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GÉDÉON


autel au vrai Dieu. Le père de Gédéon honorait ces fausses divinités, et Jéhovah voulait éprouver la fidélité du héros qu’il avait choisi pour délivrer son peuple. Gédéon devait brûler en holocauste avec le bois coupé le taureau de sept ans, qui appartenait à son père. On a remarqué que l’âge de la victime correspondait au nombre des années d’oppression des Israélites. Gédéon exécuta les ordres divins avec l’aide de dix de ses serviteurs ; mais il le fit de nuit par crainte de ses parents et de ses compatriotes qui étaient idolâtres. Ceux-ci, irrités de cet acte qu’ils tenaient pour une profanation, en recherchèrent l’auteur et, quand ils surent que c’était Gédéon, ils voulurent le faire mourir. Mais Joas, sommé de livrer son fils, le sauva par un heureux trait d’esprit ; il répondit que Baal offensé avait à venger lui-même son honneur outragé. Comme le dieu ne le put et laissa en vie son insulteur, Gédéon reçut dès lors le surnom de Jérobaal, en hébreu Yerubba’al, « que Baal plaide (sa cause). » Jud., vi, 11-32. Si Gédéon offrit un holocauste, sans être prêtre et contrairement à la loi, ce fut par l’ordre de Dieu. Talmud de Jérusalem, traité Meghilla, i, 12, trad. Schwab, t. vi, Paris, 1883, p. 225. IL Judicature de Gédéon. — 1° Débuts. — Le sauveur d’Israël était désigné ; on attendait l’ennemi. Bientôt il passa le Jourdain et vint camper dans la vallée de Jézraêl. Le nouveau juge, , revêtu de l’esprit de Dieu, fit sonner de la trompette et convoqua d’abord sa famille, puis sa tribu, ensuite les tribus voisines d’Aser, de Zabulon et de Nephthali. Avant de se mettre en campagne, il fut encouragé par le double miracle de la toison, d’abord inondée de rosée sur la terre sèche, puis, par contre épreuve, desséchée sur la terre humide. Quelques commentateurs, saint Augustin, Qumst. in Heptat., vii, 49, t. xxxiv, col. 813 ; Rupert, De Trin., In Jud., 10, t. clxvii, col. 1036, et des théologiens, notamment saint Thomas, 2 a 2*, q. xcvii, a. 2, ad 3 am, ont pensé que dans cette circonstance Gédéon avait tenté Dieu et n’ont pas osé l’excuser de tout péché. Mais la plupart, Origène, In lib. Jud., Hom. ix, 4, t. xii, col. 983, saint Ambroise, De Spiritu Sancto, i, prol., ’6, t. xvi, col. 705, saint Isidore, Quæst. in lib. Jud., 4, n° 2, t. lxxxiii, col. 382, Raban Maur, Comment, in lib. Jud., ii, 3, t. cviii, col. 1159, ont approuvé sa conduite. Dieu, en effet, obéit à son désir et ne lui reprocha pas l’indiscrétion de sa demande. D’ailleurs, le signe était nécessaire pour les soldats dont Gédéon prenait le commandement plutôt que pour le chef lui-même. F. de Hummelauer, Comment, in lib. Judicum, Paris, 1888, p. 154-155.

— 2° Choix des combattants. — Ainsi affermi, Gédéon alla camper de nuit avec ses troupes à la fontaine d’Harad. Les Madianites étaient’dans la plaine à ses pieds. La victoire promise ne devait pas venir de la force des combattants, mais de la puissance divine. Aussi par ordre du Seigneur, l’armée qui se montait à 32 000 hommes fut finalement réduite à trois cents. Les timides, dont le courage aurait défailli à l’heure de la bataille, se retirèrent au nombre de 22 000. Une épreuve, suggérée par Dieu, diminua dans une proportion plus grande encore le chiffre des soldats intrépides. Tous ceux qui, pour désaltérer leur soif, mirent genou en terre furent exclus ; ceux qui se contentèrent de tremper leurs lèvres dans l’onde rafraîchissante furent élus et il ne s’en trouva que 300. Ce n’étaient pas les plus lâches, comme l’ont prétendu Josèphe, Ant. jud., V, vi, 4, et Théodoret, Quæst. in Jud, ., int. xvi, t. lxxx, col. 504, pour rehausser le caractère miraculeux de la victoire de Gédéon. C’étaient plutôt les plus intrépides et les plus aptes à un audacieux coup de main. D’ailleurs, leur ardeur à poursuivre les Madianites fut une preuve de leu » courage. Jud., vu ; 1-8. — 3° Gédéon au camp des Madianites. — La nuit qui suivit le renvoi des troupes, Dieu voulut fortifier encore la confiance de Gédéon et lui donner une nouvelle assurance de la victoire. Il lui or donna de pénétrer en espion avec un seul serviteur au camp des ennemis. Gédéon s’y introduisit du côté où veillaient les sentinelles, et il entendit un soldat de garde raconter à un de ses compagnons un songe dans lequel il avait vu une miche ronde de pain d’orge, cuite sous la cendre, rouler dans le camp et y renverser, une tente qu’elle avait rencontrée. Le compagnon d’armes interpréta ce songe mystérieux dans ce sens que le Seigneur avait livré l’armée madianite à l’épée de Gédéon. Encouragé par cette explication, Gédéon revint vers ses hommes et les éveilla pour le combat. Jud., vii, 9-15. — 4° Bataille et victoire.

