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JÉHOVAH (NOM)


tion on trouve, p. 19, une monnaie découverte près de Gaza et où l’on croit lire W>, en caractères phéniciens (fig. 215). Sayce, Fresh light From the ancient monuments, ^ édit., 1885, p. 66, date cette monnaie du iv siècle avant J.-C. M. Driver reproduit aussi, p. 8, des figures gnostiques portant l’inscription IAÛ ou, à lire au rebours, QÂI. Ces inscriptions sont nombreuses sur les Abraxas. Nous en reproduisons ici trois (fig. 216, 217, 218), d’après Montfaucon, L’antiquité expliquée, t. ii, part, ii, Paris, 1719.

Véritable prononciation.

Des faits qui précèdent

nous croyons pouvoir conclure que le tétragramme divin se prononçait Yahvéh ; ce qui, transcrit en grec, donne’la&i. La vraie prononciation nous est conservée par le manuscrit éthiopien, par saint Épiphane et par Théodoret. Ce dernier déclare expressément que c’est la prononciation des Samaritains, qui sans doute ne partageaient pas les scrupules des Juifs orthodoxes au sujet du nom ineffable. Quant à la prononciation Yao, Yaho, Ya, Yau, etc., adoptée par les gnostiques et proposée par quelques Pères, nous pensons qu’elle est déduite de l’analyse des noms théophores dans lesquels Jéhovah n’entrait jamais qu’en abrégé, à moins qu’elle ne soit due au témoignage des Juifs qui ne connaissaient pas la prononciation véritable ou croyaient ne pouvoir proférer qu’une forme approchante, celle qui faisait partie des mots composés. La lecture Jéhovah, où les anciens exégètes trouvaient tant de mystères, par exemple l’expression simultanée du passé, du présent et de l’avenir, est inadmissible, car elle suppose une forme verbale monstrueuse. Elle est pourtant défendue par plusieurs érudits, entre autres Michælis, Supplementa ad lexica hebraica, 1792, t. i, p. 524, et surtout Drach, Harmonie entre l’Église et la Synagogue, 1844, t. i, p. 469-498. Jéhovah a été jusqu’ici l’orthographe usuelle en France, quoique la transcription Yahvéh (ou peut-être Yahâvéh, Robertson, Early religion, 1896, p. 32, suivant l’analogie des autres verbes primée gutturalis) soit plus exacte.

IV. Forme et sens du tétragramme.

Jéhovah appartient à cette classe de noms qu’Ewald qualifie de très archaïques, Lehrbuch der hebr. Sprache, 7e édit., 1863, p. 664, tels que Jacob, Isaac, Joseph, Jephté, etc. Ce mode de formation nominale, connu des Phéniciens et très répandu chez les Arabes, particulièrement dans le dialecte himyarite, n’a laissé que de faibles traces en hébreu, en dehors des noms propres. II consiste à appliquer la troisième personne de l’imparfait à une personne ou à un être quelconque, pour lui faire signifier l’action ou la qualité exprimée par le verbe, ce qui revient à peu près au sens d’un adjectif verbal ou d’un participe. Isaac « il rit » est « le rire » ou « le rieur » ; de même Jéhovah, s’il est la troisième personne de l’imparfait kal du verbe n>n ou mn, « être, » comme nous

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allons le montrer, devra signifier « celui qui existe, celui dont l’existence est le trait caractéristique, l’être tout court ». jFurst, qui a réuni, Concordantiee hebraicse, 1840, p. 1346, la plupart des ^exemples de cette forme nominale, l’appelle forma participialis imperfectiva.

Jéhovah est à l’imparfait de la voix kal.

Plusieurs

savants de mérite soutiennent, après Le Clerc et Calmet, que mn’est un imparfait de la voix hiphil. Baudissin, Studien, t. i, p. 229 ; P. de Lagarde, Psalteriwm Bieronymi, p. 153 ; Schrader, dans Die Keilinschriften tmd das Alte Testament, 2e édit., p. 25. Le sens de Jéhovah serait alors, soit : « Celui qui fait exister » les êtres de ce monde, c’est-à-dire le créateur (Schrader), soit : « Celui qui fait arriver » les événements historiques, en particulier « celui qui réalise ses promesses », en d’autres termes le Dieu-providence (Lagarde). Cependant la presque totalité des philologues et des exégètes est d’avis contraire ; avec raison, ’ce semble, pour

trois motifs principaux : i. En hébreu, il n’existe aucun vestige de l’hiphil du verbe n>n. — 2. Dans les idiomes

