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JEUNE


sion dont se sert le législateur, Hnnâh nafsô, signifie « affliger » et « humilier son âme », c’est-à-dire priver momentanément sa vie de tout ce qui peut en faire l’agrément et l’orgueil. Cette expression se rapporte donc au but moral et religieux du jeûne, tandis que le mot sôm ne s’applique qu’à l’acte en lui-même. Or, selon sa coutume, si la Loi prescrit une pratique afflictive, c’est pour arriver à produire dans le cœur même des sentiments correspondants de deuil, de repentir et de renoncement, autant que l’homme en est capable.- C’est pour cela qu’elle fait du jeûne comme la caractéristique de la fête de l’Expiation, dans laquelle les Israélites avaient surtout à se repentir de leurs péchés. Cl. Bàhr, Symbolik des mosaischen Cultus, Heidelberg, 1839, t. ii, p. 674. D’ailleurs 1’& affliction de l’âme » comprenait encore, outre la privation d’aliments, celle de toutes les choses agréables à la vie, le bain, les onctions, les chaussures, l’usage du mariage, etc. Siphra, 252, 2. Dans quelques circonstances plus graves, on ajoutait même Ai jeûne certaines démonstrations extérieures, on revêtait le cilice, on déchirait ses vêtements, on répandait de la cendre sur sa tête, etc. En un mot, toutes les abstentions et toutes les démonstrations auxquelles on se soumet naturellement sous l’empire d’une profonde douleur, on les reproduisait à des jours donnés, non seulement pour signifier, mais encore pour exciter intérieurement le repentir du péché. Un passage d’Isaie nous fournit à la fois la description des pratiques extérieures des Israélites qui jeûnaient, et l’indication des sentiments que le Seigneur exigeait d’eux. Les Israélites se plaignent que Dieu n’a pas égard à leur jeûne : « Pourquoi jeûner si tu ne le regardes même pas ? Pourquoi humilier notre âme si tu n’y prends pas garde ? » Et Dieu répond : « C’est que, le jour de votre jeûne, vous n’en faites qu’à votre volonté et vous exigez tout de vos mercenaires. En jeûnant, vous ne rêvez que disputes et querelles, que brutalités et coups de poing. Vous ne jeûnez pas comme il le faudrait en un pareil jour, pour que voire voix soit entendue là-haut. Est-ce là le jeûne que j’aime, le jour où l’homme afflige son âme ? Incliner la tête comme un jonc, et se coucher sur le sac et la cendre, est-ce là ce qui s’appelle un jeûne, un jour qui plaise au Seigneur ? Voici le jeûne que je veux : Brisez les chaînes injustes, relâchez les courroies du joug, pour renvoyer libres tous les opprimés et cesser toute espèce de tyrannie. Partagez votre pain avec l’affamé, recueillez chez vous les malheureux sans asile, couvrez celui que -vous voyez sans vêtement et ne dédaignez pas celui qui est votre propre chair. » Is., lviii, 3-7. À la pratique afflictive du jeûne, il fallait donc joindre les œuvres de justice et de miséricorde. Jérémie, xiv, 12, dit que le Seigneur ne veut tenir aucun compte des jeûnes et des supplications de ceux qui lui sont infidèles. L’Ecclésiastique, vu, 19, recommande d’« affliger beaucoup son âme, puisqu’il y aura le feu et le ver pour punir l’impie » ; par conséquent il faut jeûner et faire sérieusement pénitence en ce monde pour éviter le châtiment futur. Il ajoute : « L’homme qui jeûne pour ses péchés et les commet de nouveau, à quoi sert son humiliation et qui exaucera sa prière ? » Eccli., xxxiv, 31. Le repentir et leferme propos sont donc inséparables du jeûne. La prière « st encore un des éléments qui doivent s’y joindre. Tob., m, 8.

Les jeûnes publics extraordinaires.

Outre le

jeûne de la fête de l’Expiation, des jeûnes publics étaient ordonnés en certaines circonstances. Ainsi tout le peuple, ou du moins une partie notable du peuple jeûne pour expier certaines fautes générales, I Reg., vii, 6 ; Jer., xiv, 12 ; xxxvi, 9 ; Bar., i, 5 ; Joël, i, 14 ; ii, 15 ; II Esd., IX, 1 ; avant d’entreprendre la guerre, Jud., xx, 26 ; II Par., xx, 3 ; II Mach., xiii, 12 ; à la mort d’un roi, I Reg., xxxi, 13 ; I Par., x, 12 ; pour détourner un malheur public, Judith, iv, 8, 12 ; Esth., iv, 3, 16, etc. Le pro phète Joël, i, 12-n, 17, décrit ce qui se passait dans les deuils publics qui étaient accompagnés de jeûne. Voir Deuil, t. ii, col. 1399. C’est ainsi qu’au nom d’Achab, Zézabel fit publier un jeûne pour expier un blasphème calomnieusement imputé à Naboth, qu’on fit périr pour prendre sa vigne. III Reg., xxi, 8-14. — On lit dans la prophétie de Jonas, iii, 5, 7, qu’un jeûne public de pénitence fut imposé à tous les habitants de Ninive, du plus petit au plus grand, et que l’obligation porta même sur les animaux. Le jeûne imposé aux animaux n’est là que pour marquer la rigueur de la pénitence. Virgile, Eclog., v, 25-26, fait de même jeûner les quadrupèdes à la mort de Daphnis.

