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PSAUMES (LIVRE DES)


Pour saisir le sens de ces Psaumes messianiques, il faut évidemment les préciser par les textes prophétiques parallèles : les Psaumes n’ont pas de cadre historique, et trop souvent le titre ne nous fournit presque aucune lumière : c’est alors l’analogie des Écritures, et l’ensemble de la révélation messianique qui doivent servir de guide et de lumière : toutes les pensées d’Israël, tous les battements de son cœur ont leur répercussion dans le Psautier, de même que ses épreuves et ses triomphes, en un mot toute son histoire, sa religion, sa morale, ses croyances de tout ordre : naturellement aussi ses espérances et les grandes annonces des prophètes doivent y trouver leur écho ; il est donc très logique d’éclaircir les uns par les autres ; et quand les titres des Psaumes ne sont pas suffisamment clairs, ou indiscutablement datés, comme c’est souvent le cas, les textes correspondants des prophètes nous donnent un commentaire à la fois littéraire, chronologique et exégétique sur lequel on peut s’appuyer en tonte sécurité. On ne peut nier le caractère messianique des Psaumes que si l’on nie également l’existence de toute prophétie messianique dans la Bible. Cependant il faut bien se garder de traiter comme vraiment messianiques certains passages détachés ordinairement de leur contexte et expliqués indépendamment du reste du Psaume : ce sont alors des accommodations plus ou moins ingénieuses, mais qui n’ont pas de valeur rigoureusement exégétique ou théologique. Quelques Pères de l’Église, pour l’instruction des fidèles, ont appliqué à Notre-Seigneur la plupart des Psaumes, comme on le voit dans le commentaire de saint Augustin ; saint Jean Chrysostome, bien que plus attaché au sens littéral, le fait aussi quelquefois et cherche même à s’en justifier par le style général des prophéties. In Psalm. cxvii, t. iv, col. 336.

Les Pères ne faisaient en cela que suivre l’usage des Juifs qui avaient alors coutume d’appliquer à la venue du Messie bien des textes qui n’ont pas d’application directe à Jésus-Christ, mais dont on pouvait se servir à leur égard comme d’arguments ad hominem ou comme moyen d’édifier les chrétiens.

X. Texte des Psaumes.

Texte hébreu.

Tel que nous le connaissons par l’hébreu actuel et les versions anciennes, le texte des Psaumes n’est pas toujours correct : les versions ou de simples conjectures permettent de le corriger en certains endroits, mais le plus grand nombre des altérations échappe à toute retouche. Comme plus ancien témoin du texte, nous avons la traduction grecque dite des Septante, deux siècles environ avant Jésus-Christ ; nous avons au iie siècle les versions grecques citées dans les Héxaples d’Origène, principalement Aquila, Théodotion et Symmaque, malheureusement nous n’en possédons que quelques fragments ; enfin vers le commencement du ve siècle, nous trouvons la traduction de saint Jérôme adressée ad Sophronium ou Psautier secundum veritateni hebraicam. Quant au texte hébreu actuel dit massorétique, il se présente à nous avec fort peu de variantes, mais il bénéficie d’une unité factice, les éditeurs juifs ayant supprimé impitoyablement toutes les divergences des manuscrits. On peut ajouter à cette liste les citations dû psautier dans le Nouveau Testament ; seulement la plupart sont faites non d’après l’hébreu mais d’après les Septante, et très souvent sans l’exactitude verbale absolue que réclamerait la critique ; enfin la version syriaque, faite sur le texte hébreu mais avec des leçons ou des retouches dans le sens des Septante, et dont l’origine est incertaine ; les Targum et le Talmud ont peu aidé la critique textuelle.

