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quelqu’un, de tout ce qu’on lui fait savoir par quelque moyen que ce soit. Dénoncer quelque malheur. Il envoya un des principaux de la Cour vers les Scythes, leur dénoncer qu’ils ne passassent pas le Tanaïs. Vaug. Il lui envoya dénoncer qu’il eût à lui payer le tribut. Id.

Dénoncer, signifie aussi, faire signifier par un acte fait en Justice quelque procédure. Dénoncer à un garant le trouble qui nous est fait par un tiers, afin qu’il prenne le fait & cause. Un poursuivant criées dénonce toutes les procédures & oppositions qui lui sont signifiées, afin que les parties lui administrent des moyens pour s’en défendre.

Dénoncer, signifie aussi déférer en Justice un crime & celui qui en est l’auteur, pour obliger la partie publique d’en poursuivre la punition. Deferre. Il dénonça deux Chevaliers Romains. Ablanc. Il est dangereux d’être dénoncé à l’Inquisition. On a dénoncé au Procureur Général cette conspiration. C’est une grande trahison de dénoncer son ami.

On dit proverbialement, je vous dis & je vous dénonce que je vais faire telle chose, pour dire, je vous le déclare.

Dénoncé, ée. part. pass & adj. Denunciatus. Un excommunié dénoncé à l’Eglise, c’est-à-dire, public, & déclaré.

DÉNONCIATEUR. s. m. Celui qui, sans se porter partie, dénonce au Procureur du Roi qu’un crime a été commis par quelqu’un, afin qu’il en fasse la poursuite en qualité de Procureur du Roi. Delator. Un dénonciateur est secret, & se doit inscrire sur le Registre du Procureur Général, & donner caution. Quand un homme est absous, la partie publique est obligée de nommer son dénonciateur, pour le faire condamner aux dommages & intérêts. Voici un grand crime dont Tubéron s’est rendu dénonciateur. Abl. Les deux dénonciateurs des Templiers périrent misérablement. Mezer. Il y a des Théologiens qui pretendent qu’en matière d’hérésies, on peut être dénonciateur & Juge tout ensemble ; mais cette prétention est odieuse. Un dénonciateur est trop intéressé dans sa dénonciation pour attendre de lui un jugement équitable. Un dénonciateur doit toujours être considéré comme partie.

☞ Dénonciateur, délateur, accusateur, ne sont point synonymes. Voyez au mot délateur les idées accessoires qui les distinguent.

DÉNONCIATION. s. f. Publication faite solennellement. Denunciatio. Tous les vaisseaux sont de bonne prise après la dénonciation de guerre. On a fait au prône plusieurs dénonciations & publications de bans, d’excommunications, &c. La dénonciation se fait, afin que la sentence d’excommunication soit entièrement exécutée. Eveillon.

Dénonciation, signifie aussi, la déclaration que l’on fait au Magistrat qui a en main la vindicte publique, d’un crime & de celui qui en est coupable, sans se rendre partie. Delatio. Cette dénonciation n’est pas essentielle pour l’instruction d’un procès criminel ; elle donne seulement ouverture au Juge pour informer. Une partie ne peut poursuivre un procès criminel où elle n’a point d’intérêts, que par la voie de la dénonciation. Philippe-le-Bel, Roi de France, sur la dénonciation de deux Templiers scélérats, fit arrêter en 1307 tous les Templiers de son Royaume. Mez.

Dénonciation & accusation que nos Dictionnaristes confondent ne sont pas plus synonymes que dénonciateur & accusateur. Voyez ces mots.

Dénonciation, se dit aussi des procédures qu’on signifie aux parties, afin qu’elle n’en prétendent cause d’ignorance. Monitio, denunciatio, significatio. Un acquéreur fait une dénonciation à son garant du trouble qui lui est fait.

Il y a aussi en Droit une action qu’on appelle dénonciation de nouvel œuvre, novi operis nunciatio dont il y a un titre exprès dans le Digeste, & dont on usoit pour empêcher une nouvelle construction faite par un voisin au préjudice d’un autre.

