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HELLENISME


chus IVÉpiphane, l’hellénisme n’avait pénétré en Palestine que du dehors ; à partir de cette époque, il y eut à l’intérieur un mouvement si prononcé que c’en était fait du judaïsme si la violence même de la poussée hellénique n’avait déterminé la réaction des Asmonéens. Le fauteur le plus ardent de l’hellénisme fut le propre frère du grand-prêtre Onias III. Son nom hébreu était Jésus, mais il l’avait grécisé en Jason. Il avait acheté d’Antiochus TV le souverain pontificat. Il obtint au prix de 150 talents la permission de bâtir un gymnase et une salle d’exercices pour les jeunes gens, voir Éphébée et Gymnase, avec le titre de citoyen d’Antioche pour les habitants de Jérusalem. En même temps, il fit tous ses efforts pour décider ses compatriotes à se gréciser. EÙ6&1) ; lx tôv èXXvjvixov xapaxTtJpa toù ; <ip.o<pûÀou ; (iet^ys. II Mach., iv, 10. L’engouement subit des Juifs pour les coutumes nouvelles est inexplicable, à moins d’admettre antérieurement une lente infiltration d’esprit hellénique. Le terrain était prêt et la semence à peine jetée levait aussitôt. Profitant de l’autorisation reçue, Jason fit bâtir un gymnase sous la forteresse de la ville et força les plus nobles et lés plus forts des jeunes gens, à prendre part aux jeux et aux exercices. La Vulgate traduit : Ausus est optimos quosque epheborum in lupanaribus ponere ; mais cette version est inexacte. Le texte porte : ûm> tot<x<jov ifrev, II Mach., iv, 12 ; « il les mena sous le chapeau, » c’est-à-dire il leur fit prendre le chapeau à larges bords, itltados, qui abritait contre la pluie et le soleil les jeunes gens s’exerçant à la palestre, chapeau avec lequel est représenté Mercure, patron du gymnase et protecteur des jeux. Ainsi, par le fait du chef suprême de la religion hébraïque, du successeur d’Aaron, l’hellénisme fiorissait et les mœurs exotiques prospéraient dans la cité sainte. C’était au point que les prêtres, dédaignant le sanctuaire et négligeant le service de l’autel, couraient prendre part aux amusements inconvenants (x°P1T ! ’' ?) de l a palestre et se provoquaient mutuellement aux jeux du disque. Ils comptaient pour rien les gloires nationales et n’avaient d’estime que pour les honneurs de la Grèce. II Mach., iv, 14-15. Voyant avec quelle facilité ses concitoyens se faisaient aux mœurs étrangères, Jason crut pouvoir tout oser. Comme des jeux quinquennaux allaient se célébrer à Tyr, en l’honneur de Melcarth, il voulut offrir lui aussi des sacrifices à l’Hercule tyrien et envoya à cet effet une somme de trois cents drachmes. La Vulgate double ce chiffre : didrachmas trecentas, et la version syriaque fait plus que la décupler, elle ajoute trois mille drachmes. Le présent sans doute était minime, mais l’intention n’en restait pas moins sacrilège. Les députés de Jason eurent honte de leur mandat. Ils supplièrent le roi d’employer cet argent à un autre usage. On l’appliqua à la construction des trirèmes. Lorsque, peu de temps après, Antiochus traversa Jérusalem pour se rendre en Egypte, l’impie grand-prêtre lui fit, comme on pouvait s’y attendre, l’accueil le plus empressé et le plus enthousiaste. Le parti helléniste triomphait. II Mach., iv, 16-22.

Jason n’eut pas le temps d’achever l’hellénisation projetée. Il fut supplanté par un autre intrigant, son représentant auprès d’Antiochus, Ménélas. Voir Ménélas. II Mach., iv, 23-25. Jason, destitué, s’enfuit au pays d’Ammon. D’après Josèphe, dont le récit, pour toute cette période, est assez confus, Ménélas se serait engagé à renier la foi de ses pères et à se conformer en tout aux mœurs helléniques. En conséquente, lui et ses partisans se seraient évertués à effacer les traces de la circoncision afin que, au bain et au gymnase, on les prit pour des Grecs. Ant. jud., XII, v, 1. Cependant, Ménélas, à peine installé, fut incapable de payer au monarque syrien les énormes sommes promises. Il se rendit à Antioche pour s’entendre avec le roi. Pendant ce temps, son frère Lysimaque le suppléa, II Mach., iv, 27, et se lendit si odieux qu’il fut massacré, dans le temple

MCI. DE LA. BIBLE.

même, par les Juifs révoltés. Voir Lysimaque. À partir de ce jour, la persécution contre les Juifs fidèles à la foi de leurs pères devint atroce. Antiochus décréta l’abolition des cultes nationaux « afin que tous ses sujets ne fissent plus qu’un seul peuple ». I Mach., i, 43. Voir Antiochus IV, 1. 1, col. 697. Il essaya de réaliser ses desseins, mais sa violence même amena une réaction.

