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DAN

dans les Œuvres de Plutarque, & non pas chez Plutarque, comme quelques-uns disent. Vaug. Rem

☞ Lorsqu’il s’agit du lieu, dit M. l’Abbé Girard, dans a un sens précis & défini, qui fait entendre qu’une chose contient ou renferme l’autre, & marque un rapport du dedans ou du dehors. On est dans la chambre, dans la maison, dans la ville, dans le Royaume, quand on n’en est pas sorti, ou qu’on y est rentré.

En a un sens vague & indéfini, qui indique seulement en général où l’on est, & marque un rapport du lieu où l’on se trouve à un autre ou l’on pourroit être ; on est en ville lorsqu’on n’est pas à la maison ; en campagne ou en province quand on a quitté Paris. On met en prison, & l’on met dans les cachots.

☞ Lorsque ces mots sont employés pour indiquer l’état ou la qualification, dans est ordinairement d’usage pour le sens particularisé, & en pour le sens général ; ainsi l’on dit, vivre dans une entière liberté, être dans une fureur extrême, tomber dans une profonde léthargie ; mais on dit, vivre en liberté, être en fureur, tomber en léthargie.

Cette préposition mise devant un nom de temps, marque quelquefois un temps à venir, le temps où une chose commencera, ou se fera, le temps au bout duquel elle se fera. Il arrive dans trois jours, dans trois semaines, dans trois mois. Cette ville sera prise dans vingt jours de tranchée ouverte. Intra. Mais dans, mis ainsi devant un nom de temps, ne marque point la durée du temps ; ainsi un Poëte, en parlant des derniers événemens de la guerre qui finit par la paix d’Utrecht, ne s’est pas assez bien exprimé quand il a dit :

Grand Roi, rien ne t’arrête ; & tes efforts puissans
Reparent dans trois mois les pertes de trois ans.

Il faisoit dire en trois mois, & non pas dans trois mois.

☞ Lorsqu’il est question du temps, dans marque plus particulièrement celui où l’on exécute les choses, & en marque plus proprement celui qu’on emploie à les exécuter. La mort arrive dans le temps qu’on y pense le moins, & l’on passe en un instant de ce monde en l’autre.

Dans, se met quelquefois pour la préposition avec. Il faisoit cela dans la pensée d’en tirer de l’utilité. Il alla à Paris dans le dessein, dans la vue de s’y établir. Eo consilio, eo animo.

Dans, s’emploie aussi pour pendant. Per. Il sera honoré dans toute la postérité. Port-R. Que ne ferois je point, si j’étois contente de vous, puisque je suis transportée d’amour, dans le temps où j’ai le plus de sujet de m’en plaindre. Let. Portug.

☞ Il est quelquefois synonyme à selon. Cela est vrai dans les principes d’Aristote. Il entend cela dans le sens de S. Augustin.

Dans l’idée, dans la tête. On a dans l’idée ce qu’on pense, on le croit. On a dans la tête ce qu’on veut ; on y travaille. Les imaginations sont dans l’idée, les desseins dans la tête. Les Courtisans se mettent aisément dans l’idée que le Prince doit faire leur fortune ; mais il en est peu qui se mettent dans la tête de le mériter par des services marqués au coin de la vertu.

