Page:Dictionnaire de Trévoux, 1771, VIII.djvu/268

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nierce. Id. Ce fut pour favorifer le commerce de fa nouvelle ville, qu’Alexandre prit foin de gens fournis à fes volontés. Id. Tyr adoroic Hercule, & avoir un Temple fameux dédié à ce dieu. Nous avons beaucoup de médailles de Tyr, fur lefquelles cette ville prend les titres de métropole, de facrée & d’inviolable, & marque l’époque des Sélémides. Depuis l’établilTcment du Chriftianiime, Tjr eut un Archevêque foLiomis au Patriarche d’Antioche, jufqu’à Innocent III, qui le transféra Ibus celui de Jérufalem. Tyr même l’ancien n’a été bâti qu’après Sidon. Il eft pourtant très-ancien, puifqu’il en eft fait mention dans le Livre de Jofué, XIX. 29. qui en parle comme d’une ville forte. Le nom Hébreu & Phénicien de Tyr, cfl : 11^, TJorj qui lignifie, rccher & citadelle, ville forte. Delà foni -venus les difiérens noms qu’elle a eus chez les autres Peuples. Feftus & Aulu-Gelle, L. XIV. C. 6. difent que cette ville s’appeloit anciennement Sarra ; ce mot étoit fait de TJora, ou Sora avec la terminaifon Syrienne, ou la terminaifon Latine féminine", & non-feulement il fe trouve dans les fragmens d’Ennius, mais Juvénal, Satire X. v. 5 9. appelle Sarrana aulœa, des tapifleries de Tyr. Et Silius Italiens dit Sarrana Juno, L.VI. V.468. Sarrana ccedes, L. VII. v.45z. Sarranus Navita, un Nautonier Tyrien, L. VIII. v. 46. Sarrana Numina, les dieux de Tyr-, L. IX. v. 202. &c. & Columelle appelle, L. IX. C. 4. la violette, 5^ rannam, Tyrienne, pour dire, purpurine, parce que la pourpre ie taiioit à Tyr, d’où vient qu’on l’appeloit ofirum Sarranum. Les Grecs appeloient Tyr, Sâç"-, Sora, qui venoit du même mot Hébreu, d’oii s’efi fait aufiî le nom Grec ou Latin Tyrus, & le François Tyr. Cette ville s’appelle encore aujourd hui Sur-, ou Sour.

Il y avoir encore d’autres villes qui portoient ce nom, & l’on en compte quatre dans la feule Phénicie. Tyr étoit auffi ie nom de l’île fur laquelle cette ville étoit fituée, & de quelques autres îles. TYRAN, f. m. Tyrannus, id eft, Rex. Chez les Anciens le mot de Tyran n’étoit pas odieux, & fignifioit feulement Roi ou Souverain, ou plutôt celui qui dans un État libre s’éroit emparé de l’autorité fouveraine, quoiqu’il gouvernât fuivant les loix de la jiiftice&de l’équité : mais comme les peuples aimoient la liberté, ils ont appelé Tyrans, tous ceux qui vouloient leur commander abfolument. C’eft pourquoi chez les Grecs ce m.ot fut pris en mauvaife part prefqu’auffi-rôt après qu’il fut en ufage. Mais Donat a obfervé que chez les Latins le nom de Tyran n’a été odieux que dans les derniers fiècles. Denis étoit Tyran de Syracufe. Phalaris Tyian d’Agrigente -, c’eft-à-dire,fimplement, Roi de Syracufe, Roi d’Agrigente.

Aujourd’hui par Tyran l’on entend tout Souverain, iifurpateur ou légitime, qui abufe de fon pouvoir pour gouverner avec cruauté, avec injuftice, pour opprimer la liberté publique, & violer toutes loix auxquelles il fubftitue fa propre volonté. Le pouvoir de ceux qui ont l’autorité en main n’eft, & ne peut jamais être exaftement égal à la jufte étendue de leur autorité ’, il eft ordinairement plus grand que le droit qu’ils ont d’en uler. C’eft la modération ou l’excès dans l’ufage de ce pouvoir qui les rend Pères ou Tyrans des peuples. Tyrannus. Les Martyrs ont bravé la cruauté des Tyrans. Néron & Caligula étoient de cruels Tyrans. On a dit de Céfar, qu’il falloir des vertus bien éclatantes pour faire un fi illuftre Tyran. S. EvR. Il fembloit que la haine des Tyrans eiit coulé dans le cœur de Brutus, avec le fang de fes ancêtres. 5. ÉvR,

Du Tyran foupçonneux pâles adulateurs.

