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DEL

Ce mot, si l’on en croit les Anciens, est Grec, Δῆλος, manifeste, apparente, parce qu’elle parut tout-à-coup de dessous les flots. D’autres, au rapport d’un Commentateur ds Stace, disent que c’est parce que ce fut la première qui fut éclairée des rayons du soleil, & d’autres par ce que les oracles qui s’y rendoient étoient plus clairs que nuls autres. Bochart va plus loin à son ordinaire, & Chan. L. I. C. 14. Il prétend que Délos vient de דהל, Daal, comme Belus vient de באל, Baal ; Daal signifie crainte & figurément, Dieu, parce qu’on craint les Dieux ; qu’il est pris en ce dernier sens dans les Paraphrases Chaldéennes ; & ; qu’ainsi les Phéniciens nommèrent cette île Daal, ou comme on prononçoit anciennement Déel, c’est-à-dire, l’Isle-Dieu, savoir Apollon, & au pluriel Daalan, ou Déelan, c’est-à-dire, l’isle des Dieux, Apollon & Diane.

On croit que ce sont ces deux Divinités que représente une médaille rapportée par Nonnius dans la XXVIII. Table des îles de Grèce. On voit deux têtes d’un côté avec ce mot ΘΕΩΝ, & deux têtes encore de l’autre avec ΑΔΕΛΦΩΝ, & de chaque côté sous les têtes Δ, qu’ils prennent pour ΔΗΛΙΩΝ. Et cela se confirme par une autre médaille qui se voit au même endroit avec trois têtes, qui sont celle de Jupiter couronnée de laurier sur le devant, celle d’Apollon rayonnante au milieu, & celle de Diane avec un croissant sur le front sur le derrière. Au revers est une Aurore dans un char emporté par deux chevaux. Les autres médailles de Délos n’ont qu’une tête rayonnante, ou seule, ou avec un carquois ; & au revers, ou le soleil dans son char à deux, ou à quatre chevaux, ou un croissant & deux étoiles, ou l’Aurore dans un char attelé de deux chevaux ou de deux bœufs. Il y en a qui ont une tête de Jupiter couronnée de laurier, & dessous Δ, au revers trois croissans, trois étoiles Δ. Nonnius Insul. Gr. Tab. XVII. & XVIII.

DÉLOT. s. m. Terme de Mer. Espèce d’anneau de fer concave, que l’on met dans une boucle de corde pour l’empêcher de se couper par celle que l’on y fait entrer. Annulus concavus.

☞ DÉLOYAL, ale. adj. & s. Qui n’a ni parole, ni foi, ni loi, qui compte pour rien les engagemens les plus forts. Perfidus, insidiosus, infidus. Ami déloyal. Il faut être bien déloyal pour trahir son ami. Ce Monsieur Loyal porte un air bien déloyal. Mol. Ce mot vieillit. Il est plus tolérable en vers qu’en prose : en Poësie même, il est peu usité aujourd’hui.

DÉLOYALEMENT. adv. D’une manière déloyale. Avec perfidie. Il en a usé le plus déloyalement du monde avec moi. Perfide, perfidiosè. Il est peu usité.

DÉLOYAUTÉ, s. f. Action contre la fidélité & les lois. Perfidie, infidélité. Perfidia, infidelitas. Trahir sa conscience par un faux serment, c’est la première des déloyautés. Il est moins usité que ses synonymes.

Ce mot vient du vieux Gaulois, desloi, qui signifioit péché contre la loi.

