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ASSYRIENNE (LANGUE) — ASTAROTH


simplement « un tribut, un impôt », ainsi que l’assyrobabylonien biltu, dérivé de la racine abâlu, « apporter. » Mais, entre ces divers mots, le dernier, ve’aptôm, a eu sans contredit la fortune la plus singulière. Il est curieux de noter les vicissitudes qu’il a subies, au cours des temps, dans l'œuvre des traducteurs et commentateurs, depuis les plus anciens ( Septante, Vulgate, syriaque), qui se tiraient de la difficulté en sautant le mot, pour n’avoir pas à le traduire, jusqu'à Gesenius lui - même, qui lui trouve un équivalent dans le pehlvi afdom, « fin ; » avdom, « dernier, » et le perse fd’m. Voir Gesenius, Thésaurus linguse hebrsese, p. 143. Or ce terme doit être rapproché de l’assyrien anapiti-ma, contracté en apitima (cf. ammini, « pourquoi, » contracté de ana mini) et de l’hébreu pif om. Il dérive de la racine sémitique pd(a', pâfah, pâtal}, pâfa' (elle existe sous ces diverses formes), qui exprime l’idée « d’ouvrir, de commencer ». 'Apfôm doit se traduire « dès l’abord, aussitôt ». D’après ces indications, le sens de la phrase est celui-ci : « S’ils ne payent pas les redevances, le tribut et les droits commerciaux, ce sera d’abord, pour les rois, un réel dommage. »

2° Pour l’interprétation critique. — Certains exégètes, frappés de la similitude qui existe entre la langue du Pentateuque et celle des Psaumes et des Prophètes, prétendent tirer de là une confirmation en faveur de la thèse qui assigne une date relativement récente à la composition de ce livre. Ils ne peuvent comprendre que la langue hébraïque, de Moïse à Jérémîe, ait subi si peu de variations. Cet argument doit être définitivement abandonné. En effet, la fixité de l’hébreu n’est pas un phénomène isolé dans l’histoire des langues sémitiques. L’assyrien, comme nous l’avons dit plus haut, est resté sensiblement le même durant quarante siècles. La comparaison d’Horace, Ars poet., 60-62 :

Ut silvaB foliis pronos mutante in annos, Prima cadunt ; ita verborum vêtus interit âetas, Et juvenum ritu florerit modo nata vigentque,

ne peut être appliquée qu'à nos langues occidentales ; elle ne saurait être étendue aux langues sémitiques.

L’emploi de tel ou tel mot, moins encore, de telle ou telle forme orthographique, peut nous renseigner sur la provenance d’un morceau, sur son caractère d’antiquité ou de modernité. Voici deux exemples empruntés à M. J. Halévy : 1° Dans une étude sur Noé, le déluge et les Noahides (Recherches bibliques, 13e fasc., xxrv), ce savant a cru découvrir une preuve de l’origine babylo' nienne du récit biblique dans l’exacte correspondance des mots hébreux gofêr, tébah, kofêr, avec les mots babyloniens giparu, « espèce de roseau ; » tebitu, « sorte de vaisseau ; » kupru, « bitume » (ce dernier mot est ici particulièrement significatif : il désigne d’une façon spéciale lé bitume babylonien, par opposition au mot hémâr, Gén., xiv, 10 ; Exod., ii, 3, qui sert à désigner le bitume palestinien ou égyptien). — 2° Ailleurs, dans ses Notes sur quelques textes araméens du Corpus inscriptionum semiticarum (Recherches bibliques, 11e fasc), ce même savant a relevé minutieusement, d’après des inscriptions remontant au ixe siècle avant notre ère, comme date inférieure, les formes orthographiques anciennes pour des mots tels que frs, « demi-mine » (n° 10) ; sqln, « sicle » (n° 13, passim) ; 'H, « femme » (n° 15), et constaté que la transformation de la chuintante primitive en sifflante (frs au lieu de frS) ne s’est effectuée que lentement. Or une telle remarque est immédiatement vérifiable dans les livres du recueil biblique. Nous avons de cela un exemple frappant pour le mot shd (ce mot a été heureusement conservé sur un texte entièrement fruste, n" 35), orthographié avec s, comme le Sâhâdûtâ' du passage araméen de la Genèse, xxxi, 47 ; cf. Job, xvi, 19, et non avec un s (shd), forme usuelle de Paraméen postérieur. Voir F. Vigoureux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., 1. 1, p. 402 ; Frd. Delitzsch, The Hebrew language viewed in the light of Assyrian research, in-12, Londres, 1883.

