Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, III.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
DEN

Roi au Bureau. Un particulier, par exemple, veut faire entrer cinq livres de marchandises, qui doivent cinq deniers pour livre de droits. Sur ce pied, il revient au Roi 2 s. 1 d. juste ; mais, comme on ne peut pas taire 2 s. 1 d. juste, à cause de la valeur des petites monnoies, le particulier est obligé de donner 2 s. 3 d. qui est 2. d. de plus, c’est ce qu’on appelle denier fort.

Denier, en termes de Monnoyeurs & d’Orfèvres, est le titre de l’argent, comme le carat est celui de l’or. C’est un poids composé de 24 grains, qui marque les dégrés de bonté ou de pureté de l’argent. Pretium auri argentique ex nativæ obrussæ nota, nota probitatis auri argentique ex nativa obrussa. On le divise en demis, en quarts, & en huitièmes. L’argent le plus fin est de 12 deniers, & l’or de 24 carats. L’argent se peut purifier jusqu’à ce 12e. degré ; mais il ne laisse pas d’être très-pur jusqu’au titre de 11 deniers & 18 grains, c’est-à-dire, quoiqu’il y ait six grains de déchet. On dit un denier de fin, ou d’alloi, ou de loi. Il doit y avoir en la monnoie dix deniers de fin du moins, autrement elle passe pour billon. L’argent d’orfévrerie doit avoir onze deniers & douze grains de fin par l’Ordonnance de 1640. L’argent à ce titre est appelée argent-le-Roi parce que le Roi accorde cette vingt-quatrième partie de profit aux étrangers, qui en apportent. On dit aussi dans les monnoies, deniers de boëte & deniers courans. Le denier de boëte est une pièce de monnoie de chaque espèce, matière & prix, qui se fabriquent dans les Hôtels des Monnoies, que les Gardes, lorsqu’ils font la délivrance, sont obligés de mettre dans une boëte, pour servir au jugement que la Cour des Monnoies doit faire des espèces qui ont été fabriquées chaque année. C’est une pièce d’or qu’on prend sur 200, ou une pièce d’argent qu’on prend sur 18 marcs, qu’on met dans une boëte pour servir au jugement de tout l’ouvrage. Recentes a marculo monetæ nummi cujusque generis ac operæ pixidibus obsignatis a monetalibus probandi. Les deniers courans sont les espèces qui sont exposées dans le commerce, après que le Fermier a obtenu de la Cour des Monnoies le jugement de délivrance. Voyez Boizard Traité des Monn. p. 1. c. 13.

Denier, en matière de poids, est la vingt-quatrième partie de l’once, & la 192e. du marc. Scriptulum. Il pese 24 grains. Le gros pese trois deniers. En Médecine on l’appelle scrupule. Scrupulus. L’écu blanc doit peser tant de deniers trébuchans.

Denier de Monnoyage, se dit dans les Hôtels des Monnoies, de toutes sortes d’espèces d’or, d’argent, de billon & de cuivre, qui ont reçu leur dernière façon par les Monnoyeurs, qui les ont frappées au Balancier, comme un écu d’or est un denier de monnoyage d’écu, & ainsi des autres. Moneta.

Denier S. Pierre, en Anglois Remepeny ou Rome-Schot. Nom du Tribus que l’Angleterre payoit autrefois au Pape. Le denier saint Pierre ou la taxe du denier S. Pierre étoit une redevance qui se payoit au Pape, & dont une partie étoit employée à l’entretien d’une Eglise de Rome nommée l’Ecole des Anglois. C’étoit un denier de cens sur chaque maison, à payer au siège Apostolique. C’étoit rendre ce Royaume tributaire de l’Eglise. Ce cens fut augmenté par le Roi Atulphe, & se nommoit le denier S. Pierre. On le payoit encore, lorsque Henri VIII. se révolta contre l’Eglise. Godeau.

Olaüs, Roi de Suède, imposa un pareil tribut en faveur du S. Siège, que l’on appela le denier S. Pierre, qui fut aboli par ses successeurs. Baronius rapporte que Charlemagne en avoit imposé un pareil sur chaque maison de son Royaume en 840. comme témoigne le Pape Grégoire. On en établit aussi un en Pologne en l’an 1320. sur chaque tête d’homme & pareillement en Bohême, voyez Du Cange.

