Page:Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines - Daremberg - IV 2.djvu/304

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
SAT
SAT
— 1102 —

D’après un travail récent[1], le fameux torse du Belvédère[2] serait un Marsyas assis, en joute avec Apollon. Marsyas est aussi figuré comme simple auditeur des essais musicaux de la déesse[3].

À Rome, outre un tableau de Zeuxis, représentant le châtiment de Marsyas et dédié au temple de la Concorde[4], une statue de Marsyas était placée sur le Forum et jouissait d’une grande popularité[5] ; on en érigea des copies sur les places des villes de province qui avaient le droit italique[6] [colonia, fig. 1726 ; forum, fig. 3261, 3263].

Olympos est l’élève favori de Marsyas[7] (fig. 6140). Comme les disciples de Socrate, il assiste à la mort de son maître[8]. Il intercède et supplie Apollon d’adoucir la sentence[9]. Polygnote l’avait placé auprès de Marsyas dans son tableau de la Nekya, à Delphes[10]. Les fresques de Pompéi s’en sont inspirées plus d’une fois[11]. On nommait autrefois « Olympos et Pan » ces groupes de marbre qui représentent le dieu chèvre-pieds lutinant un Satyre adolescent[12]. C’est une confusion dont Pline semble s’être rendu coupable le premier[13].

Georges Nicole.
  1. Jahresheft des öster. Inst. 1907, p. 31 sq. (Hadaczek) ; cf. Sauer, Torso im Belvedere.
  2. Brunn-Bruckmann. Denkäml, no 240. Cf. des vases représentant Marsyas assis dans sa joute, avec Apollon, Overbeck, Atlas der Kunstmythologie, pl. xxiv, fig. 18-22, 24-26 ; pl. xxv, fig. 1-3 ; Villa du Pape Jules, nos 6473 et 6476.
  3. Ann. d. Inst. 1879. pl. B.
  4. Plin. H. n. XXXV, 36.
  5. Thédenat, Forum romain, p. 134.
  6. Bœswiswald et Cagnat, Timgad, p. 63.
  7. Plut. De musica 7 ; Roscher, Lexikon der Mythologie, III, p. 860 sq. Notre figure 6139, d’après Mon. d. inst. II, pl. xxxvii, cf. Roscher, O. c. fig. p. 862.
  8. Ovid. Métam. VI, 393.
  9. Müller-Wieseler, Denmäl. II, XLI, 491 ; Helbig, Führer, II, nos 1115 ; Duruy, Hist. des Grecs, p. 610.
  10. Pausan. X, 30, 9.
  11. Helbig, Wandgemälde, 226-229.
  12. Clarac. Mus. de sculpt. 716 B, 726 B et C.
  13. Plin. H. n. XXXVI, 29 ; cf. Stephani, Compte rendu, 1862, p. 97 sq.

Bibliographie. Quaranta, La mythologia di Silene, Naples, 1828 ; Otfr. Müller, Handbuch der Archaeologie, 1835, § 385 sq. ; Wieseler, das Satyrspiel, 1848 = Göttinger Studien, 1847 ; Welcker, Nachtrag zur Aeschyleischen Trilogie, 1824 ; Stephani, Compte rendu, 1869, p. 20 et 1874, 66 sq. ; Wieseler, Commentatio. de Pane et Paniscis atque Satyris cornutis, Progr. Göttingue, 1875 ; Mannhardt, Antike Waldund Feldkulte, 1877, 136 sq. ; Annali dell’ Instituto, 1877, 184 sq. (Furtwängler) ; Furtwängler, Der Satyr aus Pergamon, 40 Berliner Winckelmanns progr. 1880 ; Heydemann, Dionysos Geburt und Kindheit, 10e Hallisches Winckelmanns programm, 1885, 40 sq. ; Wieseler Weibliche Satyrn und Pane in der Kunst, Nachrichten des Gesell. der Wiss.-Göttinger, 1890 ; Bulle, Die Silene in der archaischen Kunst, 1893 ; Reisch, Festschrift fur Gomperz, 1893, 458 sq. ; Loeschcke, Athen. Mitth. 1894, 518 sq. : Bull. corresp. hell. 1895, 229, Le Satyre buveur (Pottier) ; Bethe, Prolegomena zur Geschichte des Theaters, 1896, 339 sq. : Hartwig, Röm. Mitth. 1887, 290 sq. ; Robert, Der müde Silen, 23 Hallisches Winckelmanns pr. 1899 ; Amelung, Satyr’s Ritt durch die Wellen (Strena Helbigiana, 1898) ; Furtwängler, Die antiken Gemmen, 1900, voir l’index ; Dieterich, Pulcinella, 1897, p. 56 sq. : Roscher, Lexikon der myth. III, 1407 sq. (pan Wernieke) ; Hermès, 1897, 302 sq. ; Wilamowitz, Griechische Tragödien, III, 1906 ; Préface du Cyclope d’Euripide ; Gruppe, Griech. Mythologie und Religionswiss. 1906. 1387 sq. ; Klein, Geschichte der griechischen Kunst, III (1908). Die Satyrbildungen der neuen Zeit. Pour Marsyas : La bibliographie ancienne dans Minervini, Monum. di Barone, p. 75 sq. ; Annali dell’ Inst. 1858, p. 298 sq. ; Jahn. Berichte der Sächs. Gesell. 1869, p. 15 ; Arch. Zeit. 1809, p. 41. pl.  xvii et xviii ; Michaelis, Anuali d. Inst. XXX, p. 325 sq., 340 sq. ; Roscher, Lexikon des Mythol. s. v. Marsyas et Olympos ; Overbeck, Griechische Kunstmythol. 3e partie, 5e livre, p. 420-482 ; Gauckler, Monuments Piot, II, p. 81 sq. ; Kerbaker, Marsia. Naples, 1898 ; Jahreshefte des. öster. Instituts, 1907, p. 312 sq. Je dois des remerciements très vifs à M. G. Darier qui a bien voulu réunir pour moi un grand nombre de références.

