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doit point découvrir son sentiment à ceux qui le sollicitent. On découvre son cœur à son ami.

☞ On dit qu’un homme se découvre trop, pour dire qu’il donne trop à connoître ses secrets, ses affaires, ses sentimens.

J’aime un esprit aisé qui se montre, & qui s’ouvre,
Et qui plaît d’autant plus, que plus il se découvre. Boileau.

L’amour dans sa prudence est toujours indiscret ;
Le soin de se cacher découvre ce qu’il cache. Corn.

On dit proverbialement, Découvrir le pot aux roses, pour dire, qu’on a fait voir le secret d’une affaire où il y avoit quelque turpitude. Patefacere. On dit aussi, Découvrir S. Pierre pour couvrir S. Paul, pour dire, ôter à l’un pour donner à l’autre.

DÉCRASSER, v. a. Oter la crasse du corps, d’un habit, d’un tableau. Aliquem squalore, sordibus purgare, sordes detergere. On fait de la pâte d’amande pour se décrasser les mains.

On le dit aussi figurément, mais dans le style familier seulement. On n’a jamais pu décrasser cet homme-là, lui ôter la crasse du Collège, de la Province ; le polir. Alicujus mores expolire. On dit d’un homme de basse extraction qui a acheté une charge considérable, qu’il l’a achetée pour se décrasser, pour dire qu’il a acheté sa charge afin de se donner quelque distinction. Acad. Franc.

Décrasser un cuir. Terme de Corroyeur. C’est ôter tant du côté de chair que du côté de fleur, avec une pontelle ce qu’il peut y avoir de trop de suif, d’huile, & autres matières qu’on a employées pour le préparer.

☞ Dans les différens Arts, décrasser exprime l’action d’épurer les matières, & d’ôter les saletés qui les rendent défectueuses.

Décrassé, ée. part. Il a les significations du verbe.

DÉCRÉDITEMENT. s. m. L’action de décréditer, perte de crédit. Gratiæ, auctoritatis minutio, imminutio. La manière dont on se récrie sur quelques-uns qui se distinguent par la bonne foi, le désintéressement & la probité, n’est pas tant leur éloge, que le décréditement du genre humain. La Bruy.

☞ DÉCREDITER. v. a. Expression usitée dans le commerce. Oter le crédit, faire perdre le crédit à quelqu’un. Voyez crédit. Le moindre soupçon de banqueroute décrédite un Banquier. La mauvaise foi décrédite un Marchand.

Décréditer, se dit plus souvent au figuré, pour faire perdre à quelqu’un l’estime, la considération où il étoit. Voyez Crédit pris au figuré. Alicujus gratiam, auctoricatem, existimationem miuuere, imminuere, detrahere alicui. Il ne faut qu’une lâche action pour décréditer un homme de guerre pour toute sa vie. Les personnes de bon sens ont fort décrédité les équivoques. Bouh. Un méchant livre décrédite un Auteur. La honte de céder à des ennemis tant de fois vaincus, & la crainte de décréditer les armes de l’Empire, le déterminoient à combattre. Flech. La vie d’Epicure a été attaquée pour décréditer plus facilement ses opinions. S. Evr. Les bienfaits que j’ai reçus de vous décréditent les louanges que je vous donne. Boil.

Décréditer, est aussi réciproque. Se décréditer, perdre soi-même son crédit, par sa mauvaise conduite ou par des accidens qui dérangent la fortune & font perdre la confiance publique. On le dit aussi au figuré. Il ne disoit rien de sa disgrace à sa belle, de peur de se décréditer en montrant son malheur. B. Rab. Existimationem perdere, amittere.

☞ On dit d’une opinion qui a été fort en vogue & qui commence à n’avoir plus de cours, qu’elle commence à se décréditer, & d’une chose qui a été fort à la mode, & dont on est revenu, qu’elle est décréditée.

Décrédité, ée. part. pass. & adi. Imminutus existimatione, gratiâ. Un homme décrédité est celui qui ne trouve plus à emprunter la moindre somme. Une boutique décréditée est celle ou l’on ne voit plus de chalands.