Les jeûnes particuliers.

Ces jeûnes sont pratiqués

pour les raisons les plus diverses. David jeûne tout un jour à l’occasion de la mort de Saul, II, Reg., 1, 12 ; il jeûne, plus tard, pour obtenir la guérison de son enfant malade, mais il cesse le jeûne, comme inutile, aussitôt que l’enfant a fini de vivre. II Reg., XII, 16, 2123. Réprimandé par Élie, le roi Achab jeûne et détourne de sa personne la vengeance divine. III Reg., xxi, 27-29. Les Psalmistes jeûnent en esprit de pénitence et pour appeler le secours de Dieu. Ps. lxviii (lxix), 11 ; cvm (cix), 24. L’un d’eux jeûne quand il voit ceux qui sont autour de lui tomber malades. Ps. xxxiv(xxxv), 13. Sara, fille de Raguel, jeûne trois jours et trois nuits pour obtenir que Dieu la délivre des obsessions du démon. Tob., iii, 10. Esther, xiv, 2, jeûne et prie pour que le Seigneur protège son peuple contre les projets homicides d’Aman. Daniel, IX, 3, jeûne pour que l’époque de la venue du Messie lui soit révélée. Esdras jeûne et fait jeûner pour s’assurer un heureux retour à Jérusalem. I Esd., viii, 21. Il jeûne de nouveau pour déplorer les mariages des Juifs avec des femmes étrangères. I Esd., x., 6. Enfin Néhémie jeûne en apprenant les malheurs de ses compatriotes. II Esd., i, 4. On jeûnait donc non seulement à la suite des malheurs passés, mais encore en vue d’obtenir les biens et d’écarter les maux de l’avenir. Il y avait même des Israélites qui prolongeaient le jeûne pendant de longues périodes ; telle Judith qui, veuve depuis trois ans et demi, jeûnait continuellement à l’exception de certains jours. Judith, viii, 6. Telle encore Anne la prophétesse qui, veuve de bonne heure, jeûnait depuis ce temps et atteignait ses quatrevingt-quatre ans. Luc, ii, 37. Il arrivait aussi parfois qu’on s’engageait à jeûner jusqu’à ce que telle ou telle chose fût accomplie. Tob., vii, 10 ; Act., xxiii, 21.

Les jeûnes institués après la captivité.

À cette

époque, de nouveaux jeûnes viennent s’ajouter à celui du septième mois. Zacharie, vii, 5 ; viii, 19, parle de jeûnes le quatrième, le cinquième, le septième et le dixième mois. Il est question d’un autre jeûne établi en souvenir des événements qui s’étaient passés du temps d’Esther, la veille de la fête des Phurim. Esth., ix, 31. Voir Phurim. La tradition juive, Geni. Jer., Taanith, 68, assigne ainsi l’origine des jeûnes mentionnés par Zacharie : jeûne du quatrième mois, le 17 thammouz, en mémoire du jour où furent brisées les tables de la loi, et où plus tard cessa le sacrifice perpétuel ; jeûne du cinquième mois, le 9 ab, en souvenir de la ruine du Temple ; jeûne du septième mois, le 3 tischri, en mémoire du meurtre de Godolias, IV Reg., xxv, 25 ; jeûne du dixième mois, le 10 tébeth, pour rappeler le siège et la prise de Jérusalem par les Chaldéens. Cependant le Rosch hasschana, 18, 5, rapporte ce dernier événement au 9 tamnuz. Saint Jérôme, In Zachar., ii, 8, t. xxv, col, 1475, établit ainsi, d’après les Juifs eux-mêmes, la signification de ces quatre jeûnes : jeûne du quatrième mois, pour rappeler les tables de la Loi, brisées par Moïse, Exod., xxil, 19, et la démolition des murs de Jérusalem par les Chaldéens, Jer., iii, 14 ; jeûne du cinquième mois, pour rappeler d’abord la sédition des ! Hébreux au retour des explorateurs de Chanaan et le