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& d’une triple couronne qui environne la tiare, laquelle a deux pendans, comme la mitre des Evêques. Ces trois couronnes représentent le Pape comme Souverain Sacrificateur, comme Juge suprême, & comme le seul Législateur des Chrétiens.

Celle de l’Empereur est un bonnet ou tiare avec un demi-cercle d’or, qui porte la figure du monde, cintré & sommé d’une croix. Elle fait voir son bonnet entr’ouvert sur les deux côtés de son cintre, & elle a par le bas deux fanons ou pendans, comme les mitres des Evêques.

Celle du Roi de France est un cercle de huit fleurs de lis cintré de six diadèmes qui se ferment, & qui portent au dessus une double fleur de lis, qui est le cimier de France. Le Roi Charles VIII est le premier qui l’a porté fermée. François I, l’a portée souvent ouverte. Mais depuis Henri II, tous les Rois de France, & même ceux des autres Royaumes, l’ont porté aussi fermée : ce fut Charles VII qui le premier mit la couronne sur l’écusson des fleurs de lis.

Celle du Roi d’Espagne est rehaussée de grands trèfles refendus, que l’on appelle souvent hauts fleurons, & couverte de diadèmes aboutissans à un globe surmonté d’une croix. Philippe II a été le premier des Rois d’Espagne qui ait porté la couronne fermée en qualité de fils d’Empereur.

Celle du Roi d’Angleterre est rehaussée de quatre croix de la façon de celles de Malte, entre lesquelles il y a quatre fleurs de lis. Elle est couverte de quatre diadèmes, qui aboutissent à un petit globe supportant une même croix.

Celles de la plupart des autres Rois sont de hauts fleurons ou grand trèfles, & aussi fermées de quatre, six ou huit cintres, ou diadèmes, & sommées d’un globe croisé.

Celle du Dauphin de France est de même que celle du Roi, à la réserve qu’elle n’est fermée que de quatre diadèmes, formés par quatre Dauphins. Celles des Enfans de France sont ouvertes par le haut, & ont seulement les huit fleurs de lis. Les Princes du Sang Royal portent seulement quatre fleurs de lis, entre lesquelles sont des fleurons. Boniface VIII est le premier des Papes qui a mis trois couronnes sur sa tiare. Ce n’est que depuis cent ans que les Evêques Comtes ont mis des couronnes sur leurs armoiries.

Le Duc de Savoie, qui se qualifie Roi de Chypre, porte sa couronne fermée de deux demi-cercles couverts de perles, & au dessus un globe surmonté de la croix de Saint Maurice, qui est tréflée.

La couronne du Duc de Florence est ouverte, & rehaussée de deux fleurs de lis épanouis, & de pointes & rayons aigus à la façon des couronnes antiques.

Celle des Archiducs a un seul demi-cercle en cintre, garni de perles, qui porte un globe croisé, & est relevée de huit hauts fleurons enfermans un bonnet rond d’écarlate.

La couronne des Electeurs de l’Empire est une espèce de bonnet d’écarlate, & retroussé d’hermines, diadème d’un demi-cercle d’or, tout couvert de perles, sommé d’un globe surmonté d’une croix d’or, que quelques Souverains d’Allemagne s’attribuent aussi.

Les Républiques de Venise & de Gênes ont aussi des couronnes fermées, à cause des Royaumes de Chypre & de Sardaigne.

Les Seigneurs qui ont des terres en principauté, portent la couronne à l’antique ; un cercle d’or rehaussè de douze pointes ou rayons aigus.

La couronne ducale est toute de fleurons à fleurs d’ache, ou de persil.

Celle des Marquis est moitié fleurons & moitié perles alternés.

Celle des Comtes est de perles sur un cercle d’or. On les appelle perles de compte, parce qu’on ne les vend pas au poids ni à l’once, mais selon leur nombre.

Celle des Vicomtes est composée de neuf perles, de trois en trois entassées l’une sur l’autre.

Celle des Barons est une espèce de bonnet avec tortil ou des tours de perles en bandes sur le cercle.

Les Vidames portent aussi des couronnes qui sont d’or, garnies de perles, rehaussées de quatre croix patées, qui marquent qu’ils ont été érigés pour être les appuis de l’Église.

En Italie, nul ne met la couronne sur ses armes, & le doge de Venise seul y met le bonnet Ducal, qu’on appelle ordinairement le corne. En Allemagne toutes les couronnes des dignités sont également faites de feuilles de persil & à bas fleurons. Les couronnes ne sont pas des preuves d’ancienne noblesse, & ceux qui les portent n’ont pas ce droit en qualité de Gentilshommes, mais seulement comme étant Seigneurs des terres qu’ils possèdent, qui ont titre pour les porter.

Le P. Ménestrier, dans les Origines des ornemens des armoiries, prétend que c’est par les monnoies que s’est introduit l’usage de couronner les écussons ; que l’on commença sous Charles VII à faire des gros dont le revers étoit une couronne, sous laquelle il y avoit trois fleurs de lis sans écusson ; que sous Charles VII, on mit la couronne sur l’écusson de trois fleurs de lis dans l’écu d’or, & qu’on a toujours continué depuis ; qu’avant ce Prince, on ne sçavoit ce que c’étoit que de couronner les écussons, parce qu’ils étoient ordinairement penchés ; qu’aucun noble Vénitien, en quelque dignité qu’il soit, ne peut mettre une couronne sur ses armoiries ; que M. le Prince Henri de Condé est le premier des Princes du sang qui a porté la couronne purement de fleurs de lis ; que ce n’est que depuis 100 ans que les Evêques qui sont comtes ont mis des couronnes sur leurs armoiries.

Couronne est aussi un ornement dont on charge les écus des armoiries. L’écu de Suède est chargé de trois couronnes, pour marquer la Suède, la Norwège & le Dannemark. La ville de Cologne porte aussi trois couronnes, en mémoire des trois Rois qu’on prétend y être enterrés. Plusieurs villes d’Espagne portent aussi des couronnes par concessions des Rois.

Couronne se prend aussi figurément comme synonime à Royaume & à la qualité de Souverain. Regnum. Nous sommes venus pour lui ôter la couronne. Agathocle, fils d’un Potier, parvint à la couronne. Cette maison prétend à la couronne de Castille. Charles V renonça à la couronne, abdiqua l’Empire. On paye un droit pour le joyeux avènement du Roi à la couronne. La couronne de France n’est point héréditaire ; elle appartient au premier Prince du sang par la loi du Royaume, sans qu’il soit héritier, ni obligé aux dettes de son prédécesseur. Louis VIII, quoiqu’il ne gouvernât pas par lui-même, a été l’un des plus jaloux des prérogatives de sa couronne. P. d’Orl. C’est un crime impardonnable que d’avoir touché à la couronne, & avancé la main pour la saisir. De Larrey.

La plus belle couronne.
N’a que de faux brillans dont l’éclat l’environne. Corn.

Plus la haute naissance approche des couronnes,
Plus cette grandeur même asservit nos personnes. Id.

On dit traiter de couronne à couronne, pour dire, traiter de Souverain à Souverain. On le dit aussi figurément & par manière de raillerie, en parlant des personnes particulières, lorsqu’un inférieur veut traiter avec son supérieur, comme s’il étoit son égal. Acad. Fr.