Boil.

Dieu qui eft le maître des Rois, lâche les Tyrans dans fa colère, & les rerient quand il lui plaît. Fléch. Tyran, fe dit auffi d’un particulier qui abufe de fon pouvoir, ou de l’autorité qui lui a été commife. Violentam crudelemque dominationem exercens, violentas Jionio. Pendant les troubles le peuple eft pillé & tourmenté par les Grands, qui font autant de Tyrans. Les Juges éloignés des Parlemens s’érigent en petits Tyrans, ils dominent en Souvetains. Les Ariens étoient devenus les Tyrans fpirituels de l’Eglife. Herman. L’Amant le plus accompli devient ingrat & tyran, dès qui se croit aimé. Vill.

On dit d’un homme qui s’attribue plus d’autorité qu’il ne lui en appartient dans une compagnie dont il est membre, qu’il eft le Tyran de fa compagnie : d’un homme qui exerce durement Ion autorité dans la famille, qu’il eft le Tyran de fa famille, de fa femme, de ses enfans.

Et figurément, que l’ufage eft le Tyranâes langues, pour dire, que c’eft lui qui décide des expreffions d’une langue, & qu’il faut le fuivre, même malgré les régies de la Grammaire. Quem penès arbitrium eft & jus & norma loquendi.

Tyran, fe dir auffi figurément en Morale, des paffions pour en marquer la violence. L’amour eft un cruel tyran. L’avarice & l’ambition font des tyrans qui ne nous lailfent aucun repos. L’ufage eft le tyran des langues. L’amour eft le tyran des belles âmes. C’eft être le tyran des converfations, que de parler toujours^ êc ne point lailïèr parler les autres. M. Scud.

L’Amour eft un Tyran qui n’épargne personne.

Corn.

L’homme a un fi grand fonds de bifarrcrie, qu’il fe fait le tyran de lui-même, quand perfonne ne l’inquiète, Bell. Les passions font les tyrans de l’ame, Bon.

Amour, impitoyable Amour,

Tyran dont tout se plaint, Tyran que tout adore.

Des-H.

J’ai servi deux tyrans ;

Un vain bruit, & l’amour ont partagé mes ans.

La Font.

Grotius, pour prouver que les fujets ne doivent point réfifter, allègue l’exemple de Samuel, qui, pour dilluader le peuple d’ifraiil de prendre un Roi, lui fait la deicription d’un Tyran, afin que ce peuple fur que fi le Roi qu’ils dcmandoient, fe portoit à telles injuftices que celles dont il leur parle, le peuple feroit obligé de les loutirir, parce qu’il contradtoit cette obligation auffi-tôt qu’il ie foumettoit à un Souverain. C’eft pourquoi il leur dit même que le Roi auroit droit de les faire efcîaves ; il aura droit, difoit-il, de prendre vos enfans, & de les ateler à fes chariots, de les prendre pour porter les armes, pour cultiver fes terres, pour en faire fes artilans ; de prendre vos filles pour en faire les fervantes ; de prendre vos terres, vos vignes pour les donner à fes créatures, d’y mettre des impôts & des droits pour en faire des largeflès à fes domeftiques, de prendre vos valets, vos fervantes, vos bêtes pour fon fervice, de vous faire efcîaves. Alors, ajouta-t-il, vous crierez à Dieu, & il ne vous exaucera point : mais Samuel ne vouloir dire autre choie, finon que le Roi auroit pouvoir de leur faire tous ces outrages, fans qu’ils euliènt droit de l’empêcher par la force ’, car du refte pour montrer qu’un Roi n’a aucun droit de faire ces violences. Dieu l’avoit déjà déclaré par la Loi, en ordonnant que le Roi devoir avoir pour lui une copie de la Loi pour la lire tous les jours de fa vie, afin d’y apprendre à craindre le Seigneur fon Dieu, & à garder ce qui y étoit ordonné’, qu’il ne devoir point s’élever d’orgueil iur les frères, c’eft-à-dire, fes lujers, & qu’il ne devoir enfin jamais fe détourner de la voie de Dieu, s’il vouloir régner longues années, lui & fa poftériré. Courtin.

TYRANNE. s. f. Femme qui agir en tyran. Tyrannica mulier. Messieurs de l’Académie n’ont point approuvé ce mot, ou du moins ils ne lui ont point donné place dans leur Dictionnaire. Balzac s’en est servi. Zénobie n’étoit pas un Tyran, mais une Tyranne. Bal. Personne ne l’a dit après lui.