Le tiers denier. Autrefois on partageoit dans chaque Comté les amendes & les émolumens de Justice en trois parties. Le Roi en avoit deux, & le Comte avoit la troisième que l’on appeloit le tiers denier.

Denier à Dieu. s. m. Arrha, arrabo. C’est une arrhe, une pièce d’argent, une petite somme que donne, quand un marché est conclu, celui qui achète ou qui loue quelque chose à celui qui vend ou qui loue. Quelques-uns disent qu’on appelle cet arrhe denier à Dieu, parce qu’on le donne principalement pour en faire aumône aux pauvres. Peut-être est-ce parce qu’on le donne en disant adieu, en se séparant, lorsque le marché est conclu. Si l’on ne retire le denier à Dieu dans les 24 heures, après qu’on l’a donné, on ne peut plus rompre le marché qu’on a fait, & pour lequel on l’a reçu. On dit, donner le denier à Dieu, retirer, reprendre le denier à Dieu.

On dit que l’on mettroit bien son denier à une chose, pour dire que si elle étoit à vendre, on en feroit volontiers l’acquisition. Ac. Fr.

On dit proverbialement qu’un homme vendroit un autre à beaux deniers comptans, pour dire, qu’il est bien plus fin que lui. On dit aussi d’un valet musard, qui s’arrête souvent en chemin, qu’il n’y a point d’huis qui ne lui doive un denier. On dit qu’une chose vaut mieux denier qu’elle ne valoit maille, pour dire qu’elle est améliorée. On dit aussi, net comme un denier, ce qui s’entend d’un compte clair & exact, rendu jusqu’à un denier.

Gagne-denier. s. m. Crocheteur, Portefaix. Bajulus.

Denier-Morlas, Il est ainsi nommé d’une ville de Béarn : ce denier en vaut quatre. Denarius quadruplus.

Denier Tolza. Il y en a de deux sortes : celui qu’on appelle simplement denier tolza, vaut deux deniers tournois. Denarius duplus. Celui qu’on appelle denier tolza, forte monnoie, vaut deux deniers & demi. Sesqui duplus.

Le denier morlas & le denier tolza ne sont plus en usage dans les comptes.

☞ DÉNIGREMENT. s. m. Action de dénigrer, tout ce qui tend à rabaisser le mérite d’une personne ou d’une chose. Despicatio, Despicatus, despicentia. Il me semble que vous avez trop confondu les Académiciens que vous avez regardés comme vos Parties, j’en ai trouvé deux entr’autres qui peuvent avoir tort à votre égard, mais qui ne me paroissent pas mériter le dénigrement que vous en faites : c’est M. de Benserade, & M. de la Fontaine. Let. de Bussy à Furetiere.

Dénigrement, Il se dit aussi du mépris où tombe un homme dont la réputation est devenue mauvaise. Il est tombé dans un grand dénigrement. Despicatissimus.

☞ DÉNIGRER, v. a. Chercher à diminuer la réputation des personnes, ou le prix des choses, à les rendre méprisables. Elevare, deprimere, labem inferre alicui, labe aliquem aspergere. Les Auteurs critiques se dénigrent les uns les autres. On dit aussi qu’un homme s’est bien dénigré, quand on a découvert qu’il a fait quelque méchante action. Il est bas, & Danet le met au rang de ceux qui sont tout-à-fait hors d’usage. Cependant on peut s’en servir dans le style familier & comique.

Ami Marot, que je vous sai bon gré
D’avoir les sots en vos vers dénigré ! Rouss.

Dénigré, ée.

DENIN, ou DENAIN. Lieu des Pays-Bas, où il y a une Abbaye de Chanoinesses séculières fondée par S. Aldebert Comte d’Ostrevant, & par Sainte Reine sa femme, nièce du Roi Pépin vers l’an 764. & selon d’autres 750. Donomium. Les Bénédictins mettent cette Abbaye au nombre de celles qui étoient autrefois de leur Ordre, avant qu’elles se fussent sécularisées. Les fondateurs donnèrent tous leurs biens à dix filles, qu’ils avoient eues de leur mariage, & l’aînée nommée Rainfrède, fut la première Abbesse de ce Monastère, où ses sœurs firent avec elle vœu de chasteté. Dans la suite ces Religieuses se sont sécularisées, & composent aujourd’hui un Chapitre de dix-huit Chanoinesses, qui font preuve de noblesse de huit quartiers. Ce lieu est devenu célèbre par la