Ce qui vient d’être dit de la préposition dans se réduit à-peu-près aux choses suivantes. Elle marque 1o. le lieu : être dans un jardin, dans une bibliothèque ; de l’argent qui est dans une cassette. 2o. Le temps : dans la saison où nous sommes, dans deux jours, dans un mois. 3o. La situation du corps : être dans une posture incommode, peindre une figure dans une belle attitude. 4o. La disposition du corps : être dans une parfaite santé, dans le redoublement de la fièvre. 5o. La manière d’agir & de vivre : vivre dans la débauche, dans l’oisiveté, dans la retraite. 6o. La profession & les différens états de la fortune : être dans le ministère, dans l’épée, dans la robe, être dans la faveur, dans la disgrace, dans la misère, dans l’abondance. 7o. La disposition de l’ame : être dans la crainte, dans la joie, dans le doute, dans l’affliction. 8o. Le motif & l’intention : faire quelque chose dans la vue de plaire à Dieu, dans la crainte de lui déplaire, dans le dessein, dans l’espérance. 9o. La manière de faire les choses, de les prendre : Juger dans la rigueur, prendre dans un bon sens, dans un sens moral, dans la pensée de l’auteur, &c. Voyez la Grammaire Françoise de M. l’Abbé Regnier. Le P. Bouhours, dans ses Remarques nouvelles sur la langue, observe que lorsqu’il s’agit d’autre chose que de la demeure, on se sert d’ordinaire de dans, comme, on cherche partout un tel, sans qu’on le puisse trouver, il est néanmoins dans Paris. Le même Auteur remarque que si deux personnes qui sont dans Paris se parlent, il y a plus de délicatesse & de perfection à dire. Il n’y a personne dans Paris que j’estime plus que vous, qu’à dire, il n’y a personne à Paris ; mais que la dernière façon de parler est meilleure si les deux personnes sont hors de Paris ; & de même de tous les autres noms de villes, Rome, &c.

DANSE. s. f. Mouvemens réglés du corps, sauts & pas mesurés qui se font en cadence, au son des instrumens ou de la voix. Saltatio, saltatus. Danse noble. Danse figurée. On a vu des danses de chevaux au Carousel du Roi Louis XIII. Les Sybarites sont les premiers qui ont inventé cette sorte de danse.

Ce mot vient de l’Allemand dantz, signifiant la même chose, & danser de dantzen. Bochard le dérive de l’Arabe tanza, signifiant aussi la même chose, & Guichart de l’Hébreu דנץ donts, qui signifie à-peu-près la même chose. Voyez Danser.

La danse est en usage chez tous les peuples, tant civilisés, que barbares. Elle a été pourtant estimée chez quelques-uns, & méprisée par les autres. La danse de soi n’est point mauvaise. Il y a, dit l’Ecclésiastique, un temps pour danser ; quelque fois même on en a fait un acte de religion ; ainsi David dansa devant l’Arche, pour honorer Dieu, & pour marquer l’excès de la joie qu’il avoit de voir venir l’Arche dans la ville de Sion. Socrate apprit à danser d’Aspasia. Ceux de Sparte & de Crète alloient à l’assaut en dansant. Au contraire, Cicéron fait reproche à Gabinius, homme Consulaire, d’avoir dansé. Tibère chassa de Rome les Danseurs. Domitien ôta du Sénat quelques Sénateurs pour avoir dansé.

Les anciens avoient trois sortes de danses : l’une grave, nommée Emmélie, qui répond à nos basses danses, & pavanes. La seconde était gaie, qu’ils nommoient Cordax, qui répond à nos gaillardes, voltes, courantes, & gavottes. La troisième nommée Siccinnis, entremêlée de gravité & de gaieté, qui répond à nos branles. Néoptolémus, fils d’Achille, enseigna à ceux de Crète une danse, appelée, Pyrrichie, ou la danse armée, pour s’en aider à la guerre. Pyrrichia, armata saltatio. Mais la fable dit que les Curètes inventèrent cette danse pour amuser le petit Jupiter avec le bruit de leurs épées, dont ils frappoient sur leurs boucliers. Diodore de Sicile, au IVe L. de sa Bibliothèque, dit que Cybèle, fille de Ménon, Roi de Phrygie, & de Dindymène sa femme, inventa beaucoup de choses, & entre autres le flageolet composé de plusieurs chalumeaux, la danse, le tambourin & les cymbales. Numa institua aussi une danse pour les Saliens, Prêtres de Mars, qui servoient avec des armes. Saltatio Saliaris. Et de ces danses on en a composé une qu’on appelle des Boufons ou Matassins, dont les Danseurs sont vêtus de petits corcelets avec des morions dorés, des sonnettes aux jambes, avec l’épée & le bouclier à la main. Mimicè saltare. On y fait plusieurs passages dont Thoinot Arbeau a donné la tablature en son Orchésographie. Lucien en a fait un Traité, & Julius Pollux un Chapitre. Il en est aussi parlé dans Athénée, Cælius Rhodiginus, & Scaliger. Quelques-uns ont dit que Castor & Pollux furent