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DICTIONNAIRE


DE LA LANGUE FRANÇAISE


DU


SEIZIÈME SIÈCLE


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A


A. Marqué à l’A. De la meilleure qualité. — Quant à ce proverbe, il est des bons, il est marqué à l’A, il sent plus son menu peuple que les autres : il est toutesfois fondé sur quelque raison, ou pour le moins apparence de raison. Car la monnoye faicte à Paris est marquee d’un A… et on ha opinion qu’elle soit la meilleure laquelle opinion vient de ce qu’on pense qu’il y ait plus d’esclaireurs. H. Estienne, Precellence, 147. — J’ay ouy dire maintesfois qu’un homme est marqué à l’A, quand on le veut qualifier très-homme de bien, et, si je sçavois bien que cela estoit emprunté des monnoyes mais parce que Henry Estienne en son livre de la Precellence de la langue Françoise en a fait estat, je ne seray marry d’en faire icy mention. En toutes les villes esquelles il est permis de forger monnoyes, on les marque par l’ordre abecedaire selon leurs primautez, afin que si elles se trouvent trop faibles d’alloy, ou de poids, on se puisse addresser contre les Maistres des monnoyes des lieux. Paris, pour estre la Metropolitaine de France, est la premiere, et pour cette cause la monnoye que l’on y forge est marrée à l’A. Et d’autant que les Monnoyeurs de ce lieu-là peuvent estre enduirez de plus prés par les Generaux des Monnoyes, qui y resident, on y a tousjours fait monnoye de meilleur alloy et poids qu’en autres villes. Qui a donné cours à cest adage. E. Pasquier, Recherches, VIII, 23.

A, préposition. — A s’emploie souvent d’une façon qui s’écarte de l’usage actuel devant certains mots indiquant le temps. — Apres devisoient des leçons leues au matin. Rabelais, I, 23. — Consideroient l’estat du ciel, si tel estoit comme l’avoient noté au soir preeedent. id., ib. — Ung Berger, ramenant au soir ses brebis, le trouva assis parmy les pierres. Marg. de Nav., Heptam., Prol. — Vous… nous lirez au matin de la vie que tenoit nostre Seigneur Jésus Christ. Ead., ib. — Le jour s’esteint au soir, et au matin reluit. Du Bellay, Regrets, 53. — M’esveillant au matin, devant que faire rien J’invoque l’Eternel. Ronsard, Resp. à quelque Ministre (V, 411). — J’ay faict à ce matin, depuis l’aube sonnée. Par le chant de noz coqs, un manche à ma coignée. J. Béreau, Eglogues, 3. — Ou comme l’on voit luire au soir le beau visage De Vesper la Cyprine. Ronsard, Hymne de l’Or (IV, 345). — Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle. id., Sonnets pour Helene, II, 43 (I, 316). — Au lendemain… prindrent chemin Gargantua, son precepteur Ponocrates et ses gens. Rabelais, I, 16. — Caracalia à l’une foys occist les Alexandrins : à l’autre desfit la compaignie de Artaban. id., IV, 36.

A s’emploie dans le sens de pour devant un mot indiquant le but : verbe à l’infinitif, nom ou pronom. — A quoy prouver je vous pourrois renvoyer au livre de Laurens Valle contre Bartole. Rabelais, I, 10. — Nostre ame qui est fort nee à aimer, son affection, estant departie en plusieurs, s’en affoiblit et revient presques à neant. Amyot, Pluralité d’amis, 2. — Nous sommes nais à quester la verité. Montaigne, III, 8 (IV, 18). — N’ayant pas de quoy à se faire enterrer. Brantôme, Cap. estr., Pedro de Toledo (II, 25). — L’insolente main Qui s’estendoit naguere à mandier du pain. Aubigné, Tragiques, I (IV, 36). — Animant… né à paix, non à guerre : animant né à jouissance mirificque de tous fruictz et plantes vegetables, animant né à domination pacifique sus toutes bectes. Rabelais, III, 8. — Ne vois-tu que le jour se passe ? Je ne vy point au lendemain. Ronsard, Odes, II, 10. — Cest animal n’estoit pas nay à un tel service. Montaigne, III, 8 (IV, 29). — J’escris mon livre à peu d’hommes et à peu d’années. id., III, 9 (IV, 94). — Une troupe d’amoureux qui la recherchoyent à mariage. Jean de Champ-Repus, Ulysse, Argument. — Pour autant que leur qualité naturelle est ilz font ce à quoy ilz sont nez, et non pas ce qu’ilz veulent. Amyot, Hist. Ætiop., III (36 rº). — Je ne me pais de l’aure populaire… J’escry à ceux, ceux dy-je, qui vous semblent, Car des sçavans on a la vraye estime. Fourcadel, Œuv. poet., p. 142. Qui ne vit aucunement à autruy, ne vit guere à soy. Montaigne, III, 10 (IV, 126.). — A quoy me


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