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CRO — CRU

& s’est rendu l’arbitre de sa croyance. Flech. La croyance des Chrétiens est contenue dans le Symbole. Les Idolâtres ont eu des croyances ridicules & extravagantes.

Croyance, signifie aussi, opinion qu’on s’est mise dans l’esprit sur des raisonnemens & des conjectures. Opinio, Sententia. La croyance d’Aristote étoit, que le monde étoit infini & éternel. Il arrive bien des choses contre la croyance générale. Il y a des hyperboles moins hardies, & qui ne vont pas au-delà des bornes bien qu’elles soient au-dessus de la croyance commune. Bouh.

Croyance, se dit encore de la confiance qu’on a en une personne à laquelle on ajoûte pleine foi. Fides, fiducia. Ce Prince a une entière croyance en ses Ministres. La vertu souple & maniable d’Atticus lui attiroit souvent une croyance & une approbation qu’il ne méritoit pas. S. Réal.

☞ Corneille dans Polyeucte a dit, donner de la croyance à quelque chose. Cette expression, dit M. de Voltaire, n’est pas d’un françois pur.

☞ En effet, la croyance est dans celui qui croit, & non pas dans la chose qu’on croit.

☞ CROYANT, ante. s. Qui signifie littéralement celui ou celle qui croit. Ce mot ne s’emploie guère parmi nous qu’en parlant de celui qui croit ce que la religion enseigne. Qui Christianæ Fidei capitibus credit, fidem habet. Les Juifs appeloient Croyans, ceux qui faisoient profession de la Religion Judaïque, par opposition aux incrédules. Abraham est appelé dans l’Ecriture, le Père des Croyans. Credentium Pater. Les Turcs se sont appropriés le titre de Musulmans, qui veut dire en leur langue Vrais Croyans.

Les Albigeois, ou du moins quelques-uns parmi ces Hérétiques, ont été appelés Croyans. Voyez Acta SS. Maii, Tom. VII. p. 181. B. Ceux des Albigeois qu’on nommoit Croyans, menoient une vie déplorable, parce que, mêlant avec les plus énormes crimes une austérité apparente, ils s’assuroient d’être sauvés par la seule foi, sans être obligés, à ce qu’ils prétendoient, ni à la confession de leurs péchés, ni à la restitution de ce qu’ils avoient pillé par les usures, les rapines, les brigandages dont ils ne se faisoient aucun scrupule, non plus que de tous les autres déréglemens de la volupté, à laquelle ils s’abandonnoient avec une liberté effrénée, ne doutant pas de leur salut, pourvu qu’avant de mourir ils pussent recevoir l’imposition des mains de quelqu’un de ceux qu’ils appeloient les Bons-hommes ou les Parfaits. P. Benoît.

CROYE. s. f. Terme de Fauconnerie, qui se dit d’une maladie des oiseaux de proie, ou espèce de gravelle qui leur cause de l’obstruction dans la vessie.

CRU.

☞ CRU. s. m. Produit d’un fonds de terre qui appartient à quelqu’un, ou plutôt un terroir où quelque chose croît. Fundus. On le dit particulièrement du blé, du vin, des fruits, & généralement de toutes sortes de denrées. Ces fruits sont de mon cru. Il ne boit que du vin de son cru, c’est-à-dire, tiré des vignes & vignobles qui lui appartiennent.

☞ Quelquefois il signifie la même chose qu’accroissement. Ces arbres ont bien poussé ; voilà le cru de cette année.

☞ Dans le style figuré, mais familier, on dit qu’une chose est du cru de quelqu’un, pour dire ; qu’elle vient de lui, que c’est lui qui l’a inventée. Toutes les circonstances du fait que vous nous contez, sont de votre cru. Cet écrivain ne nous donne rien de son cru, il ne fait que compiler.

Cru. Part. du verbe croître. Champignon cru en une nuit. Natus, ortus. Voyez Croître.

