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cience, à qui l’ombre, ou l’apparence même du péché, donne des inquiétudes & des remords. Rien ne contribue davantage à perfectionner la pureté de cœur, que la délicatesse de conscience.

☞ DÉLICE. s. m. Terme qui paroît relatif à l’organe du goût, & qui exprime principalement le plaisir extrême de la sensation du goût. Deliciæ. C’est un délice pour certaines personnes de boire à la glace même en hyver ; & cela est indifférent pour d’autres même en été. On le dit, dans le même sens, de l’esprit. La contemplation est le délice d’un esprit élevé & extraordinaire.

☞ Le mot de plaisir a rapport à un plus grand nombre d’objets que ceux de délice & de volupté. On le dit de tout ce qui concerne l’esprit, le cœur, les sens, la fortune, enfin de tout ce qui est capable de nous donner du plaisir, de procurer à l’ame une situation gracieuse. L’idée de delice enchérir, par la force du sentiment, sur celle de plaisir ; mais elle est bien moins étendue par l’objet : elle se borne proprement à la sensation, & regarde surtout celle de la bonne chère. L’idée de volupté est toute sensuelle, & semble désigner, dans les organes quelque chose de délicat qui raffine & augmente le goût. Syn. Fr.

☞ Ce mot est plus souvent employé au pluriel, où il est du genre féminin, & se prend dans un autre sens, selon lequel il exprime l’objet ou la cause de cette situation gracieuse de l’ame : comme quand on dit jouir des délices de la campagne. Alors ce mot a plus de rapport aux agrémens que la nature, l’art & l’opulence fournissent, telles que de belles habitations, des commodités recherchées, & des compagnies choisies, en un mot, à tous les objets qui réveillent les idées les plus douces, ou excitent les sensations les plus agréables. Deliciæ. Au lieu que le mot de plaisir a plus de rapport aux pratiques personnelles, aux usages & aux passe-temps, tels que la table, le jeu, les spectacles, & les galanteries : & celui de volupté désigne proprement des excès qui tiennent de la mollesse, de la débauche & du libertinage, recherchés par un goût outré, assaisonnés par l’oisiveté, & préparés par la dépense tels que l’on dit avoir été ceux auxquels Tibère s’abandonnoit dans l’Isle de Caprée.

☞ Le Paradis terrestre fut appelé le jardin de délices. Etre nourri dans les délices. Goûter les délices de la vie. Faire ses plus chères délices de quelque chose. Les délices des sens, de l’esprit. Faire ses délices de l’étude, du jeu. Les délices du cœur sont plus touchantes que celles de l’esprit. Par-tout le mot de délices signifie un plaisir extrême.

☞ On dit d’un Prince qu’il est les délices de son siècle, pour dire qu’il est l’objet de l’amour public. L’Empereur Titus étoit les délices du genre humain.

De Rome pour un temps Caïus fut les délices ;
Mais sa feinte bonté se tournant en fureur,
Les délices de Rome en devinrent l’horreur. Racine.

DÉLICHIA. Île de la Méditerranée. Dulichium. C’est une des Echinades, ou Cursolaires, situées dans le Golfe de Pascas à l’entrée de celui de Lépante. M. Spon croit que c’est celle qu’on appelle aujourd’hui Thiaki, ou petite Céphalénie, parce qu’elle n’est éloignée de Céphalénie que de trois ou quatre miles.

DÉLICIEUSEMENT. adv. D’une manière délicieuse, avec délices. Délicatè, molliter. Apicius étoit un homme qui vivoit fort délicieusement. Les Sybarites étoient des peuples élevés délicieusement. Boire délicieusement.

DÉLICIEUX. euse. adj. Terme particulièrement relatif à l’organe du goût, qui s’applique à ce qui flatte cet organe le plus agréablement qu’il est possible. Suavis, delicatus, delicati saporis. Vin, mets délicieux. Ce ragoût est délicieux. Fruit délicieux.

D’un joug cruel il sauva nos aïeux,
Les nourrit au désert d’un pain délicieux :
Il nous donne ses Loix, il se donne lui-même ;
Pour tant de biens il commande qu’on l’aime. Racine.

