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DEF

gouverne, afin qu’il ne prenne pas vent devant, ou qu’il ne mette pas en ralingue.

DÉFIEMENT. s. m. Terme de Coutumes. Déclaration de guerre, défi, appel. Provocatio.

DÉFIER. v. a. Faire un appel, provoquer son ennemi au combat, soit aux armes, soit en toutes sortes de disputes, de jeux & d’exercices. Provocare. Les anciens Chevaliers se défioient souvent pour éprouver leur courage. Défier quelqu’un à boire, à chanter, au jeu, au trictrac, à la paume. Marsias osa défier Apollon à qui joueroit mieux de la flûte. Bens. Je m’en vais défier les vents au milieu de l’Océan. Voit.

Dans ce mot l’i & l’e qui sont de suite font deux syllabes différentes dans ces vers :

Et sur le mérite des mœurs,
On pourroit défier les plus fins connoisseurs
De vous souhaiter quelque chose. Me. Des-Houl.

Ce mot vient de diffidare, qui se trouve en plusieurs Auteurs de la basse Latinité. Ménage.

Défier, sert aussi à reprocher à quelqu’un son peu de forces, ou son peu de courage, en le piquant & en l’aiguillonnant. Hoc age, si potes, rem magnam feceris, &c. C’est le tour Latin qu’on doit donner à ces expressions Françoises. Je vous défie d’aller en cette maison où il revient des Esprits. Vous me voulez faire un procès, je vous en défie. Je vous défie de m’oublier entièrement, & vous n’aurez jamais sans moi que des plaisirs imparfaits. Let. Port. Vous ne sautiez m’oublier, il est impossible que, &c.

Défier, en termes de Marine, a plusieurs significations, & est tantôt actif, tantôt neutre, tantôt réciproque. Défier, signifie prendre garde, empêcher que quelque chose n’arrive. Défier l’ancre du bord, c’est empêcher que l’ancre ne donne contre le bord. Défie du vent, est un avertissement qu’on donne à celui qui gouverne, afin qu’il ne prenne pas vent devant. Un vaisseau qui ne se défie que de grains qui paroissent au vent à lui. Un vent qui défie de la côte, c’est-à-dire, qui vient de la côte.

Défier. Déclarer quelqu’un ennemi public. Le Pape Honorius fit en 1225. une Constitution très sévère pour la sûreté des Cardinaux. Si quelqu’un, dit-il, poursuit un Cardinal à main armée, le frappe ou le prend, ou participe en quelle que manière que ce soit à une telle violence, il sera infâme comme criminel de lèze-Majesté, défié & banni c’est-à-dire, ennemi public, incapable de faire testament, ni de succéder à personne, même ab intestat. Fleury. L’Empereur Frédéric défia en 1226. par Edit public seize villes d’Italie, c’est-à-dire, qu’il les déclara ennemies. Id.

Défier est aussi réciproque. Se défier de quelqu’un, n’oser se fier à la fidélité des autres, dans la crainte d’être trompé, prendre des précautions pour n’être pas trompé par quelqu’un que l’on soupçonne de peu de fidélité, de peu de sincérité.

☞ On dit aussi, se défier de ses propres forces, de son esprit, de ses talens, n’avoir pas grande confiance en ses propres forces, en sa capacité. Diffidere alicui. Il se faut défier des flatteurs. Ceux qui ne se défient de rien sont les plus faciles à surprendre. Il faut se défier de l’amour aveugle que les hommes ont pour leurs propres Ouvrages. S. Evr. Je me défie un peu trop de vos promesses. Pasc. Je vous promets de ne vous point haïr : je me défie trop des sentimens violens pour oser l’entreprendre. Lettres Portug..

Défier, signifie aussi prévoir, se douter. Suspicari. Je me suis toujours bien défié que cela arriveroit ainsi. Qui se seroit jamais défié qu’on eût rendu un si méchant arrêt ? pour dire, qui l’eût prévu ? On doute que défier en ce sens soit du beau style.

On dit proverbialement qu’il ne faut jamais défier un fou, quand un homme propose de faire quelque folie, quelque extravagance, & qu’il demande si on l’en défie.

Défié, ée. part.

