelques Auteurs disent que les châsses des Reliques étoient couvertes d’une espèce de tente, ou cape ou capelle, c’est-à-dire, petite cape, & que c’est de-là que les Prêtres qui en avoient soin furent nommés Chapelains. Dans la suite ces reliques furent mises dans une petite Eglise, ou attenante à une grande, ou séparée, à laquelle on donna le nom de chapelle, que l’on donnoit à ce qui couvroit la châsse ; & les Prêtres qui avoient soin de ces chapelles, s’appelèrent de même Chapelains : & de-là tout Clerc desservant une Eglise fut appelé de ce nom. Voyez M. Du Cange dans son Glossaire. On trouve dans quelques anciens titres Cabellanarius, pour dire Chapelain.

CHAPELAINE. s. f. Qui se dit d’une Officière de l’Abbesse d’Estrun proche d’Arras. Capellana. L’Abbesse d’Estrun tient table dans son appartement, où elle reçoit les externes, selon l’obligation qui lui en est imposée par sa Règle. Elle y a pour compagne sa Chapelaine, & elle y peut appeler quelquefois des Religieuses de la Communauté, P. Hélyot, tom. VI, c. 40.

CHAPELAINIE, Voyez Chapellenie.

CHAPELER. v. a. Retrancher, enlever avec un couteau le dessus de la croûte du pain, pour la rendre plus mince & plus aisée à mâcher. Summas panis crustas clavulâ decutere ; crustas panis distringere. Ce vieillard fait chapeler son pain à cause de ses mauvaises dents.

Ménage prouve que ce mot vient du latin capellare, d’autres de capulare. Borel dit qu’il vient de capo, chapon, parce que c’est un animal à qui on a ôte une partie en le châtrant : origines fort incertaines.

CHAPELÉ, ÉE. part. Du pain chapelé. Panis summis crustis exutus.

☞ CHAPELERIE. s. f. Art de fabriquer les chapeaux. Apprendre la Chapelerie.

On le dit aussi du négoce de chapeaux. Se mêler de la Chapelerie.

CHAPELET. s. m. Plusieurs grains qui servent à compter le nombre des Pater noster & des Ave Maria qu’on veut dire en l’honneur de Dieu & de la sainte Vierge. Globulorum sacrorum series ; Beatæ Virginis corona. On les appelle autrement patenôtres. Un rosaire est un chapelet de quinze dixaines d’Ave Maria. Beatæ Virginis rosarium. Il y a des chapelets de corail, de diamans, de calembouc, de bois de sainte Lucie, &c.

Ménage tient que ce mot vient de la ressemblance qu’il a avec un chapeau de roses, dont on a fait rosaire. Les Italiens disent corona. On l’a appelé aussi en italien & dans la basse latinité capellina. On trouve dans un procès de la vie d’Urbain V, fait au quatorzième siècle, & rapporté par le Pere Janning, Acta SS. Jun. t. V, p. 443. E. Capellatum reginale cum gemmis & Lapidibus pretiosis, pour signifier une couronne ornée de perles & de pierres précieuses.

M. Fleury, dans le Discours préliminaire de son XXe tome de l’Histoire Ecclésiastique, rapporte l’origine du chapelet aux Moines du onzième siècle. Il dit que quand on institua des Frères lais ou laïques dans ces Ordres Religieux, on leur prescrivit un certain nombre de Pater à chacune des heures canoniales : & afin qu’ils s’en pussent acquitter, ils portoient des grains enfilés, d’où, dit-il, sont venus les chapelets.

☞ Larrey, dans Edouard VI, p. 360, & Pierre Vitet, disent que l’usage en fut établi par Pierre l’hermite, personnage fameux dans l’Histoire des Croisades. Saint Dominique institua le rosaire de quinze dizaines de grains, dont on a diminué le nombre dans les chapelets ordinaires.

Il y a aussi un chapelet ou couronne de Notre Seigneur, de trente-trois grains, en l’honneur des trente-trois années de sa vie sur la terre. Le Pere Michel de Camaldule en fut l’Instituteur.

Enfiler des chapelets, c’est passer des grains dans un fil ou un cordon pour en faire des chapelets. Défiler un chapelet, c’est en tirer les grains du fil ou du cordon où ils étoient enfilés.

On dit figurément, enfiler & défiler des chapelets, pour, faire & défaite des affaires, les gâter, les troubler. Le Cardinal de Richelieu ne disoit-il pas, que six piés de terre, voulant parler des intrigues du cabinet, lui donnoient plus de peine, que tout le reste de l’Europe. Pourquoi cela ? sinon à cause des chapelets que l’on y enfile & défile continuellement. Masc. En cet endroit, il signifie les affaires que l’on fait & défait, les résolutions que l’on prend & que l’on change continuellement : c’est du style familier.

Les Orientaux ont aussi des espèces de chapelets qu’ils appellent chaînes, pour faire leurs prières, en disant le nom de quelqu’une des perfections de Dieu sur chaque grain. Le Grand-Mogol porte jusqu’à huit de ces chaînes ; les unes de perles, les autres de rubis, de diamans, de corail, &c.

Les Turcs ont aussi des chapelets sur lesquels ils récitent des prières. Le P. Jérôme Dandini, Jésuite, en parle de cette manière dans son Voyage du Mont Liban, c. XI. Les Turcs ont des chapelets qu’ils portent à leur main, ou pendus à leurs ceintures ; mais ils différent beaucoup des nôtres ; car les grains y sont tous d’une même grosseur, & ils n’ont point cette distinction que nous avons de dix en dix grains, quoiqu’ils les composent de six dixaines. Ils ont aussi une autre forme de chapelet qu’ils divisent en trois parties avec de petits fils, parce qu’il est plus grand que l’autre, contenant cent