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DEP

Département, se dit aussi de l’assignation de logement des Troupes, des quartiers qu’on leur distribue. Distributio, stativa, & selon les saisons, hiberna, hibernacula, ou æstiva. Ils tirèrent au sort les villages les plus proches, & chacun alla à son département. Ab. Ce Régiment a obtenu cette année un bon département pour passer son quartier d’hiver.

Département, en termes d’Architecture, est l’ordonnance & description des membres, chambres & parties, dont est composé un bâtiment, en un plus grand, ou un plus petit nombre de pièces, selon leurs grandeurs, suivant la différence des personnes, & c’est la première partie du devis, selon Savot. Ordo, dispositio. Cette signification étoit en usage autrefois, aujourd’hui département signifie certaines parties d’une maison destinées à un usage particulier. Département des cuisines, des écuries, des domestiques de la bouche, &c. ce sont les pièces destinées à l’usage des domestiques, à servir pour la bouche, à préparer à manger, &c.

Département. Vieux mot. Départ. Discessus, profectio.

DÉPARTIE. s. f. Vieux mot. Départ, séparation. Separatio, discessio. La débonnaire Reine (Blanche) répondit en plorant : Beau, très-doux fils, que sera-ce ? comment pourra mon cœur souffrir la départie de vous & de moi ? Anonyme, vie de S. Louis.

Cruelle départie,
Malheureux jour !
Que ne suis-je sans vie
Ou sans amour !

DÉPARTIR, v. a. Distribuer ; partager quelque chose entre plusieurs. Partiri, dispertiri, dividere, distribuere. Les Romains se faisoient élire Empereurs en départant de grosses sommes de deniers aux soldats. Les faveurs du Ciel, les dons de la nature, ne se départent pas également sur tous les hommes.

Entre les animaux, leur Auteur, de raison
A qui plus, à qui moins, départit une dose.

Nouv. ch. de vers.

☞ On le dit, dans le même sens, en parlant des tailles ; c’est alors diviser une chose entre plusieurs personnes, & donner à chacun sa part convenable. Il y a six mille francs de taille à départir sur cette Paroisse, il faut en donner à chacun ce qu’il en peut porter.

On dit, à la Chasse, départir les quêtes, lorsqu’on assigne à chaque Veneur qui va au bois le canton de la quête.

Départir, se dit, en termes de Palais, de tous les procès que l’on partage entre les Juges, & dont on distribue les pièces, afin de les examiner. Ce procès sera bien-tôt jugé, on l’a départi.

Départir, avec le pronom personnel, signifie se déporter, quitter, céder, abandonner une prétention, une demande, une opinion. Ab aliquâ re discedere, rei alicui renunciare. Les Grands ont de la peine à se départir des prétentions qui sont dans leurs Maisons, quelque vaines qu’elles soient. La partie adverse s’est départie d’une requête qu’elle avoit présentée, s’en est désistée. Ce Docteur a tenu long-temps cette opinion, mais enfin il s’en est départi. Se départir de son droit. Le Mait. Il est à croire qu’il ne s’est pas départi de ses sûretés sans raison. Pat. Ce n’est pas une règle dont on ne puisse se départir. Id. Sédécias Roi d’Israël donna sa parole au Prince des Assyriens, de ne se départir jamais de son alliance. Maucroix.

☞ On dit aussi se départir de son devoir, manquer à ce qu’on doit. Officio deesse. Se départir du respect, de l’obéisséance qu’on doit à quelqu’un, s’en écarter, s’en éloigner. Dans ce cas il s’emploie ordinairement avec la négative. On ne doit jamais se départir de l’obéissance qu’on doit à son Souverain, du respect qu’on doit à ses supérieurs. Desciscere, deficere ab.

Départir, signifie en Chimie, & en termes de Monnoie, séparer. Dirimere, separare. L’or ne se peut départir d’avec l’argent qu’avec l’eau régale, ou l’eau de départ. Un pot à départir, ou matras, est un vaisseau de terre où l’on met l’eau forte & la grenaille d’or que l’on veut départir, ou dissoudre. Voyez dans Boizard, Tr. des Monn. P. I. C. 22. la manière de départir l’or.

