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DIS

Je ne dois point perdre d’instans
Ni prendre une peine inutile
A disserter en grave style
Sur les bagatelles du temps. Gresset.

Clitandre, dans la Comédie des Philosophes amoureux, par M. Destouches, acte 3. scene 5. dit aux Philosophes, Léandre & Damis, en se berçant dans son siège :

Ça, Messieurs dissertez.

CLARICE.
Ça, Messieurs dissertez.Vous voulez que j’essuie

Leurs froids raisonnement ? Disserte qui voudra ;
Mais pour nous, médisons : cela m’amusera.

☞ Ce mot déplaisoit à l’Abbé Des Fontaines. Il paroît le critiquer dans l’Eloge de Pantalon-Phœbus, à la suite du Dictionnaire Néologique, ouvrage qu’il n’avoit entrepris, que pour jeter du ridicule sur le langage de nos Modernes. Pantalon-Phœbus, dit-il, rôdoit, ou plutôt séjournoit dans les caffés savans, & se plaisoit à controverser & disserter chaudement. Malgré cela, ce mot est en usage. Il a savamment disserté sur un tel point d’Histoire, de Chronologie. On le dit souvent en mauvaise part. C’est un homme ennuyeux ; il aime à disserter sur tout.

DISSIDENT. s. m. On appelle en Pologne Dissident, ce qu’on appelle ailleurs Non-Conformistes : c’est celui qui professe une autre Religion que la Catholique.

DISSIGNE. Terme d’Algèbre, inventé par M. de la Loubere dans son Traite de la Résolution des équations, & qui se dit des termes des équations qui ont différens signes, l’un + & l’autre − ; ou l’un a + ou l’autre a −, & l’autre − : ou l’un a + Dissimilibus signas affectus. Son contraire est consigne, qui a les mêmes signes. En ce cas-là, le deuxième période, qui commencera par le reste sera consigne au premier. Mais, dans le second cas… le deuxième période, qui commencera par le reste sera dissigne au premier. La Loub. Les deux extrêmes me donneront encore une formule d’une équation dont le période sera des deux mêmes grades, mais qui sera suivi d’un période dissigne. Id.

DISSIMILAIRE. adj. m. & f. Terme de Médecine. Qui n’est pas de même genre, de même espèce. Dissimilaris. Son opposé est Similaire. On divise les parties du corps en similaires, & en dissimilaires. Les similaires sont celles qui ne sont point composées d’autres de différente nature. Voyez Similaire. Les dissimilaires sont celles qui sont composées d’autres de différente nature, comme le doigt, qui se peut diviser en os, en artères, en muscles, &c.

DISSIMULATEUR. s. m. Qui dissimule. Dissimulator, dissimulationis artificio eruditus. Les Politiques sont les plus profonds dissimulateurs. Ce mot n’est guère en usage.

☞ DISSIMULATION. s. f. C’est l’art de dérober à la connoissance des autres, par une conduite réservée, nos desseins, nos sentimens, de ne les pas laisser appercevoir. Le déguisément dit quelque chose de plus, & suppose qu’on emploie des apparences contraires, du travail & de la ruse. Dissimulatio. Cet homme, si secret dans le fond, paroît éloigné de la dissimulation, jusqu’à approcher de la naïveté. S. Real. Il faut vivre avec ses amis à cœur ouvert, & sans dissimulation. Si la dissimulation consiste simplement à cacher nos sentimens, ce n’est point un vice. Mais il faut que ce déguisément ne soit pas opposé à la vérité : autrement c’est un mensonge. Cail. La dissimulation est si contraire à la franchise, qui est le lien des amitiés, qu’elle ne trouve point de défenseurs parmi les honnêtes-gens. Id. A parler sincérement, la parfaite dissimulation est le chef-d’œuvre de la prudence. Id. La dissimulation, qui sait déguiser toutes choses, se masque elle-même, & prend le nom de prudence. S. Evr.