Il les partagea aussitôt en trois

groupes. Chacun fut muni d’une trompette et d’un vase qui cachait unflambeau. Voir Cruche, t. ii, col. 1138-1139. Le chef expliqua à tous sa tactique : il voulait surprendre les ennemis endormis et jeter la panique parmi eux. Les groupes se porteront donc dans trois directions différentes, comme pour entourer le camp et le cerner. On venait de relever les postes au commencement de la seconde veille. À la faveur des ténèbres, les trois cents soldats se disposent en cordon et au signal convenu, ils sonnent tous ensemble de la trompette, brisent les pots de terre et font briller leurs torches allumées. Ils poussent en même temps, de toutes leurs forces, le cri de guerre : « Le glaive de Jéhovah et de Gédéon ! » Éveillés en sursaut, les Madianites furent saisis d’une panique indescriptible. Ils tournèrent leurs armes les uns contre les autres et s’entr’égorgèrent. Les soldats de Gédéon furent vainqueurs sans coup férir. Ceux des ennemis qui échappèrent au premier carnage s’enfuirent dans la direction du Jourdain. Ils furent poursuivis par les tribus d’Aser, de Nephthali et de Manassé. Gédéon manda aux Éphraïmites de prendre les devants et d’occuper les gués du fleuve. Ils tuèrent deux chefs madianites, Oreb et Zeb, et apportèrent leurs têtes à Gédéon. Jud., vii, 16-25. Ils se plaignirent arrogamment de n’avoir pas été appelés au combat et dans leur mécontentement, ils faillirent en venir à la violence. Gédéon les apaisa, en faisant une réponse habile à leur plainte insolente. Il amoindrit modestement son rôle et grandit Je leur. « Que pouvais-je faire, dit-il, qui égalât ce que vous avez fait ?, Le grapillage d’Éphraïm ne vaut-il pas mieux que la vendange d’Abiézer ?.Le Seigneur a livré entre vos mains les princes de Madian, Oreb et Zeb, Qu’ai-je pu faire qui approchât de ce que vous avez fait ! » Jud., viii, 1-3. M. Vigouroux, La Bible et les découverte ? modernes, 6e édit., 1896, t. iii, p. 150, place cet événement à la fin de l’expédition et trouve dans le récit uneanticipation. Les têtes des deux chefs madianites furent, en effet, portées à Gédéon sur la rive gauche du Jourdain. Jud., vii, 25. — 5° Poursuite des fugitifs. — La vaillante troupe des trois cents se lança de son côté à la poursuite des fuyards et passa le Jourdain sur les traces des deux émirs, Zébée et Salmana. Exténuée de fatigue, elle ne pouvait plus avancer. Son chef demanda aux habitants de Soccoth et de Phanuel des vivres pour Isl réconforter ; il essuya un arrogant refus et remit sa vengeance après l’expédition. Continuant sa course, il atteignit les deux chefs à Karkor où ils se reposaient avec quinze mille hommes. Les fugitifs, se croyant en sûreté, furent surpris et n’opposèrent aucune résistance. Les deux émirs furent pris et leur armée mise en déroute. Revenu du combat, Gédéon appliqua aux habitants de Soccoth et de Phanuel les châtiments dont, il les avait menacés. Il abattit la tour de Phanuel après ; avoir tué ses habitants, et il fit périr, en les roulant, dans les ronces et les épines, les soixante-dix-sept chefs, de famille de Soccoth. Voir t. ii, col. 1896. Il lui restait à Venger, sur les deux émirs prisonniers, la mort de ses. frères qui avaient été tués au mont Thabor. Il chargea de ce soin Jéther, son fils aîné. Celui-ci, qui n’était encore qu’un jeune homme, hésita à tirer son épée. Zébée et Salmana demandèrent à être frappés de la