Départir, v. n. Vieux mot. Partir, s’en aller. Abire, discedere, proficisci.

Départi, ie. part pass. & adj. Divisus, distributus.

On appelle maintenant au Conseil, Commissaires départis dans les Provinces pour l’exécution des ordres du Roi, ceux qu’on nommoit ci-devant Intendans de Justice, Police & finances dans chaque Généralité.

Départir. s. m. Départ. Discessus, profectio. Avant son départir. Marot.

DÉPASSER. v. a. Retirer une chose d’un endroit où elle étoit passée. On ne le dit guère queues rubans, des lacets ou choses semblables qu’on a fait passer dans des boutonnières, des œillets, &c. Educere. Il faut dépasser la corde de ce nœud coulant. Il faut dépasser ce lacet, ce ruban.

Dépasser un vaisseau, en termes de Marine, c’est, aller plus vite qu’un autre vaisseau, & le laisser derrière. Vincere, antecedere. Dépasser la tourne-vire, c’est la changer de côté. Dépasser est aussi, aller au-delà d’un certain lieu, soit qu’on ait intention d’y aller, soit qu’on ne l’ait pas. Nous dépassâmes de dix lieues Goa, où nous voulions donner fond. Guill. Nos Pilotes ont été bien étonnés de voir terre. Ils croyoient avoir dépassé l’Isle de Cocos. Choisi, Journal de Siam. Nos Pilotes nous assurent que nous n’irons point autrement jusqu’à ce que nous ayons dépassé le soleil. Ibid.

On dit au jeu de Billard, faire dépasser une bille, pour dire, faire repasser la bille qui avoit déjà passé.

Dépasser. Terme de Manufacture en soie. C’est ou dégager les fils des lisses, ou défaire les lacs qui servoient à former le dessein sur l’étoffe. Encyc.

Dépassé, ée. part. p.

DÉPAVER. v. a. Oter le pavé qui est en œuvre. Pavimentum refodere. On a dépavé les rues. On a fait dépaver cette cour. Les ravines, les torrens dépavent les chemins.

Dépavé, ée. part. Un chemin dépavé, une cour dépavée.

DÉPAYSER. Prononcez DÉPÉÏSER. v. a. Faire sortir quelqu’un de son pays natal pour le faire passer dans un autre. Aliquem e patrio solo evocare regionem in aliam. Les parens de ce jeune homme l’ont envoyé en Italie pour le dépayser.

Dépayser, signifie aussi, corriger quelqu’un des défauts, de l’accent, des mœurs du pays. Dedocere. On n’est pas un an à la Cour qu’on y est bien dépaysé, qu’on y a pris une autre manière de vivre, & de parler. A le bien prendre, un honnête-homme n’a point de métier, l’étendue de son esprit le dépayse par-tout. Ch. de Mer. Du Cange dérive ce mot de dispatriare, qu’on a dit en la basse Latinité dans la même signification.

Dépayser, signifie aussi, faire changer de pays à un homme qui y est habitué, pour lui faire perdre ses connoissances, pour le mettre dans un lieu où il n’ait pas les mêmes avantages. Aliquem de patriâ extrahere, & in aliam regionem mittere. Un Supérieur dépayse un Religieux qui a quelque mauvaise habitude, & le transfère dans un autre Couvent. Il est arrivé un affront à cette famille, qui l’a obligée à se dépayser, à s’aller habituer en un autre pays.

Dépayser, se dit aussi au Palais, en parlant des évocations qu’on fait pour tirer une affaire d’une jurisdiction en une autre plus éloignée. Evocare domo. Mes parties avoient trop de crédit en ce Parlement, je les ai fait évoquer ailleurs pour les dépayser. On le dit aussi, en fait de dispute, pour dire mettre quelqu’un sur un sujet sur lequel il ne soit pas si préparé.