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DER — DES

sant devant le salue avec une profonde inclination de tête & se met à tourner pirouettant petit à petit d’un mouvement si vîte, qu’à peine peut-on s’en appercevoir ; celui qui suit en fait autant, & ainsi tous les autres, qui sont trente ou quarante. Cette danse circulaire ayant duré quelquefois plus d’un demi-quart d’heure dans son plus rapide mouvement, cesse tout-d’un-coup au même signal qu’elle a commencé, & les Derviches, comme s’ils n’avoient bougé de la place où ils se trouvent, se remettent assis en leur première posture, jusqu’à ce que leur Supérieur les fasse encore recommencer. Ainsi cette danse continue quelquefois un heure & plus à quatre ou cinq reprises, dont les dernières durent toujours plus long-temps, parce que les Derviches sont plus en haleine & plus en branle pour tourner, étant vêtus fort à propos pour ce sujet d’une espèce de jupon volant, taillé en rond comme les chemisettes des femmes en France. Du Loir, 149 157.

Les Supérieurs de ces Derviches ont toujours été en très-grande vénération jusques à Sultan Mourat dernier mort, qui, contre l’ordre de ses prédécesseurs, qui n’entreprenoient jamais de voyage pour la guerre sans leur en demander congé, témoigna fort peu se soucier de cette cérémonie. Ils ont une maison à Péra, & une autre sur le Bosphore en Europe ; mais celle qu’ils ont en Natolie, étant le lieu de leur première fondation, est la principale. Le tombeau de Hazréti Meulana y est, & ils y tiennent leur chapitre général. Id. p. 158, 159. Le même Auteur écrit aussi Dervis, p. 183.

Il y a aussi en Perse des Derviches qu’on appelle dans le pays Abdals, c’est-à-dire, Serviteurs & Dieu. Ils mènent une vie pauvre & austère : ils prêchent l’Alcoran dans les rues, dans les cafés, & par tout où ils trouvent des Auditeurs. Les Derviches en Perse ne débitent que des fables au peuple, & sont fort mêprisés des gens d’esprit. Voy. Sanson Etat présent du Royaume de Perse.

Que désignai-je à votre avis,
Par ce rat si peu sécourable ?
Un Moine ? Non, c’est un Dervis :
Je suppose qu’un Moine est toujours charitable. La Font.

Ce mot est Persien & Turc ; דרףש signifie un pauvre, un gueux qui n’a rien ; &, parce que les Religieux, & en particulier les sectateurs de Mévélava font profession de ne rien posséder, on appelle en général les Religieux, & en particulier les Mévélavites, Dervis. Selon l’étimologie Dervis est mieux, parce que la dernière lettre est un Si ou Schin, c’est-à-dire, une S Turque, Persienne, ou Arabe, mais Derviche est mieux, eu égard à la prononciation, parce que ce Schin ou S, en ces langues se prononce comme ch en François dans hache, tache. Voyez sur les Derviches la Bibliothèque Orientale de d’Herbelot. Les Turcs ont emprunté ce nom des Persiens.

DES.

DÈS. Préposition de temps & de lieu, & qui en marque le commencement, A, ab, e, ex. Il faut partir demain dès le matin. On l’attend dès midi. Ce garçon est sages dès sa jeunesse. Dès-à-présent comme dès-lors, &c. Le Loiret porte bateaux dès sa source. Cet arbre porte des branches dès sa racine. Il est tombé malade dès Lyon, pour dire, à Lyon.

Dès, est aussi une conjonction, lorsqu’il est joint avec un que. Simul ut, simul ac, statim atque. Dès que ce vaisseau fut parti du port, la tempête l’accueillit. Dès que j’ai su l’affront, j’ai prévu la vengeance.

Dès, joint avec que, se prend quelque fois pour puisque. Dès que vous en tombez d’accord, je n’ai plus rien à dire.

Dès-là. Voyez .

