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    1. MARIE##

MARIE, MÈRE DE DIEU

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D’autre part, elle ne pouvait se refuser aux fiançailles sans se singulariser grandement, dans un pays où toute jeune fille aspirait au mariage comme à l’accomplissement d’un devoir. Il est donc à présumer que Marie avait agréé personnellement le choix qui avait été fait de son fiancé, et que d’autre part elle le connaissait assez pour avoir l’assurance que, prévenu ou non, il respecterait la promesse qu’elle avait faite à Dieu. Tout s’accomplit comme elle l’avait souhaité. Voir t. H, col. 2231.

ri. l’annonciation. — 1° Quand Marie, fiancée à Joseph, reçut la visite de l’ange, elle ne partageait pas encore la demeure de son futur époux, ce qui n’avait lieu qu’après la célébration publique du mariage. L’Évangile dit qu’elle résidait alors à Nazareth. Luc, i, 26. Elle avait donc quitté Jérusalem, soit que ses parents fussent morts, soit qu’elle voulût se rapprocher de son fiancé. Le voyage de Marie à Bethléhem, à l’époque du recensement, permet de supposer qu’elle était alors devenue héritière et par conséquent orpheline. Cependant cette conclusion n’est pas rigoureuse, parce que d’autres motifs, et même le simple désir de ne pas quitter son époux si tôt après la célébration du mariage, pouvaient déterminer Marie à se mettre en route. L’ange qui vint trouver la Sainte Vierge à Nazareth était Gabriel. Voir Gabriel, t. iii, col. 22. Quand il eut rempli son message, Marie se soumit à la volonté divine et le mystère de l’Incarnation s’accomplit. Voir Annonciation, t. i, col. 649-654. — À raison de son caractère évangélique, le souvenir de l’annonciation a été célébré de bonne heure dans l’Église, quoique à des dates différentes. Dès le milieu du ve siècle, saint Proclus, à Constantinople, Orat., i, t. lxv, col. 679, et saint Pierre Chrysologue, à Ravenne, Serm., cxl, clxii, t. lii, col. 575, 579, font mention d’une fête de dévotion ayant pour objet ce mystère.

vu. la Visitation. — 1° L’ange avait averti Marie que sa parente Elisabeth, bien qu’avancée en âge et réputée stérile, avait été favorisée d’une bénédiction inespérée et en était à son sixième mois. Luc, I, 36. Voir Elisabeth, t. ii, col. 1689. « En ces jours-là, » c’est-à-dire dans les jours de son annonciation, peu de temps après la visite de l’ange, Marie partit avec empressement pour aller visiter sa cousine, « sans incrédulité sur l’oracle de l’ange, sans hésitation à croire la nouvelle, sans aucun doute sur la réalité de l’exemple, mais joyeuse de sa résolution, ne songeant qu’à remplir un pieux devoir et empressée à faire plaisir. » S. Ambroise, Expos. Evang. sec. Lue., ii, 19, t. xv, col. 1560. Elle partit donc ; mais l’Évangéliste ne dit pas dans quelles conditions. Elle ne pouvait guère se dispenser de faire part à son fiancé de son projet de voyage et au moins de quelques-unes des raisons qui lui inspiraient sa résolution. Joseph ]’accompagna-t-il ? On ne saurait le dire. Le voyage de ce dernier était naturel si l’on se trouvait alors à l’époque de la Pàque ou de quelque grande fête juive. Mais l’Évangéliste garde le silence à ce sujet et l’on en est réduit aux conjectures. Toutefois l’on ne peut supposer l’absence de saint Joseph en se basant sur ce seul fait qu’il continua à ignorer ce que Dieu avait accompli en Marie. Les paroles d’Elisabeth, Luc, I, 43, ont pu n’être pas entendues par lui ou n’être pas assez claires pour le renseigner sur ce qui s’était paisse en sa fiancée. Cf. Goleridge, La vie de votre vie, Jrad. Petit, Paris, 1888, t. ii, p. 162. En tous cas, Dieu qui avait fait connaître à sainte Elisabeth la mystérieuse maternité de Marie se réservait de la révéler à son heure à saint Joseph.

2° Quand elle fut arrivée à la ville où demeurait Zacharie, voir Jeta, t. iii, col. 1518, Marie entra dans la maison de ce dernier et salua Elisabeth. L’enfant que celle-ci avait dans son sein tressaillit de joie à la voix de la Sainte Vierge, qui portait en elle le Verbe incarné. En même temps, Elisabeth fut remplie de l’Esprit-Saint.

