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DIS

Ce mot vient du Latin disconvenire. Du Cange.

Disconvenir n’a point d’autre signification que celle qu’on lui donne ici, & l’on ne dira pas, avec l’Auteur de l’Ecole du Monde, lorsqu’un homme fait ce qui disconvient ou à son âge, ou à son bien, ou à sa qualité, il ne peut plus plaire. On dit bien qu’une chose convient à la personne, à la dignité, au temps, pour dire qu’elle est convenable, qu’elle sied bien, &c. mais l’usage n’a pas adopté disconvenir pour exprimer le contraire.

DISCORD. s. m. Désunion, discorde. Discordia, dissentio. Il est vieux & hors d’usage. Malherbe & quelques autres Poëtes l’ont souvent employé, mais il ne se dit plus, même en vers.

Discord. adj. Qui n’est point d’accord. Un clavecin discord. Acad. Fr. Je crois qu’on dit plus communément discordant.

DISCORDANCE. s. f. Contradiction. Que de discordance dans les opinions des hommes, & même des Philosophes ! Ce mot n’est pas reçu.

☞ DISCORDANT, ante. Qui se dit proprement des voix ou des instrumens de Musique qui ne sont pas d’accord, ou qu’on accorde difficilement. Absonus, dissonus, discors. Instrument discordant. Voix discordante. Ton discordant. Voyez Accord.

On dit aussi, figurément, Des humeurs discordantes ; pour Des humeurs incompatibles.

DISCORDE. s. f. Dissention, division entre deux ou plusieurs personnes. Discordia, dissentio, dissidium. La discorde s’est mise en cette famille, en cette Communauté. Un médiocre intérêt, enflé des veines considérations de l’orgueil, jette la discorde entre les amis les plus unis. Fléch. Ce sont quelquefois les Docteurs, qui, pour se faire chefs de parti, nourrissent & entretiennent la discorde, & la dissention entre les Chrétiens. S. Evr.

La Discorde, en Mythologie, est une Déesse fabuleuse que les Poëtes ont imaginée pour présider aux dissensions. Discordia. On peignoit cette Divinité malfaisante avec des yeux hâves, le visage pâle, les lèvres livides, la bouche teinte de sang, & versant des larmes, les dents d’airin & couvertes de rouille, une humeur pestilente lui découlant de la langue, coëffée de serpens, à demi-couverte d’une robe déchirée, agitant d’une main tremblante une torche teinte de sang, & tenant de l’autre une couleuvre ou poignard.

La Discorde, à l’aspect du calme qui l’offense,
Fait siffler ses serpens, s’excite à la vengeance.
Sa bouche se remplit d’un poison odieux,
Et de longs traits de feu lui sortent par les yeux.

Boileau.

On appelle, figurément, pomme de discorde, le sujet ou l’occasion d’une division. Cela est emprunté de la Fable : les Poëtes ont feint qu’aux noces de Thétis & de Pelée, la Déesse de la discorde, fâchée de ce qu’elle n’y avoit point été invitée, jeta une pomme d’or, sur laquelle étoient écrites ces paroles ; A la plus belle. Cela mit la dissention entre Junon, Pallas & Vénus, pour savoir à qui appartiendroit la pomme d’or. Il est écrit sur mon cœur, comme sur la pomme de discorde, A la plus belle.

DISCORDER. v. n. Terme de Musique. Etre discordant. Discordare, dissonare. On le dit des instrumens. On l’applique rarement au caractère, à l’humeur.

Dans un concert d’hymen, lorsque quelqu’un discorde,
Je sais juste baisser, ou hausser une corde :
Nul ne fait de l’amour mieux le diapason
Ni mettre comme moi deux cœurs à l’unisson.

Regnard. Com. du Bal.

DISCOUREUR, euse, subst. Qui parle beaucoup & dit des choses en l’air. Loquax. Il ne se prend qu’en mauvaise part. Cet homme n’est qu’un discoureur. Il ne faut pas s’arrêter à ce que disent, ni à ce que promettent tous ces discoureurs, qui font les galans. Si vous écoutez tous ces discoureurs, ils vous en feront bien accroire. S. Evr. Paix discoureuse. Mol.

On dit, aussi, d’un homme qui parle facilement & agréablement, mais sans grande solidité, que c’est un beau discoureur : & qu’il fait le beau discoureur, pour dire, qu’il affecte de bien parler.

DISCOURIR. v. n. Je discours, je discourus, j’ai discouru, je discourrai. Entretenir une compagnie, soit en public, soit en particulier, sur quelque matière, avec quelque étendue. Disserere, sermonem habere de aliquâ re. J’ai entendu discourir ce Philosophe sur les propriétés de l’aimant, sur la pesanteur de l’air ; il en parle fort savamment. Il ne faut pas qu’un Capitaine s’amuse à discourir, à haranguer, quand il faut combattre. Les Héros discourent dans Homère avant que de se battre, comme on harangue en Angleterre avant que de mourir. S. Evr. J’ai entendu discourir familièrement ces Messieurs : ils disoient de belles choses & bien curieuses.

☞ On dit, discourir d’une chose, d’une affaire, & plus souvent discourir sur une affaire.

Discourir, en termes de Logique, signifie, Tirer une conséquence de quelques principes qu’on a posés, ce qu’on attribue à la troisième opération de l’entendement. Discurrere, conclusionem aliquam ex aliquo principio deducere.

On dit, en termes de Théologie, que les Anges conçoivent sans discourir, c’est-à-dire, sans raisonner à notre manière, sans avoir besoin de poser un principe pour en tirer une conclusion.

☞ DISCOURS. s. m. Ce mot, dans le sens général, marque tout ce qui part de la faculté de la parole. C’est un assemblage de paroles, par lesquelles on explique ce qu’on pense. Le discours est familier, noble, éloquent, soutenu, fleuri, concis, véhément, &c. Il faut retrancher les discours superflus. Interrompre le discours, reprendre le fil du discours. Les conversations ne sont, pour l’ordinaire, que discours frivoles. Discours à perte de vue.

Un jeune homme toujours bouillant dans ses caprices
Est vain dans ses discours ..... Boileau.

Mais du discours enfin l’harmonieuse adresse
De ces sauvages mœurs adoucit la rudesse,
Rassembla les humains dans les forêts épars. Id.

On dit, C’est un autre discours ; pour dire, il ne s’agit pas de cela. On dit aussi, simplement, discours, pour Vain discours, discours frivole. Vous me promettez monts & merveilles : discours, ce n’est que discours.

☞ Corneille a fait un mauvais usage de ce mot dans les Horaces, en l’appliquant aux pleurs.

Que les pleurs d’une amante ont de puissans discours !

☞ On peut bien dire le langage des pleurs, comme on dit le langage des yeux, parce que, les regards & les pleurs expriment les sentimens ; mais on ne peut dire le discours des pleurs, parce que, ce mot discours, tient au raisonnement. Les pleurs n’ont point de discours. Et, de plus, avoir des discours est un barbarisme. Volt.

Ce mot vient du Latin, discursus. Nicot.

Discours, dans un sens moins étendu, signifie, un assemblage de raisonnemens disposés, suivant les règles, & préparés pour des occasions particulières, quelquefois publiques & brillantes. Sermo, oratio. On apporte des Discours à l’Académie Françoise pour obtenir le prix d’Eloquence. Les Discours politiques & moraux du sieur de la Noue ont été fort estimés. Il faut prendre garde qu’une fausse idée de politesse ne rende le discours foible & languissant. S. Evr. Il n’y avoit ni grâce, ni élégance dans les discours de Caton. Id. L’étude & l’art qui