DÉFIGURER, v. a. Changer, gâter la figure, les traits. Deformare, deturpare, fœdare. Il se dit, tant des personnes que des choses, au propre & au figuré. Cette balafre lui a tout défiguré le visage. On ne connoît plus ce malade, tant il est défiguré. Dans une grande frayeur le visage se défigure, & fait quelquefois des mouvemens horribles. Felib. Depuis qu’on a abattu ce pavillon, ce bâtiment est tout défiguré. Un habit est tout défiguré, quand on en a ôté la garniture. Souvent ceux qui le mêlent de corriger ou de traduire des Ouvrages, les défigurent entièrement. Il défigure tellement les Auteurs, qu’ils ne sont plus reconnoissables. Boil. L’Eglise ne devoit pas vous être moins chère, parce qu’elle vous paroissoit défigurée. Nico. L’esprit fécond en déguisemens s’étudie à défigurer, selon ses intérêts, tantôt les vices, & tantôt les vertus. Fléch. Les rochers & les montagnes défigurent la terre, & en rendent la surface hideuse & mal polie. S. Evr.

DÉFILÉ. s. m. terme de Guerre. Passage étroit où l’on ne peut passer qu’à la file, où peu de personnes peuvent passer de front. Angustiæ, angusta via. C’est un pays couvert, montagneux, ou marécageux, où l’on trouve à tous momens des défilés. Ils donnèrent sur le bagage en passant, à cause qu’il y avoit un long défilé. Ablanc.

DÉFILER. v. a. Oter le fil ou le cordon qui étoit passé dans quelque chose. Filum detrahere. Tirer certaines choses d’un fil où elles étoient enfilées. E filo aliquid extrahere, educere. Défiler les perles d’un collier, défiler les grains d’un chapelet ou simplement défiler un chapelet, un collier. Ce collier de perles est défilé.

☞ Il est aussi réciproque. Votre collier se défile, va se défiler. On dit figurément, mais en style familier & populaire, que le chapelet se défile, lorsque, de plusieurs personnes liées ensemble d’amitié ou d’intérêt, quelques-unes se détachent des autres.

Défiler, v. n. terme usité dans l’art militaire, lorsqu’il est question de la marche des troupes. Aller à la file, l’un après l’autre, sur un petit front, ou sur très-peu de files. Voyez File & Front. Le passage de la montagne étoit si étroit, que les soldats ne pouvoient défiler que deux à deux, quatre à quatre. Bini, quaterni incedere.

Défiler, signifie aussi marcher par files, sans être contraint par le terrein ; & il n’est pas nécessaire que les soldats marchent tous l’un après l’autre ; ils peuvent marcher plusieurs de front, pourvu que ce soit en petit nombre. On fit défiler les troupes par pelotons, par compagnies, par escadrons. Turmatim, manipulatim.

☞ On se sert encore de ce verbe pour exprimer le mouvement qu’on fait faire à des troupes pour les voir plus en détail. Après la revue, on fit défiler les troupes dix à dix.

☞ On dit généralement défiler, de tous les mouvemens qu’on fait faire à des troupes sur un front moindre que celui sur lequel elles étoient en bataille : mais ce mot convient mieux lorsqu’on les fait marcher sur un petit front.

Défiler, est aussi un terme de Chandelier. Detrahere. C’est ôter la chandelle des baguettes. Défiler la chandelle. Dans ce sens il est actif.

Défiler, avec le pronom personnel, se dit des étoffes ; mais on dit mieux s’éfiler. Filatim dissolvi, solvi.

Défilé, ée, part.

DEFINAILLE. s. f. Vieux mot. Fin, mort. On a dit aussi définer, pour finir, mourir.

DÉFINER. v. n. Être près de sa fin, Ad finem vergere. Il n’est plus en usage.

DÉFINÉ, ée. adj. Vieux mot. Qui a pris fin, qui est fini, qui est mort. Mortuus, defunctus, a, um.

☞ DÉFINIR. v. a. Suivant la force du mot, c’est marquer les bornes & les limites d’une chose. Definire. Ce mot conserve quelque chose de son idée principale dans toutes les occasions où il est employé.

Définir, en termes de Logique, signifie, Expliquer la nature d’une chose par son genre & par sa différence. Voyez ces mots. La faire connoître telle