☞ DISSIMULER. v. a. Ce n’est pas, comme on le dit, dans le Dict. de l’Acad. cacher ses sentimens, ses deseins ; mais, c’est au moyen d’une conduite réservée, ne pas les laisser appercevoir. Dissimulare. Il y a de l’art & de l’habileté à dissimuler. La science de dissimuler est d’un grand usage : il ne faut montrer son jeu, que quand il est sûr. Amelot. La maxime de Louis XI, qui disoit que, pour savoir régner, il falloir savoir dissimuler, est vraie à tous égards, jusque dans le gouvernement domestique.

Dissimuler, Déguiser, cacher, considérés dans une signification synonyme. On cache, par un profond secret, ce qu’on ne veut pas manifester. On dissimule par une conduite réservée, ce qu’on ne veut pas faire appercevoir. On déguise, par des apparences contraires, ce qu’on veut dérober à la pénétration d’autrui. Syn. Fr.

☞ Il y a du soin & de l’attention à cacher ; de l’art & de l’habileté à dissimuler ; du travail & de la ruse à déguiser.

☞ Si l’on veut réussir dans les affaires d’intérêt & de politique, il faut toujours cacher ses desseins, les dissimuler souvent, & les déguiser quelquefois. Pour les affaires de cœur, elles se traitent avec plus de franchise, du moins de la part des hommes.

Dissimuler, signifie, quelquefois, faire semblant de ne pas remarquer, de ne pas ressentir quelque chose. Dissimuler un affront, une injure.

DISSIMULÉ, ée. adj. Fin, couvert, artificieux, accoutumé à dissimuler pour surprendre quelqu’un. Acad. Fr. Notion fausse. L’homme dissimulé est celui qui veille sur les autres, pour ne les pas mettre à portée de le connoître. Dissimulator, dissimulandi peritus. L’homme caché veille sur lui-même, pour, ne se point trahir par indiscrétion. Le déguisé se montre autre qu’il n’est, pour donner le change. Syn. Fr. Il suffit d’être caché, pour les gens qui ne voient que lorsqu’on les éclaire ; il faut être dissimulé pour ceux qui voient sans le secours d’un flambeau ; mais il est nécessaire d’être parfaitement déguisé pour ceux, qui, non contens de percer les ténèbres qu’on leur oppose, discutent la lumière dont on voudroit les éblouir. Il est quelquefois employé substantivement. C’est un dissimulé, une dissimulée.

DISSIPATEUR, atrice. s. m. & f. Qui dépense, qui consume son bien mal-à-propos. Decoctor, prodigus. On a rompu ce mariage, à cause qu’on a appris que cet homme étoit un dissipateur. Tacite représente Pétrone, non pas en dissipateur dans la débauche ; mais en homme délicat, dans un luxe poli & curieux. S. Evr.

DISSIPATION. s. f. Action par laquelle une chose se perd, se dissipe. Dissipatio ; bonorum, fortunarum consumptio, dissipatio. L’étude cause une grande dissipation d’esprit. La dissipation des Finances est la ruine de l’Etat.

Dissipation, en termes de Physique, signifie proprement une perte ou déperdition insensible, qui se fait des petites parties d’une chose ; c’est l’écoulement par lequel elles se détachent & se perdent : ainsi on ne dit point dissipation, mais perte de sang, en parlant du sang qu’un homme perd par une plaie, ou de quelqu’autre manière sensible : au contraire, on dit fort bien avec M. Lémery, comme la dissipation des esprits se fait beaucoup plus abondamment que celle des parties solides, la réparation, aussi, en doit être plus fréquente & plus abondante.

Dissipation, dans un sens moral, désigne l’état d’une personne dissipée, c’est-à-dire, répandue dans le monde, livrée aux objets extérieurs qui attirent toute son attention, en sorte qu’elle est plus occupée de ses plaisirs, que de ses devoirs. Combien de fois une indécente curiosité, ou un souvenir