On peut constater que le texte dont saint Jérôme s’est servi pour sa traduction était substantiellement identique au nôtre, bien qu’il offrit quelques divergences accidentelles : par exemple Ps. cx (cix), 3, au lieu du tecum principium des Septante et de la Vulgate, il traduit populi tui spontanei, ce qui correspond à l’hébreu actuel ’ammekâ nedâbôṭ dont il a lu le premier mot ’ammêyka, le pluriel pour le singulier : au lieu de haderêy, in splendoribus, de l’hébreu et des versions, il a lu harerêy, in montibus ; avant ex utero il intercale ke, quasi (de vulva) ; au lieu de mišḥar, aurora, lucifer, il lit izraḥ, orietur ; pour le reste il le lit comme l’hébreu actuel, de sorte qu’il traduit tout le verset ; populi tui spontanei erunt in die fortitudinis tuas in montions sanctis : quasi de vulva orietur tibi ros adolescentiæ tuæ, conformément à l’hébreu actuel, au lieu de la traduction des Septante et de la Vulgate : Tecum principium in die virtutis tuæ in splendoribus sanctorum, ex utero ante luciferum genui te ; Ps. iv, 3, au lieu de usquequo gravi corde, utquid (diligitis vanitatem), il lit à peu près comme notre texte hébreu : Usquequo inclyti mei ignominiose, avec la légère différence de kebôdî pour kabedaï ; Ps. xi (x), 1, il lit contre l’hébreu et suivant les Septante et la Vulgate : (Transmigra in) montent ut (avis),

har kemô ṣippôr pour harkém ṣippôr ; Ps. xvi

(xv), 10 : (Non dabis) sanctum muni (videre corruptioneni), ce qui paraît du reste la leçon primitive de l’hébreu que les massorètes n’ont pas rejeté totalement, au lieu de sanctos tuos, En cours hasidka pour fyasidêka ; Ps. xix-xviii, 14, il lit avec l’hébreu, mizzedim, a superbis au lieu de ab alienis, mizzarim des Septante et de la Vulgate ; Ps. xxir (xxi), 17, il lit fixerunt ou vinxerunt (pedes meos et manus meas) au lieu de fodientes (pedes meos), ka’arû pour ka’arê ou ka’ari, sicut leo ; xxix (xxvrn), 6, il lit avec l’hébreu Sariun, le mont Sirion, au lieu de yesûrûn, dilectum des Septante et de la Vulgate ; xux (xlviii), 13, il lit avec l’hébreu Un, commorabilur, contre les Septante et la Vulgate bîn, inlellexit, etc. De même pour les séparations et les titres des Psaumes, S. Jérôme confirme l’hébreu massorétique ; par exemple xliii (xlii) il omet avec raison l’attribution psalmus David puisque c’est une strophe séparée du Psaume précédent. des Fils de Coré : dans le Cod. Amiatinus on trouve même rétablie la suscription filiis Chore ; de même encore contre les Septante et la Vulgate, et en suivant l’hébreu il supprime au cxxxvii (cxxxvi), le Super flumina Babylonis le litre étrange Psalmus David, Jeremise. On doit donc conclure que depuis saint Jérôme le texte des Psaumes n’a guère subi d’altération.

La même conclusion s’impose quand on compare l’hébreu actuel avec les traducteurs grecs du ne siècle cités dans les Héxaples d’Origène : par exemple IV, 3, ils lisent contre les Septante et la Vulgate et avec saint Jérôme et l’hébreu massorétique, ot é’v80 ?oi’[aou ou ^ Sôia |iov ; iv, 8, âm> xaspoû, a tempore, pour a fructu (frumentx) ; xi-x, l, ilslisentcependant avec les Septante, la Vulgate et saint Jérôme (transmigra in monlem), à ; iteTstvôv, ut avis, la leçon massorétique étant une faute évidente ; xix (xviii), 14, ànô tû>v ûitepintpâviùv, a superbis avec saint Jérôme et le texte actuel ; xxix (xxviu), 6. EEptwv ou Sapiciv, le mont Sirion, au lieu de dilectum (quemadmodum’filins unicornium), etc. Voir Field, Origenis Uexapl., 1875, t. ii, p. 90, 91, 102, 115, 129 : cx(cix), 3, ex utero aurorse, aoi Spôao ; iraifisÔTijTÔ ; ctou ou 7) veotïi ; oou, tibi ros juventutis tuse au lieu de rcpo êiù<7<p6pou iyéwriaâ at, ex utero ante luciferum genui te des Septante et de la Vulgate. lbid., p. 266. En somme les traductions du IIe siècle sont presque toujours favorables au texte massorétique : du reste on sait que saint Jérôme, qui lui est favorable également, n’a guère fait que suivre presque partout Aquila, le premier de ces traducteurs, à qui il ne trouve à reprocher que sa littéralité exagérée et son manque de goût. On peut dire d’une façon générale que le Psautier hébreu était au temps de Notre-Seigneur sensiblement ce qu’il est aujourd’hui. Quant au Nouveau Testament, la plupart de