☞ Par extension ce mot s’applique aux choses qui excitent dans les autres organes les sensations les plus agréables. C’est ainsi qu’on dit une musique délicieuse, un parfum délicieux.

☞ En généralisant ainsi ce mot, on l’applique à l’objet ou à la cause de la situation gracieuse de l’ame, à ce qui produit dans elle des sensations agréables. Conversation délicieuse. Campagne délicieuse. Séjour délicieux, c’est-à-dire, où tous les objets réveillent des idées douces, & procurent à l’ame des sensations agréables. Le jardin d’Eden étoit un lieu délicieux.

☞ On s’en sert encore pour exprimer cet état de pur sentiment dans lequel l’ame, dans une espèce de quiétisme, ne fait plus que sentir la douceur de son existence. Il y a des solitudes qui charment les ennuis, & qui donnent un repos délicieux. S. Evr. Délicieux momens, Dieux quels momens !

☞ Quelques Néologues ont même osé joindre cette épithète à des termes qui expriment une situation de l’ame fâcheuse & désagréable : & l’on a dit une tristesse délicieuse.

Délicieux, se prend aussi quelquefois pour voluptueux, pour celui qui aime le plaisir. C’est un homme délicieux dans son boire & dans son manger. Il ne se dit guère absolument en ce sens-là. Ac. Fr.

DÉLICOTER. v. récip. Terme de Manège, qui le dit d’un cheval qui est sujet à défaire son licol, à qui il faut mettre un sous-gorge. Capistrum excutere, disjicere. Ce cheval est sujet à se délicoter.

☞ DÉLIÉ. ée. adj. se dit au propre d’une chose qui est très-mince, qui a très-peu d’épaisseur relativement à sa longueur. Tenuis, gracilis. Fil délié, toile déliée. Trait de plume délié. Le fil de lin est plus délié que celui de chanvre. Taille déliée. Voilà l’idée qu’on nous donne ordinairement de ce mot. M. l’Abbé Girard en comparant ces trois mots, menu, délié & mince, observe que menu n’a quelquefois rapport qu’à la grosseur dont il manque, & d’autres fois à la grandeur en tout sens : que le délié n’est opposé qu’à la grosseur, supposant toujours une sorte de longueur, & qu’enfin le mince n’attaque que l’épaisseur, pouvant beaucoup avoir des autres dimensions. Ainsi l’on dit une jambe & une écriture menue, un fil délié, une planche & une étoffe mince.

Délié, se dit au figuré d’un esprit propre aux affaires épineuses, fertile en expédiens, insinuant, fin, souple, caché, qualités qui lui sont communes avec l’esprit fourbe & méchant : cependant on peut être délié sans être ni méchant ni fourbe. C’est la notion que les Encyclopédistes nous donnent de ce mot en quoi il paroît que l’on fait un peu trop ressembler l’homme délié à l’homme fin. Un homme fin, dit M. l’Abbé Girard marche avec précaution par des chemins couverts. Un homme subtil avance adroitement par des voies courtes. Un homme délié va d’un air libre & aisé par des routes sûres. La défiance rend fin. L’envie de réussir jointe à la présence d’esprit rend subtil. L’usage du monde & des affaires rend délié. Les Normands ont la réputation d’être fins. Les Gascons passent pour subtils. La Cour fournit les gens les plus déliés. Voyez encore fin & délicat.

Quelques-uns dérivent ce mot de l’Hébreu dal qui signifie tenuis, ou de dalal, qui veut dire attenuari, arescere. Mais, sans aller si loin, il vient de delicatus : ou plutôt il vient de délien, vieux mot Celtique & Bas Breton, qui signifie feuille, à cause que la feuille est mince & déliée.

Délié, terme de Poësie Italienne. Solutus. Les vers déliés, que les Italiens appellent en leur langue sciolti, sont des vers qui ne riment pas les uns avec les autres : ils ne sont point astreints à la rime, mais à un certain nombre de syllabes, & à la cadence ; on