DÉNOTATION. s. f. Désignation de quelque chose par certains signes. Significatio. On a parlé de ces choses en général, sans aucune dénotation particulière. Ce mot & le suivant sont un peu vieux.

DÉNOTER. v. a. Marquer, désigner quelque chose, ou quelque personne, en sorte qu’on la puisse reconnoître. Denotare. La plupart de nos mystères nous sont dénotés par les figures de l’Ancien Testament. Les témoins ne déposent pas nettement contre cet accusé, mais il est pourtant si bien dénoté qu’il y a apparence que c’est lui.

Dénoter, se prend quelquefois dans la signification d’indiquer. Dans les fièvres intermittentes, le frisson dénote l’accès. Indicare.

Dénoté, ée. part. Indicatus, significatus.

DÉNOUEMENT. s. m. Ce mot ne se dit point au propre. Il est d’usage au figuré pour signifier ce qui démêle, ce qui développe le nœud d’une pièce de Théâtre, le point ou aboutit & se résout une intrigue épique ou dramatique. Nodi solutio. Le dénouement des Visionnaires est très naturel, & vraisemblable. Le dénouement des Romans se fait d’ordinaire par une reconnoissance, comme celui de l’Astrée. Dans le Poëme Epique le dénouement ne doit pas laisser le Héros malheureux ; les fins tristes ne sont bonnes que pour la Tragédie. P. le Boss. Le dénouement d’une pièce tragique doit naître du sujet même, sans avoir recours à une machine, ou à une Divinité, pour délier ce qui est trop embarrassé. Dac. Le dénouement doit être la partie la plus travaillée, parce que c’est ce qui fait la dernière impression sur l’esprit du Spectateur. Id. Le dénouement pèche le plus souvent, ou parce qu’il est mal préparé ou parce qu’il est trop embarrassé, ou parce qu’il est double. Id. Il faut que le dénouement soit une suite vraisemblable de ce qui a précédé ; qu’il soit naturel, & qu’il naisse du sujet. P. le Boss. Térence n’enflamme pas la curiosité, & ne jette pas l’esprit dans l’impatience de voir le dénouement des avantures. Dac.

Dénouement, se dit aussi en parlant des affaires & des intrigues du cabinet.

DÉNOUER, v. a. Défaire un nœud. Nodum solvere, expedire. Dénouer ses souliers, sa cravate. Alexandre ne put dénouer le nœud Gordien, mais il le coupa.

Dénouer, en parlant du corps & de ses parties se prend dans un sens figuré, & signifie rendre plus agile, plus souple. Voyez ces mots. Les différens exercices auxquels on accoutume les jeunes gens, la danse, la chasse, l’escrime, la paume, &c. dénouent le corps, les membres.

☞ En parlant de la langue, c’est lui donner la facilité de parler. Expedire.

Ma langue n’attend pas que l’argent la dénoue. Boil.

☞ On le dit aussi en Morale. Dénouer le nœud de l’amitié. Nodum, vinculum amicitiæ solvere, dissolvere. Quand l’intérêt seul forme le nœud de l’amitié, les moindres chagrins le peuvent rompre, ou du moins ils le peuvent dénouer. S. Evr. Le lien conjugal parmi les Chrétiens est un nœud qu’on ne peut dénouer.

Dénouer, en parlant des pièces de Théâtre, se dit encore figurément pour démêler, débrouiller une intrigue, le nœud. Voyez Dénouement. Ce Poëte a fort bien dénoué l’intrigue de sa pièce.

☞ Ce verbe est aussi réciproque tant au propre qu’au figuré. Ce ruban se dénoue. Ce jeune homme commence à se dénouer ; il n’est plus aussi lourd, aussi pesant qu’il étoit. L’intrigue de cette pièce se dénoue fort bien, se démêle, se développe. Son esprit se dénoue, comprend, conçoit plus aisément.

☞ On dit aussi qu’un enfant se dénoue, lorsque les parties de son corps qui étoient nouées, commencent à prendre la forme, l’étendue & le jeu qu’elles doivent avoir.