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cent un peu à se dégourdir. On dit aussi, Dégourdir les jambes, quand on commence à les exercer, après avoir été engourdies. Ce cheval n’est pas encore dégourdi, quand il aura fait une lieue, il ira mieux le train. On dit aussi, faire dégourdir de l’eau, faire chauffer un peu l’eau, pour lui ôter sa grande froideur. Dans ce sens dégourdir est neutre. On dit aussi qu’une viande est à peine dégourdie, pour dire qu’il y a trop peu de temps qu’elle est au feu pour être cuite, & qu’à peine elle est échauffée. Vix primum calorem experta.

Dégourdir se dit aussi activement dans un sens figuré, mais dans le style familier seulement, pour façonner quelqu’un pour le commerce du monde, le rendre propre à quelque chose. Cautiorem & callidiorem reddere. Rien n’est plus capable de dégourdir un jeune homme que la fréquentation des bonnes compagnies.

☞ On dit, dans le même sens, se dégourdir. Ce jeune homme commence à se dégourdir.

Dégourdi, ie. part. On dit substantivement, c’est un dégourdi, un homme à qui on n’en fait point accroire. Cautus, vaser, emunctæ naris.

DÉGOURDISSEMENT. s. m. Action par laquelle les membres engourdis se dégourdissent & se rétablissent en leur premier état. Torporis discussio. Le dégourdissement se fait sentir par un picotement dans les nerfs.

DÉGOUT. s. m. Défaut d’appétit, se dit, en Médecine, des alimens que l’on a de la répugnance à prendre. Fastidium, cibi satietas. Il y a des gens qui ont du dégoût pour le vin, pour le sucre, &c. La maladie donne du dégoût pour les meilleures viandes.

Le dégoût est une maladie de l’estomac, c’est, disent les Médecins, un des principaux symptomes du ventricule. Le dégoût procède du défaut de sensation dans l’orifice supérieur du ventricule : ce défaut est causé par la trop grande abondance d’alimens, par des humeurs crasses & lentes qui sont dans le ventricule, par les alimens gras & visqueux, par l’intempérie chaude ou froide, par l’obstruction des veines lactées, par la suppression des évacuations ordinaires, par l’intermission d’un exercice accoutumé, par le vice des nerfs dont la faculté est abolie ou suspendue, comme dans l’apoplexie, la létargie, &c. Selon Sylvius, par une salive trop grasse & trop visqueuse, ou par une bile trop grasse qui remonte des intestins grêles dans le ventricule. Le dégoût a encore d’autres causes qu’on appelle non naturelles, qui sont la trop grande chaleur de l’air, l’excès dans le dormir, le repos & l’oisiveté, les grands chagrins, le cours de ventre. Toutes ces causes, quand elles sont légères, affoiblissent seulement l’appétit, & causent un léger dégoût. Solterfoth rapporte à ce propos qu’un enfant étant malade d’un grand dégoût, & vomissant tout ce qu’on lui faisoit prendre, remèdes & alimens, il ordonna qu’on lui donnât tout ce qu’il demanderoit ; l’enfant en vit par hasard un autre qui mangeoit des poires toutes vertes encore, il en demanda, on lui en donna une, il la mangea avec beaucoup d’appétit, dès le moment ses vomissemens cessèrent, peu à peu l’appétit lui revint, & il guérit.

Dégoût se dit dans un sens figuré de l’aversion qu’on prend pour les choses ou pour les personnes. Abalienatio, alienatio, fastidium. Témoigner du dégoût pour une personne. Rac. Il a un grand dégoût pour toutes les sciences vaines & conjecturales. Un Chrétien a un grand dégoût pour toutes les vanités du siècle. Cet enfant a du dégoût pour l’étude. Aversari.

Dégoût se prend aussi dans le sens figuré, comme synonyme de chagrin, déplaisir. Ceux qui n’aiment point à flatter, trouvent de grands dégoûts à la Cour. Les voluptés ne sont pas exemptes de dégoût. Satietas voluptatibus non deest. Epicure dégageoit les voluptés des inquiétudes qui les précèdent, & du dégoût qui les suit. S. Evr. C’est une des miséricordes de Dieu, de semer des amertumes & des dégoûts parmi les douceurs trompeuses du mondes Nicol. Les François ne sauroient recevoir un maître sans chagrin, ni demeurer les leurs sans dégoût. S. Evr.

