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ANTILOGIE

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de la Bible sont de plus d’une sorte. Les plus nombreuses sont relatives à des points d’histoire, de géographie et de chronologie, et ne portent d’ordinaire que sur des détails de minime importance. De réelles contradictions de cette nature, dûment constatées dans les œuvres d'écrivains profanes, ne nuiraient pas à leur véracité, et seraient négligées comme de simples fautes échappées à l’imperfection humaine. C’est un principe de critique historique que, plusieurs auteurs compétents étant d’accord quant à la substance du fait, tout en différant sur quelques détails accessoires, le fond commun de leur récit est tenu pour vrai, et l’historien s’efforce d’accorder les points divergents. Les divergences absolument inconciliables sont attribuées à une inexactitude des sources consultées, à un défaut de mémoire ou à toute autre cause, et il ne serait pas légitime de mettre en suspicion à cause d’elles tout le contenu des livres dans lesquels elles se rencontrent.

Mais un livre divin est vrai dans toutes ses parties ; toute parole des écrivains inspirés est la parole infaillible de Dieu ; elle doit donc, jusque dans les plus petits détails, être conforme à la vérité. Or deux propositions contradictoires ne pouvant être vraies à la fois, et l’Esprit-Saint ne pouvant se contredire, S. Augustin, Dlalogus adversus Pelagium, i, 14, t. xxxiii, col. 506, la Bible, qui est d’origine divine et l'œuvre du Saint-Esprit, ne doit contenir aucune contradiction. De réelles antilogies constatées dans les Livres Saints ne leur enlèveraient point toute valeur historique ou philosophique, mais détruiraient certainement leur autorité divine. Aussi les chrétiens, qui professent que l’erreur est incompatible avec l’inspiration de la Bible, nient-ils énergiquement l’existence d’une contradiction réelle quelconque dans la Sainte Écriture, et démontrentils que les antilogies scripturaires, relevées par leurs adversaires, ne sont qu’apparentes, et qu’une sage critique et une saine exégèse savent concilier et harmoniser toutes les divergences. Il n’est pas possible, dans les limites d’un article, d'élucider la série des prétendues contradictions de la Bible ; plusieurs recevront leur solution dans ce Dictionnaire ; nous nous bornerons à indiquer ici quelques règles générales de conciliation.

III. Principes de solution. — Plusieurs passages de l'Écriture paraissent-ils se contredire, l’exégète doit avant tout fixer la véritable leçon des textes qu’il doit expliquer, et rechercher si l’un ou l’autre de ces passages n’est pas fautif. La rouille des siècles a déposé son empreinte sur les pages de nos livres sacrés. En passant sous la plume de milliers de copistes, des noms propres ont été défigurés, des chiffres brouillés, quelques endroits légèrement altérés ; l’histoire du texte en fournit d’irrécusables preuves. Si la contradiction naît de ces erreurs de transcription, elle disparaîtra par la restitution du vrai texte, restitution obtenue par la critique verbale. Alors même que feraient défaut les moyens de corriger une faute évidente, la véracité divine serait hors de cause, et la constatation de l’erreur suffit pour résoudre la contradiction réelle.

Cependant certains textes parfaitement authentiques semblent inconciliables. L’apparente contradiction provient alors de l’ignorance où nous sommes de leur vrai sens ; le plus souvent, une étude approfondie la résoudra. Faut-il harmoniser les narrations divergentes d’un fait, la nature du langage employé et la forme du récit seront à considérer. Chaque écrivain ayant son style propre et sa manière de s’exprimer, deux récits de forme différente peuvent être identiques pour le fond. Les auteurs ne s’attachent pas généralement à énuinérer minutieusement toutes les circonstances des faits qu’ils racontent, ils notent seulement les traits qui vont mieux à leur but. Ceux qui omettent quelques détails ne doivent pas être par là même taxés d’inexactitude, ni mis en opposition arec le narrateur plus complet et plus précis. Ils ne seraient en contradiction que s’ils affirmaient sur la même personne, le même objet ou le même événement, le contraire les uns des autres.