III. Réaction contre l’hellénisme sous les Machabées. — Le soulèvement des Machabées eut pour cause déterminante la religion et non la politique. Sans doute Matathias et ses cinq fils étaient d’ardents patriotes, navrés de voir l’humiliation et l’abaissement de la nationalité juive, mais s’il se fût agi seulement de payer le tribut à l’étranger, ils se seraient contentés de pleurer et de gémir dans leur terre de Modin. C’est quand on vint les sommer de sacrifier à Jupiter, quand sous leurs yeux un malheureux Juif s’avança vers l’autal pour y offrir de l’encens, que leur colère fit explosion. Ils tuèrent l’apostat ainsi que le délégué du roi et s’enfuirent au désert. Ils partaient au nombre de dix ; bientôt ils étaient six mille. C’était une révolution. Après les victoires répétées de Judas, la cause de l’indépendance juive était gagnée et l’œuvre de restauration pouvait commencer. Voir Judas Machabée.

La période asmonéenne fut signalée, d’un bout à l’autre de la Palestine, par un recul de l’hellénisme. Mais si le judaïsme gagnait, c’était surtout au point de vue religieux ; car l’infiltration grecque se faisait sentir de plus en plus dans le langage et dans les mœurs. Les noms grecs des derniers Asmonéens et leurs rapports fréquents avec Rome et la Grèce suffiraient seuls à le prouver.

IV. Reprise de l’hellénisme sous les Hérodes. — Hérode I er établit à Jérusalem des jeux quinquennaux en l’honneur d’Auguste. Il bâtit à l’intérieur de la ville un splendide théâtre et, au dehors, sur la route de Samarie, un amphithéâtre d’une égale magnificence. De Saulcy, Histoire d’Hérode, roi des Juifs, Paris, 1867, p. 179-182. Il y convoqua les lutteurs les plus habiles, les musiciens les plus renommés. Courses de chevaux, exhibition d’animaux curieux, combats de bêtes féroces entre elles ou avec des gladiateurs, rien ne manquait au spectacle. C’était rompre aùdacieusement en visière avec les traditions les plus respectées du judaïsme. Le scandale fut grand. Il fut porté à son comble par des mannequins revêtus d’armures que les Juifs prenaient pour des statues habillées. Pour calmer l’effervescence, Hérode fit démonter ces trophées aux yeux du public. Les rieurs furent de son côté, mais il comprit qu’il fallait procéder avec lenteur et prudence et ne pas heurter de front le préjugé populaire. Il le comprit mieux encore quand dix conjurés tentèrent de le poignarder en plein théâtre. L’attentat avorta, mais l’exaltation des complices et leur joie sereine au milieu des plus affreux tourments le glacèrent d’effroi. Il vit que le temps n’était pas venu d’implanter l’hellénisme dans la ville sainte et se rendit à Samarie. Il en fit une colonie militaire pour ses vétérans. La ville fut nommée Sébaste en l’honneur d’Auguste (en grec Seéaorôî) ; elle eut son temple (va<S ?) et son enceinte sacrée (Téjitvo ;). La Tour de Straton, qui devait servir de port à la nouvelle capitale, ne fut pas moins bien traitée. Elle s’appela désormais Césarée, en l’honneur de César. Ses splendides monuments, théâtre creusé dans le roc, amphithéâtre tourné vers la mer, etc., tout était éclipsé par le temple d’Auguste, construit sur des soubassements pour être aperçu de plus loin. À Césarée, ville à demi païenne, Hérode n’eut pas le scrupule qui l’avait arrêté à Jérusalem. Le temple achevé, il y plaça la statue de Rome et celle d’Auguste. Du reste, même à Jérusalem, il se départait peu à peu de la réserve qu’il avait affectée d’abord. En reconstruisant le temple, il fut obligé de suivre les formes et les dispositions traditionnelles, mais il ne craignit pas d’y placer l’image d’un aigle en pierre

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