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& attachée à l’Eglise, où l’on donne la Communion aux Paroissiens les jours de grandes têtes.

Charnier, signifie encore le lieu dans une maison destiné à garder les chairs salées. Carnarium. C’est de ce mot, qui est dans Plaute en la même signification, que vient celui d’acharner.

Charnier, signifie aussi des bottes d’échalas pour mettre dans les vignes. Pedaminum fasciculus. Le bon charnier doit être fait de cœur de chêne.

Ce mot vient de carnarium, comme chair, de caro.

Charniers, se dit en termes de Marine, des barriques dans lesquelles on met l’eau que l’équipage doit boire chaque jour.

☞ CHARNIÈRE. s. f. Terme de Faiseurs d’instrumens. Endroit par lequel les parties d’un instrument sont assemblées. C’est une fente simple, ou double, qu’on fait aux extrémités supérieures des jambes d’un compas, d’une fausse équerre & autres instrumens, pour les enclaver & les assembler l’une avec l’autre par le moyen d’un clou rivé, sur lequel elles sont mobiles. Commissura, verticulus. La justesse des instrumens de Mathématique dépend d’avoir des charnières bien faites. En général on appelle charnière, deux pièces de fer, de laiton ou d’autre métal, qui s’enclavent & entrent l’une dans l’autre, & qui étant percées, se joignent ensemble avec une rivure qui les traverse ; ensorte qu’elles peuvent se mouvoir en rond, sans se séparer, tournant sur un même centre. En ce sens on le dit en parlant de tabatières & d’étuis, &c.

Charnière, est aussi un outil servant à ceux qui gravent sur des pierres dures. Cælum. Il est fait en manière de virole, & sert à enlever les pièces.

Charnière. Cardo. Terme de Conchyliologie. C’est la jonction d’un coquillage bivalve, ou plûtôt l’endroit où les deux parties de ce coquillage tiennent l’un à l’autre. Les univalves n’ont point de charnière.

On a appellé autrefois charnière, une fauconnière où le Fauconnier porte son leurre, & la chair dont il l’acharne. L’Empereur Frédéric II, en son livre de Vénerie, l’appelle Carnaria.

Il se dit aussi d’une poche de gros rézeau où les Chasseurs mettent leur gibier. Il est revenu de la chasse avec quatre bonnes pièces de gibier dans sa charnière.

En ce sens ce mot vient de chair ; & cette poche s’appelle aussi carnassière.

☞ CHARNON. s. m. terme de Bijoutier. Espèce d’anneau soudé, ou au dessus, ou au-dessous d’un bijou, en forme de boîte. C’est l’ensemble des charnons qui forme la charnière. Il y a aussi des charnons en serrurerie.

☞ CHARNU, UE. adj. Plein de chair, bien en chair, carnosus, carnulentus. Corps charnu. Perdrix charnue. Cette poularde a l’estomac bien charnu.

☞ On le dit non-seulement des hommes & des animaux, mais encore des fruits, à la pulpe desquels on donne le nom de chair. Fruit charnu. Pulposus. Ces pruneaux sont bien charnus.

Charnu. Terme de Botanique. Une plante charnue, est une plante dont la racine est grosse & d’une substance moëlleuse, d’où il sort peu de fibres qui l’attachent à la terre ; comme les raves, les bettes, &c. Carnosus. Ce mot se dit encore des feuilles de quelques plantes, comme de celles de plusieurs sortes de joubarbe, qui sont formées d’une pulpe succulente, & qu’on appelle ordinairement grasse. Carnosum folium.

☞ CHARNURE. s. f. Terme relatif aux parties charnues, considerées selon les différentes qualités qu’elles peuvent avoir. Caro. On ne le dit que des personnes. Cette femme a la charnure ferme, molle.

☞ On le dit ordinairement pour désigner la peau. Il a une belle, une vilaine charnure. Il avoit le corps robuste, ramassé, & d’une belle charnure. Vaug.