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apparentés, le sens causatif du verbe « être » s’exprime par la voix pihel, excepté en syriaque où Vhiphil est rare / et de basse époque. — 3. L’exégèse d’Exod., iii, 14, exclut manifestement la voix hiphil. — La voyelle a dans Jahvéh n’est pas un obstacle à la voix kal. En effet il est probable que la préformante de l’imparfait prenait anciennement la voyelle a dans tous les verbes, comme cela a lieu encore en arabe, et il ne faut pas s’étonner de la trouver dans le mot archaïque Jahvéh ; d’ailleurs cette voyelle a s’est conservée, même en hébreu, à l’imparfait d’un grand nombre de verbes commençant par une gutturale, tels que nn, Din, nbn, etc., et le nom commun D*)n », d’une formation analogue à Jahvéh. La vocalisation actuelle rvn>, de l’imparfait kal de rrn, est

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donc le résultat d’une prononciation affaiblie qui n’a rien de primitif.

2° Jéhovah est l’imparfait kal du verbe n>n, « être. »

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— La racine n>n est identique à la racine mn. Le vav s’est maintenu en araméen (chaldéen et syriaque) ; en hébreu, il s’est peu à peu changé en yod par suite d’une tendance générale de la langue. Le tétragramme mn> ne

diffère de n » n’, « il est, » que par sa forme plus archaïque. Or n>n ne signifie en hébreu que « arriver » ou « être », et comme l’impersonnel « il arrive que… » ne saurait être un nom propre, le tétragramme ne peut vouloir dire que « il est ». Comme dans toutes les autres langues, le verbe « être » appelle d’ordinaire en hébreu un prédicat ou un complément ; mais rien ne s’oppose à ce qu’il soit employé absolument quand il désigne l’existence absolue. Remarquons aussi que la question exégétique est tout à fait indépendante de la question philologique. Quel que soit le sens primitif de n>n, il est certain que Moïse rattache le nom divin à l’idée d’être et le définit par l’existence.

V. Origine du nom de Jéhovah.

1° Origine chananéenne. — P. von Bohlen, Genesis, 1835, p. civ, prétendait que le nom de Jéhovah n’avait passé dans l’usage courant de la langue hébraïque qu’à partir de David. Son système, appuyé sur des raisons fausses ou sans valeur, a fort peu d’adeptes. Mais quelques savants, tout en faisant remonter l’introduction du tétragrammeplus haut queDavid, la croient postérieure à Moïse. Les Israélites auraient emprunté ce nom aux Chananéens et peu à peuauraientfini par se l’approprier. Von der Alm, Theolog. Briefe, 1862, t. i, p. 524-527 ; Colenso, The Penlateuch, part, v, 1865, p. 269-284 ; Goldziher, DerMythus bei den Hebràern, 1876, p. 327. Ils ont été réfutés par Kuenen, De Godsdienst van Israël, Haarlem. t. (, 1869, p. 379-401, approuvé par Baudissin, Studien, t. i, p. 213-218. Il est en effet contraire à toute vraisemblance de supposer que Jéhovah, l’adversaire irréconciliable des Chananéens et de leurs dieux, ait été lui-même, à l’origine, un dieu chananéen. Il faut donc admettre, comme un fait historique des mieux établis, que Jéhovah date au moins de Moïse. Ne remonte-t-il pas plus haut ? Divers savants l’ont pensé. Nous allons brièvement examiner leurs hypothèses. ___

Origine indo-européenne.

Elle a été soutenue

par Vatke, Die Religion des A. T., etc., 1835, p. 672 ; par J. G. Muller, Die Semiten in ihreni Verhaltniss zu Chamiten und Japhetiten, 1872, p. 163. On peut se dispenser de la discuter sérieusement. Bien que Jovis-Jove offre une certaine ressemblance avec Jéhovah ou Yahvé, il faudrait montrer comment la racine sanscrite DIV, d’où dérivent Jupiter-Jovis (Diovis) et Zs-jç-Atoç, est devenue en hébreu mn> ; et par quel chemin le dieu indoeuropéen Dyaus est arrivé en Palestine. On n’est guère plus avancé en admettant avec Hitzig, Vorlesungen ùber bibl. Theol., etc., p. 38, que, les Indo-Européens ont