La divergence porte-t-elle sur des passages doctrinaux, il faut examiner s’il n’y a pas progrès de l’idée, développement du dogme, plutôt que contradiction. Souvent, en effet, ces passages bien compris, loin de se combattre, se complètent. Les endroits obscurs doivent être expliqués par ceux qui sont clairs, ceux dans lesquels la doctrine n’est exposée qu’en passant par ceux où elle est traitée ex professo et en détail. Pour concilier les lois divergentes, il faut tenir compte de leurs transformations et de l’ordre de leur succession. Quelques articles de la législation mosaïque ont subi de réelles modifications pour s’adapter à des situations nouvelles. Des lois supplémentaires ont abrogé, changé et remplacé les lois antérieures. L'écrivain qui les rapporte fidèlement est donc exact. Aussi l'étude chronologique du code mosaïque présentera, au lieu des contradictions choquantes qu’on veut y voir, des lois successives ou substituées l’une à l’autre.

Toutefois il pourrait se faire que l’application de ces règles critiques et exégétiques ne suffise pas à résoudre toutes les apparentes contradictions de la Bible, car les documents contemporains capables de fournir un contrôle font défaut, et nous ignorons les circonstances au milieu desquelles les événements racontés se sont produits. Les exégètes et les apologistes chrétiens devraient alors avouer franchement leur impuissance de donner une solution satisfaisante ; c’est la pensée de saint Justin, Exhortalio ad Grsecos, c. 65, t. vi, col. 625. Ils pourraient garder l’espoir que des recherches nouvelles aboutiront un jour à de meilleurs résultats, et que des esprits plus perspicaces apercevront et dénoueront le nœud aujourd’hui invisible et insoluble. Quoi qu’il en soit, l’accord parfait des Écritures découle si nécessairement de leur origine divine, , que les antilogies non résolues ne diminuent pas la foi du chrétien à la vérité totale de la Bible. Cf. Jahn, Enchiridion hermeneutiese generalis, Vienne, 1812, § 51 - 53 ^ J. Danko, De Sacra Scriptura, Vienne, 1867, n° 135 ; F. X. Patrizi, Institutio de inlcrpretatione Bibliorum, 2e édit, Rome, 1876, p. 119-122 ; U. Ubaldi, Introductio in Sacram Scripturam, Rome, 1881, t. iii, p. 218-256.

IV. Ouvrages modernes dans lesquels sont résolues les contradictions de l'Écriture. — 'André Althamer, Conciliationes locoruin Scripturse, qui specie tenus inter se pugnare videntur, centuriss duse, Nuremberg, 1532 ; Séraphin Cumiran, Conciliatio locorum communium totius Sanctæ Scripturse, qui inter se pugnare videntur, Paris, 1556 ; Marc de la Camara, Qusestionarium conciliationis locorum difficilium Sacrse Scripturse, Alcala, 1587-1588 ; * J. Thaddseus, Concïliatorium biblicum, Amsterdam, 1648 ; H. Mayer, Manuale biblicum in quo Sacrse Scripturse certa qusedam testimonia, quse sibimet enntradicere videntur, omnino concordare docentur, Fribourg-en-Brisgau, 1654 ; Dominique Macri, Antilogiseseu contradictiones apparentes Sacrse Scripturse, Venise, 1645 ; nouvelle édition complétée par Le Fèvre d'Étaples, Paris, 1685 ; Emmanuel Fernandez de Santa-Cruz, Conciliatio Genesis et Exodi locorum qui apparentem continent antinomiam, Ségovie, 1671 ; Conciliatio Levitici, Numerorum et Deuteronomii…, %ll ; Conciliatio Josue, Judicum, primi et secundi librorum Regum…, 1689 ; Jean Pontas, Sacra Scriptura ubique sibi constans, etc., Paris, 1698 ; Martin Humbelot, Sacrorum Bibliorum notio generalis, Paris, 1700, 1. v, De antilogiis Sacrse Scripturse ; Tirin a réuni dans sa quatrième table générale environ 1 450 antilogies, qu’il avait expliquées dans ses Commentaria in Vêtus et Novum Test., Anvers, 1632 ; Claude Frassen, Conciliatorium biblicum, publié par Migne, Sacrse Scripturse cursus completus, t. ii, col. 947-1054 ; J. Brunet, Manuductio ad Sacram Scripturam, Paris, 1701, t. n ; Chérubin de Saint -Joseph, Sumnïa critiese sacrse, Bordeaux, 1715, t. vi et vu ; Vincent de SaintDominique, Explicationes antilogiarum tutn Veteris tum Kovi Testamenti ; Antoine de Silveira, Discordia concordis, Lisbonne, 1738 j Joseph-Chaiiemagne de Saint-Michel,