Cru. Part. du verbe croire. Voyez ce mot.

Cru, par opposition à cuit. Voyez Crud.

Cru & Crud. Terme de Fauconnerie. Le cru du buisson, c’est-à-dire, le milieu du buisson où se met la perdrix pour se garantir des chiens. On dit aussi le creux du buisson.

CRUAUTÉ. s. f. Passion féroce qui exclut tout sentiment d’humanité, & nous porte à faire du mal aux autres, sans avoir dessein de les rendre meilleurs, par pure insensibilité, ou par le plaisir de les voir souffrir. Voyez Barbarie, Inhumanité. Crudelitas, sævitia. La cruauté seroit naturelle aux hommes, si la vertu n’en étoit le correctif. Il arrêta le cours d’une cruauté si barbare & si detestable. S. Evr. L’amour que nous avons pour la vie, redouble notre aversion pour la cruauté. M. Esp. Il ne faut pas prendre une cruauté lâche & assouvie, pour la clémence. Id. Les Anglois avides de la cruauté du spectacle, veulent avoir des meurtres & des corps sanglans sur la scène. S. Evr. Dans Tacite la cruauté est prudente, & la violence avisée. Id. L’humeur chagrine du Roi dégénéra en cruauté. S. Evr.

Engraisse-toi, mon fils, du suc des malheureux,
Vas par tes cruautés mériter la fortune. Boileau.

Dans le fond de la Thrace un barbare enfanté,
Est venu dans ces lieux souffler la cruauté. Racine.

Cruauté, se dit des bêtes sanguinaires & féroces. La cruauté des tigres, des ours, des lions.

☞ On dit aussi la cruauté du sort, du destin, de la fortune & de choses semblables que l’on paroît personnifier.

Cruauté, signifie aussi l’action même qui est cruelle. Les Turcs ont fait souffrir d’étranges cruautés aux Chrétiens.

Cruauté, se dit figurément en choses morales, & sur-tout dans les expressions amoureuses, & signifie, dureté, rigueur, insensibilité. Tous les amans se plaignent des cruautés de leurs maîtresses. Vos yeux exercent une grande tyrannie sur mon cœur. Hélas ! vous appelez votre cruauté le soin de votre repos P. De Cl. Quoi ! vous voulez éprouver ma constance par un essai de toutes vos cruautés. S. Evr. La cruauté n’est point si dangereuse que des bontés prodiguées, & mal ménagées. Id.

Il ne faut point qu’une rare beauté
Ait trop d’amour, ou trop de cruauté,
L’une dégoûte, & l’autre desespère. Main.

Haï de tous les Grecs, pressé de tous côtés,
Me faudra-t-il combattre encor vos cruautés ? Racine.

Cruauté, signifie quelquefois une chose fâcheuse, odieuse, insupportable. C’est une cruauté de laisser jouer cet homme-là avec ces filoux, il perdra tout son argent. Il signifie quelquefois simplement, c’est dommage. C’est une cruauté d’abattre cette belle allée qui vient si bien, de couper ce taillis qui n’a que quatre ans, de ruiner ce pavillon qui est si bien bâti.

☞ CRUCHE, s. f. Vaisseau ordinairement de terre ou de grès large par le ventre, étroit par le cou, servant à puiser de l’eau, à mettre ou transporter des liqueurs. Il a une anse. Hydria. Remplir une cruche d’eau. Vider, casser sa cruche. Les Danaïdes sont représentées avec des cruches, & occupées à remplir leur tonneau.

Ce mot vient de l’Allemand krug, signifiant la même chose.

Cruches fécondes, qui viennent du Levant. Le Sr. Paul Lucas en a apporté en France. Les meilleures se fabriquent dans une ville de la Haute-Egypte, nommée Kana, près des mines de Dindera. Ces cruches rafraîchissent les liqueurs en très-peu de tems, & l’on y seme sur l’extérieur de la salade, qui y croît, & est bonne à manger en 4. ou 8. jours