DELPHES. Ancienne ville de Grèce. Delphi. M. Toureil & M. Corneille la mettent dans la Bœotie. Bertius, Hoffman, Maty, la placent dans la Phocide ; & ce sentiment est le plus vrai. Le temple de Delphes, l’oracle de Delphes, étoient célèbres dans l’antiquité. Corétas, gardant, dit-on, son troupeau proche du mont Parnasse, s’étant apperçu que ses chèvres jetoient des cris extraordinaires toutes les fois qu’elles s’approchoient d’un antre voisin, voulut voir ce que c’étoit ; & saisi par les vapeurs qui en sortoient, il se mit à prophétiser, à prédire l’avenir. Aussi-tôt que ce prodige fut répandu dans le pays, un grand nombre de personnes curieuses de savoir l’avenir, se transportoient en cet endroit, & s’entredonnoient des réponses sur leurs demandes. Mais, comme l’ouverture de la fosse étoit dangereuse & que plusieurs, dans leur fureur prophétique, tomboient, sans jamais reparoître ; on s’avisa de fermer l’ouverture avec un trépied, afin que dans la suite la Prétresse s’assît dessus. Ces Prêtresses de Delphes furent d’abord des vierges en l’honneur de Diane, mais l’une d’elles, nommée Phœbade, ayant été ravie par Echécraté, Thessalien, on n’y mit plus que des femmes de 50 ans. Cet oracle de Delphes fut très-célèbre : tous les princes, toutes les Républiques, tous les Etats, toutes les villes de la Grèce le consultèrent souvent & se disputèrent à l’envi l’honneur de l’enrichir de présens magnifiques. Les Princes même étrangers & barbares, le consultèrent souvent. Les Eubéens, les Phlégyens, Pyrrhus fils d’Achille, Xerxes, Roi des Perses, les Phocéens les Gaulois, & enfin Néron, le pillèrent en différens temps, & en enlevèrent des richesses innombrables. Les Phocéens en tirèrent à diverses fois plus de dix mille talens ; c’est-à-dire plus de six millions d’or. Néron fit plus ; il donna à ses soldats le territoire de Cyrrhoée, qui étoit le domaine d’Apollon, & l’antre même d’où sortoient les Oracles, après en avoir fait boucher l’entrée de corps morts, & l’avoir ainsi pollué ; peut-être parce qu’il ne s’y rendoit plus d’oracles, car Nicéphore, L. I. c. 17. Cédrénus, Suidas, Paul Orose, L. I. c. 18. disent qu’il se tut sous Auguste, & Auguste même l’interrogeant ; & qu’il apporta pour raison de son silence qu’un enfant Hébreu, qui étoit Dieu, le chassoit, & l’obligeoit de rentrer dans l’enfer. Claudien dit qu’il s’en étoit allé chez les Scythes Hyperboréens. Long temps auparavant Cicéron s’en étoit moqué, L. II. de Divin.

Le temple de Delphes, si l’on en croit l’Antiquité, fut bâti cinq fois. La première fois, de branches de laurier que l’on prit dans les champs voisins ; ainsi ce n’étoit qu’une cabane ; la seconde fois, de cire & d’ailes d’abeilles ; la troisième d’airain. Les uns disent que le feu le détruisit, & d’autres qu’il fut englouti dans un tremblement de terre. Le quatrième construit la première année de la cinquième Olympiade par Trophonius & Agamèdes, fameux Architectes, étoit de pierre, & fut consumé par le feu. Le cinquième fut bâti par les Amphictyons de l’argent sacré, & Spinthare en fut l’Architecte. Monsieur Spon, L. III. p. 172. rapporte une médaille de Delphes, ΔΕΛΦΩΝ, sur laquelle il paroît un temple magnifique. Ce temple & la ville de Delphes étoient consacrés à Apollon, & c’est apparemment lui que représente la tête d’homme sans barbe & couronnée de laurier qu’on voit communément sur ses médailles. C’est encore pour la même raison qu’il y a quelquefois à côté de cette tête un luth, & au revers de même un luth. On y trouve aussi un homme porté sur un poisson, une tête de bœuf, une abeille, une tête de chèvre, une tête de bélier avec un carquois. Nonnius en a fait graver une qui a une tête de Jupiter couronnée de laurier, & au revers un foudre. L’inscription est tantôt ΔΕΛΦΩΝ, & tantôt ΔΕΛΦΩΥ. Voy. Nonnius, Græc. in. Tab. VIII.

La ville de Delphes fut bâtie, à ce que l’on prétend, avant le Déluge de Deucalion, par Parnasse, fils de Neptune & de la Nymphe Cléodore, & prit son nom d’un fils d’Apollon & de la Prêtresse Thya, nomme Delphe. Plusieurs assurent qu’elle tire son nom du mot Phénicien Delphin, qui veut dire Prophète. Je m’en rapporte. Tourr. Dans la suite Delphes fut une ville Episcopale, dont l’Evêque étoit suffragant d’Athènes. Aujourd’hui ce n’est qu’un amas de ruines, sur lesquelles on a bâti un petit village, nommé Castri. Il est au pied du Mont Parnasse, entre Salone & Livadia. Voyez sur cette ville Vigenère, dans son César.

Le bourg des trois Maries en Provence, s’est appelé autrefois Temple de Delphes.

DELPHIEN, enne. s. & adj. m. & f. Qui est de l’île de Delphes. Delphius, Delphicus, a, um.

Oh qu’il chansonne bien !
Seroit-ce point Apollon Delphien ? R.

DELPHIN. s. m. Nom d’homme. Delphinus. S. Del-