Par sa présence, le Fils de Dieu sanctifiait ainsi en même temps l’enfant qui devait être son précurseur et la mère de cet enfant. Cf. S. Augustin, Epist., clxxxvii, ad Dardan. , VU, 23, 24, t. xxxiii, col. 840. « L’enfant tressaillit, la mère tut remplie ; mais elle ne le fut pas avant son fils : quand le fils eut été rempli de PEsprit-Saint, il en remplit sa mère. d S. Ambroise, Expos. Evang. sec. Luc, n, 23, t. xv, col. 1561. Sous l’inspiration de ce divin Esprit, Elisabeth s’adressa à haute voix à Marie et lui dit : « Tu es bienheureuse entre les femmes et béni est le fruit de ton sein. Et d’où me vient que la mère de mon Seigneur me visite ? Car dès que la voix de ta salutation est arrivée à mes oreilles, l’enfant a tressailli de joie dans mon sein. Heureuse es-tu d’avoir cru, car ce qui t’a été dit par le Seigneur s’accomplira. » Luc, i, 39-45. Il est à remarquer qu’Elisabeth reprend une partie des paroles de l’ange Gabriel, Luc., i, 28, ce qui indique que les deux personnages parlent en vertu de la même inspiration. L’Esprit de Dieu continue ses révélations à Marie par l’organe de sa parente, et à celle qui s’est déclarée la servante docile du Seigneur il fait donner l’assurance que, à cause de sa foi, tout ce que l’ange lui a annoncé s’accomplira. Marie prit la parole, non pour répondre à Elisabeth, mais pour adresser ses hommages et ses actions de grâces à Dieu, l’auteur de tant de merveilles accomplies en elle et en sa parente. Luc, i, 39-46.

3° La Sainte Vierge resta environ trois mois dans la demeure d’Elisabeth. Luc, i, 56. Pourquoi cette mention du temps que dura le séjour de Marie, sinon pour insinuer discrètement qu’elle assista à la naissance du Précurseur ? Cf. S. Ambroise, Expos. Evang. sec. Luc., _ n, 29, 30, t. xv, col. 1562, 1563. Il ne sera plus question d’elle dans le récit de cette naissance ; mais il est dans les habitudes de saint Luc d’épuiser tout ce qui concerne un fait ou un personnage, avant de passer à un autre. Cf. Lesêtre, La méthode historique de S. Luc, dans la Revue biblique, 1892, p. 179-182. Un certain nombre d’auteurs pensent cependant que Marie n’assista pas à la naissance de saint Jean-Baptiste.

4° La Visitation de la Sainte Vierge, à raison même de la place qu’elle occupe dans le récit évangélique, n& pouvait manquer d’être célébrée par une fête. Celle-ci n’apparaît cependant qu’au xin « siècle, sous l’influence franciscaine. Pendant le grand schisme, elle fut instituée officiellement, en 1389, par Urbain VI et Boniface IX, et en 1441, le concile de Bàle, dans sa xliii" session, statua qu’elle serait célébrée le 2 juillet. Cette date rattache la fête à celle de saint Jean-Baptiste, dont elle suit immédiatement l’octave. Cf. Kellner, Heortologie, p. 156.

VIII. LE MAGNIFICAT. — 1° Après qu’Elisabeth eut félicité sa parente, sîjtsv Mapiâ[i, ait Maria, dit saint Luc, i, 46. Trois anciens manuscrits occidentaux, le Vercellensis, le Veronensis et le Rhedigerianus lisent la variante : ait Elisabeth. Le manuscrit Vatic. du De psalmodiée bono de Nicétas, t. lxviii, col. 373, présente aussi, dans une énumération des cantiques liturgiques, la mention suivante : cum Helisabeth Bominum anima nostra magnificat. Cf. G. Morin, dans la Revue biblique, 1897, p. 286, 287. Mais le nombre infime des manuscrits portant cette variante ne saurait contrebalancer un instant l’autorité de tous les autres et celle des Pères, qui sont unanimes à lire le texte actuel. D’ailleurs, après les humbles paroles prononcées par Elisabeth dans la salutation à Marie, la formule : Et ait Elisabeth : Magnificat, est aussi anormale que la formule : Et ait Maria est naturelle et justifiée par la suite du cantique. On a voulu voir à tort une preuve de l’existence de la variante dans Origène, Hom. ru in Luc., t. xiii, col. 1817. Cf. A. Durand, L’origine du Magnificat, dans la Revue biblique, 1898, p. 74-77 ; Lepin, Le Magnificat doit-il être attribué à Marie ou à Elisabeth ? Lyon, 1902. —