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deratus. Vie, conduite déréglée. Déréglé dans ses mœurs. Ce jeune homme a les mœurs fort déréglées, il s’adonne à toutes sortes de débauches. Une femme est-elle responsable des mouvemens dérègles que sa beauté peut exciter ? S. Evr. Les émotions de la colère sont toutes malignes & déréglées. M. Esp.

Déréglé, se dit aussi de ce qui n’est pas selon le cours ordinaire des choses de la Nature & de l’Art. Un temps déréglé. Avoir le pouls déréglé. Une horloge déréglée. Une montre déréglée. Acad. Fr.

Déréglé est opposé à réglé, mais il paroît ne devoir se dire que quand il s’agit de morale. Un homme déréglé, un esprit déréglé : mais on ne diroit pas une dispute déréglée, un repas déréglé, dans un sens opposé à dispute réglée, repas réglé.

Déréglé, dérangé, dans une signification synonyme. On est déréglé par ses mœurs & par sa conduite. On est dérangé dans ses affaires & dans ses occupations. L’homme déréglé ne ménage ni sa réputation, ni sa personne. Il ne connoît point la modération, & est toujours dans l’excès. L’homme dérangé ne ménage ni son temps, ni son bien, il n’a point d’ordre, & il dissipe.

DERENG. Terme de Coutumes, qui signifie borne, bornage d’héritages. Limes.

DÉRESTER. v. a. Il commença par dérester sa caisse de deux mille pistoles. Ecole du Monde. Auteur peu grave. Personne ne l’a dit après lui, & ce mot est absolument hors d’usage.

DERG. Grand lac d’Irlande formé par la rivière de Shannon, sur les confins de la Cornacie & de la Momonie.

DERG. Rivière. Voyez Dirg.

DERHEM. s. m. Petit poids de Perse, qui vaut la cinquième partie d’une livre. Les Persans regardent le derhem comme leur dragme.

DERIA CHIRING. Lac de Perse. On le trouve à dix lieues d’Erivan. Il a vingt-cinq lieues de tour, & beaucoup de profondeur.

DERIBANDS. s. m. pl. Toiles blanches de coton, qui viennent des Indes Orientales.

DÉRIDER. v. a. Oter les rides, faire disparoître les rides, dans le sens propre. On le dit de même, dans le sens figuré, pour donner de la joie, faire plaisir parce que les choses qui prosuisent cet effet rendent le visage uni & en effacent les rides. Frontem exporrigere, explicare. Il est aussi réciproque. Ce vieillard réfrogné est si sévère, que rarement il se déride le front, quelque plaisantes que soient les choses qu’on dit devant lui. Bell. Je ne sais si les bons mots de Bergerac, qui ont été les plus admirés de la Cour, dérideroient à présent le front à nos grimauds de Collège, tant le goût est changé. Ménage.

Loin d’ici ces Auteurs froids & mélancoliques,
Qui dans leur sombre humeur se croiroient faire affront,
Si les Grâces jamais leur deridoient le front. Boileau.

Déridé, ée, part.

DÉRISION. s. f. Action par laquelle on se moque de quelque chose, on la tourne en ridicule. Irrisio, irrisus. C’est un blasphême de tourner en dérision les choses sacrées. Ceux qu’on attache au pilori sont exposées à la dérision du peuple. Le génie de Démocrite étoit une dérision générale des actions des hommes.

☞ Ce terme n’est usité que dans quelques phrases. Tourner en dérision, dire une chose par dérision, faire quelque chose en dérision.

DÉRIVATIF, ive. adj. Terme de Grammaire. Mot, diction qui tire son origine d’un autre qu’on appelle son primitif. Nomen ab alio derivatum, deductum. Voyez Dérivé.

Dérivatif, se dit aussi en Médecine de ce qui procure la dérivation des humeurs vers une partie plus que vers une autre. Deflectens. La saignée du pied dans l’inflammation du foie ; celle de la gorge dans la frénésie, sont des saignées dérivatives. Voy. Dérivation.

