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1905
1906
KIR MOAB


fertiles en les couvrant de pierres, obstrua les sources, coupa les arbres fruitiers, « et il ne restait, ajoute l’Écriture, que les pierres de Qîr Haréseth » (texte hébreu). C’était dans cette citadelle que le roi Mésa était venu chercher son dernier refuge. Les armées coalisées l’environnèrent (occupant les sommets des montagnes qui entourent la ville et sont à la hauteur de ses murs), et les frondeurs se mirent à battre la muraille. Elle était sans doute, comme l’indique son nom, « en briques, » peut-être séchées au soleil. Le roi de Moab, voyant que les ennemis allaient l’emporter, prit avec lui sept cents hommes et, l’épée à la main, ils se précipitèrent sur le roi d’Édom, espérant se frayer un passage à travers les bataillons iduméens et s’échapper. Ils échouèrent. Alors saisissant son fils premier-né, qui devait régner après lui, Mésa l’immola en holocauste sur le mur de la ville. Cet acte de barbarie révolta les Israélites qui levèrent aussitôt le siège et s’en retournèrent dans leur pays. II (IV) Reg., m. — C’est à ce roi Mésa qu’il faudrait attribuer l’origine de la plupart des anciens réservoirs, des citernes de la ville et des deux tunnels y donnant accès, si le Qorqa’de la stèle désignait réellement le Kérak actuel. Quoi qu’il en soit, les brèches ouvertes par la fronde des Israélites et de leurs alliés ne tardèrent pas à être fermées et cette ville, bien qu’elle ne fût pas leur capitale, continua à être l’objet de l’orgueil et de la confiance des Moabites. Aussi, lorsque les prophètes élèveront la voix contre Moab, le principal objectif de leurs menaces sera la ville Qir Moab. « Châtiment de Moab, dit Isaïe, xv, 1 : pendant la nuit, Ar Moab a été ravagée, elle a cessé : pendant la nuit Qir Moab a été ravagée, elle a cessé. » « Nous avons appris, dit ailleurs (xvi, 6, 7, 11) le même prophète, l’orgueil de Moab ; oui, il est plein d’orgueil, son arrogance, sa présomption n’ont point de mesure. Voilà pourquoi Moab poussera Moab à jeter des cris de douleurs ; tous crient de douleur sur Qir Haréseth. Gémissez, vous qui avez été frappés… Pour cela mes entrailles frémissent sur Moab comme une harpe et tout mon intérieur à cause de Qir Haréseth. » Ces mêmes menaces le prophète Jérémie les reprend en les imitant, xlviii, 31, 36 : « Je gémirai sur les habitants de Qir Hérés. C’est pourquoi mon cœur gémira sur Moab comme une flûte. Tous leurs efforts réunis périront. » L’histoire ne dit pas explicitement quand Qir Moab subit les malheurs annoncés par ces prophètes ; mais elle ne dut pas échapper aux coups des soldats de l’Assyrie, quand, après avoir envahi la Syrie et la Damascène, ils reçurent l’ordre « de faire périr par l’èpée tous les habitants de Moab et d’Ammon ». Judith (grec), i, 12. Ce fut probablement dans le cours de la 3e campagne du roi Assurbanipal (vers 646), contre les pays de l’Arabie, de Moab, d’Ammon et de Nabathée, dont font mention les Annales de ce prince. Voir F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., 1896, t. iv, 119-122. — En dehors du récit de II (IV) Reg. et des prophéties d’Isaie et de Jérémie, Kir Moab n’est plus mentionnée dans la Bible, à moins que la Characa où vint Judas Machabée pour assister les Juifs Tubinéens, ne soit la Characa de Moab. — Elle tient toutefois une place importante dans les récits de l’histoire prolane. — À l’époque de la domination des Grecs, Characa était une ville considérable de l’Arabie Pétrée. Ptolémée, Géographie, v, 17. Au temps du triomphe du christianisme, Characmoba était devenu le siège d’un^évêché dépendant de Pétra et son évêque Démétrius prit part au concile de Jérusalem de 536. Labbe, Conciles, t. v, p. 284 ; Lequien, Oriens christianus, t. III, p. 720-734. Cf. Reland, PaUestina, Utrecht, 1774, p. 212, 215, 217, 223. L’histoire nomme encore comme évêque « de l’illustre et glorieuse Charachmoba », Jean, disciple de saint Etienne le Sabaïte, célèbre par sa sainteté et ses miracles. Acta Sanctornm, Vita X.Stephani Seboïtse, thaum., 12 juil., cdit. Palmé, julii t iii, p. 518-522. La carte mosaïque

de Madaba, qui nous offre une image de la ville de cette période (fig. 321), la représente grande, avec des églises et d’autres monuments, des colonnades et des portiques.

321. — Fragment de la mosaïque de Madaba, figurant une vue de Kir Moab.

A l’arrivée des Croisés, le Kérak était presque ruiné et abandonné de ses habitants. La citadelle fut rebâtie, en 1136, dans toute sa splendeur, par Payen, échanson du roi Foulque. Une multitude d’habitants nouveaux vinrent se mettre à l’abri du puissant château et repeuplèrent l’ancienne ville. Le Kérak devint la capitale de la Transjordane et l’un des principaux boulevards de la Terre-Sainte contre les musulmans. Il fut érigé en archevêché latin à la place de Rabbath (Amman) l’ancienne capitale des Ammonites, sous le nom d’archevêché de la Pierre du Désert. Voir Assises de Jérusalem, édit. Beugnot, Paris, 1841, t. i, p. 415. Après la mort sanglante de son dernier prince, Renaud de Châtillon, à Hattin, le 4 juillet 1187, la ville, gouvernée par la veuve de Renaud, résista deux ans encore aux efforts de Saladin et ne se rendit que contrainte par la famine. Guillaume de Tyr, Histona rerum transmarin., t. XV, c. xxi, t. CCI, col. 633 ; t. XX, c. xxviii, col. 808 ; t. XXII, c. v, col. 851 ; c. xxviii, col. 885-886 ; t. XXIII, c. xx, col. 922. Le Kérak entre les mains des musulmans continua à prospérer jusqu’au temps des Turcs (1417). Il tomba alors dans l’oubli. En 1832, sa population se révolta contre la domination d’Ibrahim pacha qui ne put alors s’en rendre maître. Il revint assiéger la ville en 1840, parvint à la prendre, la saccagea et détruisit une partie de ses remparts. Depuis cette époque, le Kérak, ainsi que toute la région, s’était soustrait au joug des Turcs, mais pour tomber sous le régime de l’anarchie la plus complète. Pendant cette période le Kérak fut visité par plusieurs explorateurs européens, mais non sans des difficultés de tout genre et sans de graves dangers. Enfin un corps d’armée turque l’ayant cerné et ayant feint d’en commencer le bombardement, la population céda, mit bas les armes et les Turcs en prirent possession le 24 novembre 1893. Le Kérak fut érigé en mutzarifiéh (préfecture), dépendant du uâlayieh (province) de Damas. Le sandjak du Kérak embrasse dans son rayon tonte la région transjordanienne et le pays à l’est de la mer Morte, depuis la rivière deZerqâ, l’ancien Jaboc, jusqu’au golfe d’Aqâbah, c’est-à-dire tout le territoire des anciennes tribus de Gad et de Ruben.tout le pays de Moab et l’Idumée orientale.