Des. Quand ce mot est écrit sans accent, c’est un article pluriel qui sert à désigner plusieurs cas. Il est ou article défini, ou indéfini. Quand il est article défini, il est ou au génitif, comme dans ces exemples l’étude des belles lettres, la pratique des vertus chrétiennes ; ou à l’ablatif comme dans ceux ci, c’est un homme comblé des biens de ce monde ; ce Prédicateur nous a fort entretenu des joies du Paradis. Mais quand des est article indéfini, il nous désigne ou le nominatif, ou l’accusatif. Le nominatif, comme lorsqu’on dit ce sont des hommes, ce sont des femmes, il y a des fleurs, il y a des fruits. Et l’accusatif, comme lorsqu’on dit j’ai vu des choses dignes d’admiration, j’ai mangé des fruits excellens, nous tuâmes des perdreaux, des cailles, des beccassines. Des & de paroissent également bons en certaines occasions, par exemple, une lettre pleine de marques, ou des marques de son amitié : plusieurs personnes mettent indifféremment l’un ou l’autre, mais ils se trompent ; il faut mettre de quand la chose dont on parle est indéterminée, & des quand elle est déterminée, ainsi il faut dire, une lettre pleine de marques d’amitié, un livre plein de bons mots, & une lettre pleine des marques de son amitié, un livre plein des bons mots de Lucien ; les mot son & Lucien déterminent la chose dont il est parlé.

Des, est aussi partitif, & s’emploie par éllipse. Il y a des hommes qui… c’est-à-dire, il y a quelques hommes qui…

☞ Quand des est employé dans le sens partitif, & que le substantif est précédé d’un adjectif, on ne dit pas des, mais de. Ainsi il faut dire de savans Auteurs, d’excellens fruits, quoiqu’on dise des Auteurs savans, des fruits excellens. Ac. Fr.

Des est aussi une préposition inséparable de plusieurs mots François, auxquels elle donne une signification contraire à celle qu’ils ont étant simples, comme désavantage, déshériter, désobeir, &c. elle a le même effet dans les mots où elle est devant une consonne, & dans lesquels plusieurs n’écrivent point l’s, & personne ne la prononce, comme desloyal, desgarnir, desdire, &c.

DÉSABUSEMENT. s. m. L’action de désabuser, de ramener quelqu’un de son erreur, ou l’effet de cette action. Revocatio ab errore. Il y a des erreurs agréables, qui valent mieux que ce qu’on appeleroit désabusement, si ce mot, qu’un de nos meilleurs Ecrivains a hazardé, avoit fait fortune. B. Rab.

☞ Ce mot que l’on regardoit alors comme hazardé, & de la fortune duquel on paroissoit douter, est devenu terme usuel.

DÉSABUSER. v. a. Détromper quelqu’un d’une fausse croyance, le tirer de l’erreur. Aliquem ab errore revocare, alicui errorem eripere, detrahere. Les peuples ont été désabusés de l’idolâtrie par les prédications Apostoliques. On n’est jamais bien désabusé des préjugés, & des premières impressions de la jeunesse. Quoiqu’on n’aime pas à être trompé, on n’aime pourtant pas à être désabusé. Ch. de Mer. Il y a des erreurs dont il seroit fâcheux que le peuple fût désabusé. S. Evr. On y joint aussi le pronom personnel, & pour lors il signifie se détromper soi-même, quitter son erreur. Errorem deponere, depellere. Désabusez-vous d’une opinion si dangereuse. Je n’approuve point la dévotion précipitée de ces personnes, qui ne se désabusent du monde que par les chagrins qu’on leur donne, & les disgraces qui leur arrivent. Fléch. Souvenez-vous que mon cœur charmé de vos grandes actions se désabuseroit, s’il vous en échappoit quelqu’une indigne de vous & de moi. Vill.

Désabusé, ée. part. Ab errore depulsus, ereptus, revocatus, avulsus. Mon Dieu ! que cet homme paroîtra haïssable à des yeux désabusés.

DÉSACCORD. s. m. Désunion des esprits & des sentimens. Aveugle, qui ne voit pas qu’opposer au concert de tous les siècles le désaccord d’une poignée d’Epicuriens,