☞ DÉRIVATION, Terme de Grammaire. L’origine qu’un mot tire d’un autre. Descendance d’un mot. Derivatio. On est souvent embarrassé sur la dérivation des mots. Voyez Dériver.

Dérivation, Terme de Marine. Declinatio, deflexio. voyez Dérive.

Dérivation, en Hydraulique, c’est le détour qu’on fait prendre aux eaux. Voyez Dériver.

On appelle aussi canal de dérivation, un canal par où l’on conduit, & l’on amasse des eaux pour les porter, & les conduire dans un réservoir. Le canal de dérivation qui porte les eaux dans le bassin de Nourouse en Languedoc pour la communication des deux Mers.

Dérivation, se dit, en Médecine, du détour qu’on fait prendre aux humeurs qui coulent sur une partie, en les attirant vers d’autres parties. Derivatio. Ainsi, dans la fluxion qui se fait sur les yeux & sur les dents, on applique un vésicatoire derrière les oreilles pour la détourner : dans l’esquinancie, on ordonne la saignée des ranules, c’est-à-dire, des veines de dessous la langue, pour détourner l’humeur qui se jette sur la gorge. La dérivation est l’action de quelque remède par laquelle le sang est attiré, déterminé à courir, à couler, à se précipiter vers quelques parties. La saignée du pied cause une dérivation, & quelquefois une dérivation dangereuse, faute d’une saignée du bras qui ait précédé & qui ait produit une révulsion. La dérivation est opposée à la révulsion.

DÉRIVE. s. f. Terme de Marine. Différence du rumb de vent où l’on va, à celui ou l’on veut aller ; biaisement d’un vaisseau qui ne porte pas à sa route, & qui le fait aller par un autre rumb de vent que celui par lequel on doit aller ; fausse route, ou détour forcé qu’on fait de son vrai chemin par la violence des vents, des courans, ou de la marée. Lorsque le vent pousse un vaisseau de côté, il le fait avancer sur un autre air de vent que celui auquel il présente la proue, ou l’avant, & cet écartement est ce qu’on appelle la dérive. Deflexio, declinatio. Lorsque l’angle d’incidence que le vent fait avec le vaisseau est du côté de la poupe ou de l’arrière, la dérive n’est pas grande mais, quand cet angle d’incidence est du côté de l’avant du vaisseau, la dérive est plus grande. L’angle au plus près du vent, qui est ordinairement de six quarts de vent, donne environ un quart de vent de dérive, quand on a les quatre grandes voiles majeures, & que la mer est belle ; mais on a davantage de dérive, lorsqu’on n’a que les basses voiles. L’angle de la dérive d’un vaisseau est le même que l’angle que fait sa trace derrière lui avec sa quille que l’on conçoit prolongée, cet angle se mesure facilement avec un compas de route. Plus les vaisseaux sont fabriqués à plates varanges, & plus ils ont de dérive. Bouguer. La dérive est la cause la plus ordinaire qui fait que les Pilotes se trompent dans leur estime. On dit, avoir un quart de dérive, c’est perdre un quart de vent sur la route que l’on fait. La dérive vaut la route, c’est-à-dire, que la dérive que fait le vaisseau, le porte sur la route que l’on veut faire. Combien y a-t-il de dérive ? c’est demander au Pilote la différence qu’il y a de la route que l’on fait, à celle qu’on semble faire. Que vaut la dérive ? On dit encore, il y a belle dérive, c’est à-dire, qu’on est assez éloigné des côtes pour n’avoir rien à craindre de la terre. En général, on dit d’une chose qui va au gré du vent & du courant, qu’elle va à la dérive.

On appelle encore dérive, la distance ou la quantité de brasses qu’il y a entre un lieu où l’on se trouve sur mer, & celui où l’on a jeté le plomb auparavant. Dérive est aussi un assemblage de planches que les navigateurs du Nord mettent à côté de