VII. Bibliographie. — 1° Syllabaires. — Schrifttafel, dans Frd. Delitzsch, Assyrische Lesestûcke, in-4°, Leipzig, 1™ édit., 1876 ; 2e édit., 1878 ; 3e édit., 1885 ; Schrifttafel et Zeichensammlung, dans P. Haupt, Accadische und Sumerische Keilschrif texte, in-4°, Leipzig, 1881-1882 ; Amiaud et Méchineau, Tableau comparé des écritures babylonienne et assyrienne archaïques et modernes, in-8°, Paris, 1887 ; Brûnnow, À classified list of ail simple and compound cuneiform ideographs, in-4°, Leyde, 1889.

2° Grammaires. — Sayce, Assyrian grammar, in-4°, Londres, 1™ édit., 1875 ; 2= édit., 1883 ; Frd. Delitzsch, Assyrische Grammatik, in-12, Berlin, 1889.

3° Dictionnaires. — Norris, AssyrianDietionary (inachevé), 3 in » 4°, Londres, 1868-1872 ; P. Strassmaier, Alphabetisches Verzeichniss der assyrischen und accadischen Wôrter, in-4°, Leipzig, 1882-1886 ; Frd. Delitzsch, Assyrisches Wôrterbuch ( en voie de publication), in-4°, Leipzig, 1887-1888.

4° Textes. — Frd. Delitzsch, Assyrische Lesestûcke (1876, 1878, 1885) ; Layard, Inscriptions in the cuneiform character, in-f°, Londres, 1851 ; H. Rawlinson, The Cuneiform Inscriptions of Western Asia, in-f", Londres, 1861, 1866, 1870, 1875, 1880-1884 ; F. Lenormant, Choix de textes cunéiformes inédits ou incomplètement publiés jusqu'à ce jour, 3 fasc. in-4°, Paris, 1873-1875 ; P. Haupt, Accadische und Sumerische Keilschrif texte (1881-1882) ; Pinches, Textsin the babylonian Wedge-writing, in-8°, Londres, 1882 ; P. Haupt, Das Babylonische Nimrodepos, in-4°, Leipzig, 1884-1891 ; Mittheilungen aus den Orientalischen Sammlungen. Heft i, ii, in : Der Thontafelfund von El Amarna, par W’inckler et Abel, 3 fasc. in-f », Berlin, 1889-1890. J. Sauveplane.

1. ASTAROTH (hébreu : 'ASfârôf, féminin pluriel de 'Astôrét, déesse des Phéniciens). La Vulgate a employé quelquefois ce nom comme un pluriel, pour désigner en général les déesses adorées par les Phéniciens, en compagnie de Baal, Jud.^ iii, 17 ( hébreu : 'âsêrôt) ; x, 6 ; I Reg., vii, 3, 4 ; xii, 10 ; d’autres fois, elle l’a employé comme substantif singulier, IV Reg., xxiii, 13 (hébreu : 'Astôrét) et aussi, d’après plusieurs commentateurs, Jud., ii, 13, et I Reg., xxxi, 10 ; dans ces deux passages, le texte original porte 'Astarôf, comme la Vulgate, ce qui doit s’entendre d’une seule idole, d’après les uns, et de plusieurs, selon les autres. C’est là, d’ailleurs, une question sans importance. Astoreth ou Astaroth est la déesse qui est appelée Astarthé dans la Vulgate, III Reg., xi, 5, 33. Voir Astarthé.

2. ASTAROTH (hébreu : 'ASfârôf ; Septante : 'A<rrapi£6), ville de Basan, résidence du roi Og, Deut., i, 4 ; Jos., ix, 10 ; xii, 4 ; xiii, 12 ; plus tard assignée à la tribu de Manassé, Jos., xiii, 31, enfin mentionnée comme ville lévitique, dans I Par., vi, 56 (et dans Jos. xxi, 27, sous la forme Bosra ; Septante : BEsaŒpa ; hébreu : be'ésferâh, peut-être pour Bêf'ésferâh, « maison d’Astarté. » Voir Bosra).

Nous lisons en outre, Gen., xiv, 5, que Chodorlahomor et ses alliés défirent les Réphaïtes à Astaroth - Camaïm (hébreu : 'Asferôt Qarnaïm ; Septante : 'A<rrap(16 Kapvai’v ; Codex Vaticanus : 'Adrapwfj x « i Kecpvatv). Carnaïm seul (grec : Kotpvaïv) est mentionné I Mach., v, 26, 43, 44 ; II Mach., xii, 21, 26 [Camion, Kotpvîov), et Josèphe, Ant. jud, , XH, viii, 4, comme une ville fortifiée et d’un accès difficile. Judas Machabée néanmoins s’en rendit maître. Un temple, qui paraît avoir eu une certaine célébrité, fut brûlé à cette occasion. — Astaroth, AstarothCarnaïm et Camion sont-ils une seule et même ville ou des villes différentes ? La question est controversée.

V Onomasticon d’Eusèbe, traduit par saint Jérôme, distingue Astaroth, résidence d’Og, d' AstarothCarnaïm. La première ville y est mentionnée comme étant à six milles