DÉGOUTANT, ANTE. adj. Qui donne ou cause du dégoût, de l’aversion, du déplaisir. Fastidiosus. Il se dit tant au propre qu’au figuré, des Viandes, des personnes, & des autres choses. La laideur est fort dégoûtante. La saleté est dégoûtante. Cela va plus au corps qu’à l’esprit : on dit qu’un homme est dégoûtant, quand il est mal propre. Bouh. On ne laisse pas de l’employer au figuré. Il y a des gens dégoûtans avec du mérite, & d’autres qui plaisent avec des défauts. Rochef. Il arrive bien des choses dégoûtantes dans le monde. Acad. Fran.

☞ DÉGOUTER. v. a. Oter l’appétit, faire perdre le goût. Fastidium & satietatem afferre, creare, parere. On dégoûte les gens en leur donnant trop à manger. Trop d’avoine dégoûte un cheval.

Dégoûter, se dit figurément, pour Donner de l’éloignement pour une chose ou pour une personne, faire qu’on cesse de la trouver à son gré. Fastidium, satietatem afferre, creare. Ce jeune homme avoit quelque goût pour les Lettres ; mais à force de lui en parler, on l’en a dégoûté. Ce Novice avoit d’abord beaucoup de zèle pour la Religion ; mais les trop grandes austérités l’en ont dégoûté. La Comédie ne sert qu’à rendre le vice aimable, & à dégoûter de la vertu. S. Evr. Le peu d’utilité qu’on tire de la vertu dans le monde, dégoûte des fatigues où elle expose. Bail. La vie fatigante des Courtisans, & les rebuts qu’ils souffrent, ne les dégoûtent point de la Cour. M. Esp.

☞ Il est aussi réciproque. Se dégoûter, prendre du dégoût, de l’aversion, cesser de trouver une chose à son gré. Alicujus rei fastidio satietate affici. Il s’est dégoûté de son métier, de son emploi, de la vie champêtre, de sa femme. Puisqu’on se dégoûte quelquefois de soi-même, il est encore plus aisé de se dégoûter des autres. S. Evr.

Dégoûté, ée. part. & adj. Il ne faut pas être dégoûté, sous prétexte d’être délicat. Alicujus rei fastidio ac satietate affectus. Menag. Il se prend quelquefois substantivement. Il y a des gens d’une délicatesse affectée, qui prétendent se mettre au-dessus des autres, en faisant les difficiles & les dégoûtés. Bell.

☞ On dit en proverbe, & par contre-vérité, c’est un bon dégoûté, c’est-à-dire, un homme de bonne humeur, de bon appétit, qui aime la bonne chère.

☞ DÉGOUTTANT, ante. Qui dégoutte. Stillans. Il est tout dégouttant de pluie, de sueur. Ce linge est encore tout dégouttant d’eau.

☞ DÉGOUTTER, v. n. Couler goutte à goutte. Stillare, distillare, destillare. L’eau dégoutte dans les caves, dans les cavernes. Si le sang eût dégoutté par dehors, c’eût été un mauvais augure. Vaug.

☞ On le dit aussi des choses par où dégoutte quelque liquide. Les toîts dégouttent long-temps après qu’il a plu. Le front lui dégoutte de sueur.

☞ On dit proverbialement & figurément, s’il pleut sur lui, il dégouttera sur moi ; s’il lui arrive du bien ou du mal, j’en aurai ma part. Quand il pleut sur le Curé, il dégoutte sur le Vicaire.

On dit aussi par la même raison, qu’à la Cour, & auprès des Grands, s’il n’y pleut, il y dégoutte, pour dire, que si l’on n’y a pas toujours de grandes fortunes, on en tire du moins quelque grace, quelque avantage.

Dégoutter, se dit aussi d’un homme qui est si plein d’une chose, qu’elle en sort de tous côtés. Aliquid manare, diffluere aliquâ re, manare. Ainsi la Bruyère a dit en parlant de certaines gens enivrés de la faveur des Grands, que, quand on les preste, ils dégouttent l’orgueil, l’arrogance, la présomption. Dégoutter est là actif.

DÉGRADATION. s. f. Destitution ignominieuse d’un Ordre, d’une qualité, d’une dignité ou degré d’honneur, dans le cas d’une condamnation. Alicujus