On dit aussi qu’une chose est décréditée, quand elle n’est plus de mode.

DÉCRÉPIT, ite. adj. Qui est fort vieux, fort cassé, usé, dont tout le corps est dans un état de desséchement. Decrepitus, senio confectus. C’est un vieillard décrépit, qui n’est plus capable d’aucune affaire. Amour d’un mois, est amour décrépite. Des-Houl. Remarquez qu’on dit décrépites au pluriel dans le masculin. Ce sont tous vieillards décrépites. Age décrépit. Vieillesse décrépite.

DÉCRÉPITATION. s. f. Terme de Chimie. Calcination du sel qu’on continue jusqu’à ce que le sel ne pétille plus. Ustio, exustio. Il se dit aussi du bruit ou du pétillement que certains sels font pendant qu’on les calcine. Crepitus.

DÉCRÉPITER. v. a. Terme de Chimie. C’est faire sécher le sel commun, le calciner jusqu’à ce qu’il ne pétille plus étant mis au feu, en sorte que toute son humidité soit exhalée. Torrere, exurere.

Décrépiter, est aussi neutre, & signifie pétiller, faire du bruit. Quand on jette du sel marin dans le feu, il décrépite, & ce pétillement s’appelle décrépitation. Les cristaux de sel de succin décrépitent sur les charbons ardens. Hist. de l’Acad. des Sc. 1742. 49.

Décrépité, ée. adj. Terme de Chimie. Se dit du sel privé de l’eau de sa cristallisation & réduit en poudre, ou en petits éclats. Du sel marin décrépité.

DÉCRÉPITUDE. s. f. Vieillesse extrême & infirme ; état de desséchement de tout le corps. Age décrépit, ou vieillesse décrépite. Ætas decrepita, summa. Tithon parvint à une telle décrépitude, qu’il fut changé en cigale. Bens. La Sibylle de Cumes étoit parvenue jusqu’à la dernière décrépitude. Ragois met. Balzac se moquoit de ceux qui se servoient de ce mot. Peut-être n’étoit-il pas suffisamment établi de son temps.

☞ DÉCRET. s. m. Ce mot dans sa signification la plus étendue signifie la même chose que jugement, ordonnance d’une puissance supérieure pour en régler une inférieure. Decretum. Les causes secondes ne font qu’exécuter les décrets de la Providence éternelle. Le commerce éternel entre l’ame & le corps n’a point d’autre lien que l’efficace des décrets divins. Maleb. Les décrets des Conciles sont les loix qui réglent la doctrine & la police de l’Eglise.

Le mot de décret s’est dit d’abord chez les Jurisconsultes, de tout ce qui avoit été ordonne par le Prince en connoissance de cause ; mais depuis, ce nom a été seulement donné aux réglemens & ordonnances des Papes, comme on a donné le nom de Canons à ce qui a été ordonné par les Conciles.

En ce sens en appelle Décret, la première partie du Droit Canon. Gratien, qui a vécu tous le Pape Eugène III. en 1155. a fait une compilation des Canons des Conciles, des Avis & Sentences des Pères de l’Eglise, & de plusieurs Rescrits des Papes, qui sont les loix suivant lesquelles l’Eglise est gouvernée. Cette collection est intitulée, La concordance des canons discordans. Avant lui, Burchard de Wormes, & Yves de Chartres, Anselme de Luques, & autres, en avoient fait d’autres Compilations, mais plus imparfaites. Le Décret est divisé en trois parties. La première contient 108 distinctions, la seconde 36 causes, & la digression sur la penitence, contenue dans la seconde partie, est divisée en sept distinctions : la troisième contient cinq distinctions. La raison de cette dénomination vient de ce que Gratien s’applique dans la première & troisième partie de son décret à accorder les antilogies des Canons, & à distinguer leur vrai sens. Il faut le lire avec beaucoup de précaution ; les citations n’en sont pas toujours assez exactes. Pasq. M. Le Pelletier, Ministre d’Etat, fit faire en 1685. à Paris une fort belle édition du Décret en deux volumes in-fol. sur les manuscrits de MM. Pithou qui ont revu fort exactement le