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DEC

Au lieu desquels entrerent flaterie,
Déception, trahison, menterie. Marot.

DE CE QUE. Espèce de conjonction, qui signifie, Parce que, à cause que. Eo quòd, propterea quòd, quia. Seigneur, je vous rendrai d’éternelles actions de graces de ce que vous avez fait justice. Port-R.

DÉCERCLÉ. ée. adj. Vieux mot qui a signifié, rompu, dont le bord est défait.

DÉCERNER, v. a. Ordonner quelque chose par une délibération de Sénat, d’Assemblée de ville, par autorité publique. Decernere. Le Sénat de Rome décernoit le triomphe à ceux qui avoient étendu les bornes de l’Empire. On lui décerna les honneurs divins. Vaug. Le petit triomphe fut décerné à Germanicus. Ab. On lui décerna les honneurs funèbres au soir. Patru. On ne se sert guere de décerner dans les discours familiers, mais seulement dans les discours graves, & dans les livres.

Et parmi les mortels,
Quelquefois ceux que l’on encense,
Ne sont que de grands criminels
A qui notre seule ignorance,
Au lieu de châtiment décerne des autels.

Nouv. ch. de Vers.

Décerner, se dit aussi des ordonnances & décrets qui se font dans les Conciles, dans les assemblées Ecclésiastiques. Le Saint Concile a décerné que dorénavant les mariages ne se feroient qu’après trois publications de bans.

Décerner, se dit encore en termes de Palais, des décrets qu’on donne en matière criminelle pour arrêter & ajourner personnellement un accusé. La Cour a décerné son décret de prise de corps contre tels & tels. On ne décerne qu’un ajournement personnel contre un domicilié, quand il n’y a ni meurtre, ni mutilation de membres. On dit aussi en termes de Finances, Décerner une contrainte pour le payement de quelques sommes, & sur-tout des taxes & deniers Royaux. L’Intendant de la Province a décerné une contrainte au bas d’un tel rôle, d’une telle taxe.

DÉCÈS. s. m. Mort. Mors, obitus. Il a fait un legs à cette Eglise pour faire prier Dieu pour lui après son décès. Il a fait faire inventaire dans les 40 jours après le décès de sa femme. On stipule plusieurs conditions dans un contrat de mariage en cas du décès de l’un des conjoints. Elle s’est mariée six semaines après le décès de son mari. Le Mait. Ce mot ne se du guère qu’en termes de Palais.

☞ Le mot trépas est poëtique, & emporte dans son idée le passage d’une vie à l’autre. Mort est du style ordinaire, & signifie précisément la cessation de vivre. Décès est d’un style plus recherché, tenant un peu de l’usage du Palais, & marque proprement le retranchement du nombre des mortels. Le second de ces mots se dit à l’égard de toutes sortes d’animaux : les deux autres ne se disent qu’à l’égard de l’homme.

☞ Les Encyclopédistes ajoutent à ces remarques de M. l’Abbé Girard, que décès & trépas ne s’emploient qu’au style simple, & que trépas qui est noble dans le style poëtique a fait trépassé qui ne s’emploie point dans le style noble.

☞ Le trépas ne présente rien de laid à l’imagination ; il peut même faire envisager quelque chose de gracieux dans l’éternité. Le décès ne fait naître que l’idée d’une peine causée par la séparation des choses auxquelles on étoit attaché. Mais la mort présente quelque chose de laid & d’affreux.

Ce mot vient de decessus, dérivé de decedere, s’en aller, se retirer.

DÉCEVABLE. adj. de t. g. Vieux mot qui signifie. Facile à être trompé.

Nicod a employé ce terme que nous avons laissé abolir, & qui méritoit d’être conservé. Il est à craindre que décevant n’ait le même sort.

DÉCEVANCE. s. f. Vieux mot. Déception, tromperie. Fraus, fallacia, deceptio.

DÉCEVANT, ante. adj. Propre à tromper par quelque chose de spécieux & d’engageant. Fallax. Le monde n’a que des appas décevans. Le calme décevant de la mer nous avoit invités à la promenade. Il n’est guère usité, mais il ne laisse pas d’avoir de la grâce, sur-tout en poësie.

Ne t’avons-nous pas vu démasquer la nature,
Pénétrer à travers ses dehors décevans,
Et l’ouvrir toute entière à tes regards savans ?

Nouv. ch. de Vers.

M. Bossuet, à la fin de ses avertissemens, a dit en parlant de M. Patin : Il donnoit tout au raisonnement, & il n’avoit rien alors qui pût l’empêcher d’ouvrir une vaste carrière à ses sentimens, ni de jouir du charme dévevant qui accompagne naturellement cette liberté. Il n’en est pas moins vrai, comme on l’a dit, que ce mot n’est guère en usage, & que le charme trompeur se dit plus ordinairement que le charme décevant. M. Bossuet affectoit quelquefois des mots un peu surannés, qui n’ont pas mauvaise grâce, pourvu qu’ils ne soient pas trop fréquens, & qu’ils soient placés à propos, comme décevant l’est en cet endroit.

DÉCEVOIR. v. a. Je déçois, je déçus, j’ai déçu, je décevrai, que je déçoive, que je déçusse. Tromper par quelque chose de spécieux, d’engageant. Fallere, decipere. Il ne faut pas se laisser décevoir aux belles apparences. Les hommes se laissent souvent décevoir par l’amour propre. Cette fille s’est laissée décevoir par l’espérance d’un bon parti. Ses souplesses continuelles ne tendent qu’à nous décevoir. Gomb.

Déçu, ue. part. Deceptus. Les Anglois déçus par le nom de liberté, en ont à la fin détesté les excès. Boss.

Malgré mes vœux honteusement déçus. Racine.

Que vous êtes à plaindre étant si fort déçu. Corn.

Vous verrez votre crainte heureusement déçue. Id.

DÉCHAGRINER, v. a. Faire cesser, dissiper le chagrin. Il n’est pas en usage.

Ce Berger enjoué, ce doux Magicien,
Qui connaît tous les morts des vieux temps & du sien ;
S’en va jusqu’aux Enfers déchagriner les ombres.

Eglogue de M. Renault au Furetieriana.

DÉCHAÎNEMENT. s. m. Action d’ôter la chaîne à quelqu’un, de lui donner la liberté ; mais il n’est point d’usage dans le sens propre. Au figuré il signifie emportement de colère ; emportement contre quelqu’un en paroles injurieuses. Immoderata, effrenata maledicendi licentia. C’est un étrange déchaînement que celui des persécuteurs contre les enfans de Dieu. Les fausses prudes tâchent de trouver dans leur modestie forcée, & dans leur déchaînement contre toutes les jolies femmes, le dédommagement de leur beauté usée. Bell.

DÉCHAÎNER, v. a. Oter la chaîne à quelqu’un, lui donner la liberté. Aliquem ex catenâ solvere, catenâ exsolvere. On déchaîne les mâtins la nuit, pour garder la maison. On a déchaîné ce galérien.

☞ Déchaîner au figuré, signifie exciter, animer quelqu’un contre un autre. Exstimulare, commovere aliquem in alium. Vous avez déchaîné contre moi un homme redoutable.

☞ On dit aussi au figuré avec le pronom personnel, se déchaîner contre quelqu’un, s’emporter avec violence, en paroles injurieuses, sans garder aucune mesure. Maledictis conscindere, insectari. Cet homme est si violent, qu’il se déchaîne par-tout contre moi sans sujet. Se déchaîner en inventives.