CHAROGNE. s. f. Corps d’un animal mort infect & corrompu. Cadaver. Les chefs des Stoïciens ont cru qu’il n’y avoit point de mal à se servir de notre charogne, & de s’en nourrir. Mont. On dit d’une chose bien infectée, qu’elle est puante comme une charogne.

Ce mot vient du grec χαρώνεια, qui se dit des lieux qui exhalent de mauvaises odeurs, comme font les bêtes mortes. Ménage.

On dit figurément du corps humain, pour le ravaler au-dessous de l’esprit, qu’il ne faut pas le traiter délicatement, que ce n’est qu’une charogne. On dit aussi que l’ame noircie de péchés, & qui croupit dans l’ordure, n’est qu’une puante charogne. On dit communément d’une personne dont il s’exhale une mauvaise odeur, que c’est une charogne ; ou proverbialement, qu’il pue comme charogne. Tout cela est du style populaire. Ce mot réveille une idée dégoûtante.

CHAROLLES. Ville de France, capitale du Comté de Charolois en Bourgogne, à dix lieues d’Autun. Caroliæ.

CHAROLOIS. Carolesium ; & dans Vigenère, Ambarri. Pays du Duché de Bourgogne, qui a pour bornes le Mâconnois au levant & au midi ; au couchant le Bourbonnois, dont il est séparé par la Loire ; & le Châlonnois au septentrion. Charolles qui en est la capitale, lui a donné son nom. Le Charolois étoit possédé par les Rois d’Espagne, sous la souveraineté des Rois de France. A la paix des Pyrénées, ils le cédèrent au Prince de Condé, en payement des sommes qu’ils lui devoient.

Quelques-uns ont dit Charolois, oise, pour habitant du Charolois. Carolesius.

CHARON. s. m. Prononcez Caron. C’est dans la Fable le nom du Nautonnier des Enfers. Charon. Quelques-uns en font un Dieu fils de l’Erèbe & de la Nuit : Hesiode n’en parle point dans sa Théogonie, dans laquelle, v. 124, il ne donne que deux enfans à l’Erèbe & à la Nuit, qui sont l’Æther & le Jour. Les Poëtes feignoient que les ames des morts se rendoient sur les bords du Styx ; que là Charon passoit celles qui le payoient ; & qui avoient eu les honneurs de la sépulture, & laissoit les autres errer cent ans sur les bords du lac, après quoi il les passoit aussi. ☞ Ce droit de péage qu’on payoit à Charon étoit taxé à une obole. On mettoit cette pièce dans la bouche des morts. Elle s’appeloit naulé, & ce tribut dinaque. Naulum. Cette coutume étoit générale chez les Grecs & chez les Romains. On y ajoutoit quelquefois un certificat de vie & de mœurs, qui étoit délivré par le Prêtre du lieu. Pontifex. On le dépeint comme un vieillard mal propre, fort grossier & fort rude. Voyez les élégantes descriptions qu’en ont fait Virgile, Enéide, liv. VI, v. 298 ; Senèque, dans son Hercule furieux, Act. III, II, v. 763. Euripide en parle aussi dans son Alceste, mais il ne le décrit point. Diodore de Sicile, Liv. I, ch. 92, dit qu’Orphée ayant remarqué qu’en Egypte il y avoit une ville où l’on passoit les corps morts dans une barque sur un grand lac pour les aller enterrer de l’autre côté du lac, il fit de cela la fable de Charon, qu’il débita en Grèce. Peut-être que cette fable ne vient que de Memphis, où l’on passoit les corps morts sur le Nil, pour aller les enterrer du côté où sont les pyramides. Diodore ajoûte que Charon signifioit en égyptien, Nautonnier ou Batelier. D’autres disent qu’il fut appelé Charon par antiphrase de χαίρω, gaudeo, je me réjouis, pour ἀχάρων, facheux, désagréable, triste. Vigenère traite de cette fable sur Tite-Live, Tom. I, pag. 850 & 851. Dans le 4e, le 10e, le 23e dialogue des Morts de Lucien, & dans celui qui est intitulé Charon, sive Contemplantes, Charon joue de plaisans rôles. La Scène de Charon dans le quatrième acte de l’Alceste de Quinault, est fort belle.