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Pour les écoles d’Antioche et d’Alexandrie, ne pourrait-on pas aussi le faire pour les grandes familles religieuses de l’Église comme les Bénédictins, les Jésuites, les Dominicains, les Capucins, les Franciscains, etc., les grandes universités comme la Sorbonne, Louvain, Salamanque ? Il semble que ces grandes familles tiendront à honneur d*’exposer leurs traditions, et seront fières de mettre en lumière le rôle intellectuel qu’elles ont rempli dans l’Église. Puisse ce vœu se réaliser !

Ce n’est pas assez de parler de l’utilité du Dictionnaire, il faudrait plutôt insister sur sa nécessité. Les graves dangers que fait courir à la foi la fausse critique montrent l’impérieuse nécessité de se confier à un guide sûr pour se livrer sans péril à ces délicates et périlleuses recherches.

Les dangers ne viennent pas seulement de la critique négative, — j’en ai signalé quelques-uns ; — ils viennent aussi de la critique dite positive, quand on l’emploie mal à propos, avec des idées préconçues, des jugements tout faits, quand on l’applique à des matières sur lesquelles elle ne doit pas s’exercer. Elle ne saurait évidemment être employée dans toutes les questions relatives à la Révélation ; il y aurait plus qu’un péril, il y aurait erreur contre la foi, comme aussi il ne faut pas rejeter une critique raisonnable et judicieuse, parce que si l’objet de notre foi est au-dessus de la raison, les motifs de crédibilité doivent être raisonnés et raisonnables, parce que les sophismes de la fausse raison ne peuvent être dissipés que par la vraie, enfin parce qu’en présence de données différentes et contradictoires en apparence, c’est à la raison de dégager les faits véritables et d’établir ce qu’on doit admettre, puisque l’Église ne saurait intervenir constamment pour décider les questions d’histoire.

Il suffira d’un seul exemple emprunté à des rationalistes soi-disant chrétiens pour montrer les périls d’une application fausse de la critique positive.

On peut admettre dans une assez large mesure un développement de la révélation, La lumière du Sinaï n’est pas aussi intense que celle du Thabor ou de la montagne des Béatitudes. On peut sans témérité soutenir que les anciens Juifs n’avaient pas des données bien précises sur l’immortalité de l’âme, sur le bonheur futur, les récompenses ou les châtiments éternels ; tout était un peu confus dans leur croyance à la survivance. Mais prétendre, au nom de la critique, que l’idée d’un Dieu unique s’est dégagée peu à peu, que le Dieu d’Abraham n’est pas celui des prophètes ou des Machabées, sous prétexte que le langage un peu anthropomorphiste des anciens auteurs n’est pas aussi épuré que celui des auteurs postérieurs à la captivité, ce serait un abus intolérable ; ce serait énerver la force probante des prophéties, briser la longue chaîne qui descend d’Adam à Notre —Seigneur, mettre Isaïe, Amos et les autres au-dessous des apocryphes du second siècle avant J.-C. On arriverait bien vite avec ce système à dire qu’Israël n’a pas été traité autrement que les autres nations, que son histoire est une histoire comme une autre, que tous les peuples ont été aussi amenés au Christ quoique par d’autres chemins, qu’il y a eu un développement religieux indépendant de celui d’Israël ; que les prophètes doivent être placés sur le même pied que les autres maîtres de l’humanité, que Platon et Aristote ont été aussi utiles à la religion et à l’enseignement chrétien qu’Ézéchiel et Daniel. N’est-ce pas là, ajoute-t-on, le λόγoς σπερματικός dont parlent les Pères de l’Église, la semence évangélique répandue partout ? Ceci est la négation presque complète de la révélation, la suppression de l’élément positif de la religion.

Danger aussi d’accepter certaines théories scientifiques aujourd’hui en honneur. La