SATYRICUM DRAMA (Σατυρικὸν δρᾶμα, σατυρικόν, σάτυροι[1]). — On a dit à l’article dithyrambus comment la tragédie grecque était issue du dithyrambe. C’est de la tragédie primitive que s’est, à son tour, dégagé le drame satyrique [tragoedia]. Les érudits de l’antiquité rattachaient la naissance de ce genre à une circonstance précise. On racontait que, se trouvant à l’étroit dans le cycle légendaire de Dionysos, les poètes tragiques des premiers temps s’étaient permis de prendre pour sujets des fables empruntées à d’autres cycles. Dans de telles pièces, il va de soi que le chœur traditionnel des Satyres dionysiaques n’avait plus de raison d’être et devait faire place à un chœur approprié de soldats, serviteurs, vieillards, etc.). Mais cette innovation ne fut pas accueillie sans protestations. « Cela n’a point de rapport avec Dionysos » (οὐδὲν πρὸς τὸν Διόσυσον)[2], murmuraient les dévots : par là, ils entendaient qu’on frustrait le dieu d’un hommage rituel, auquel il avait droit. Pour donner satisfaction à ce pieux scrupule, il fut entendu que désormais, dans toute représentation tragique, on verrait paraître, à la suite des chœurs héroïques nouveaux, le chœur antique des Satyres. Ainsi serait né le drame satyrique. De cette anecdote qui, manifestement, simplifie, outre mesure, une évolution longue et complexe, ce qu’il faut sans doute retenir, c’est que la constitution du drame satyrique en genre distinct fut le résultat d’un compromis entre le développement naturel de la tragédie et le conservatisme religieux du public grec.

Quoi qu’il en soit, c’est du dithyrambe que le drame des satyres lient son caractère essentiel, le mélange de l’héroïque et du comique. Dans le dithyrambe, en effet, les deux éléments déjà existaient côte à côte. Rien de plus pathétique que les chants exaltés du chœur, évoquant à larges traits les épreuves et la passion de Dionysos. Mais quoi de plus incongru, à l’occasion, que les faits et dits des Satyres, ou hommes-boucs [satyri] ? La tragédie commençante hérita de cette double nature. On en trouverait, au besoin, la preuve dans plusieurs fragments tragiques d’Eschyle, dont le contenu très réaliste nous étonne[3]. Mais le goût des Hellènes était trop épris des distinctions précises et tranchées pour ne point tendre, de très bonne heure, à une forme épurée de la tragédie d’où l’élément bouffon serait banni. Du jour où le drame satyrique se fut constitué en un genre indépendant, la tragédie put enfin réaliser librement cet idéal[4]. Mais il était naturel, en revanche, que le drame satyrique conservât l’exubérante gaieté, qui n’était pas seulement un rite dionysiaque, mais qui, en face de la tragédie épurée, constituait son individualité propre et son droit à l’existence. C’est ainsi que, par l’évolution naturelle du genre, non par la volonté des poètes, qui, au contraire, ont, de plus d’une façon, tenté de se soustraire à cette obligation gênante, le mélange de l’héroïque et du bouffon est devenu la loi du drame satyrique. On ne sait rien de précis sur l’histoire du drame satyrique avant l’institution des concours de tragédies à Athènes. Ce que l’on peut conjecturer, c’est que ceux-ci, à l’origine, ne firent que codifier et ériger en règlement l’usage antérieur. Or, aussi haut que nous puissions remonter dans l’histoire des concours athéniens, nous trouvons que le nombre des poètes concurrents y est fixé à trois, chacun d’eux présentant une tétralogie, c’est-à-dire un groupe formé de trois tragédies, plus un drame satyrique qui termine le spectacle[5]. Mais le lien de ce divertissement satyrique avec les drames précédents s’est de plus en plus relâché. Rappelons, en effet, que, dès le ve siècle, on distingue deux sortes de tétralogie[6]. La plus ancienne est la tétralogie liée, où les quatre drames sont le développement d’une même légende. Tels sont les groupes suivants d’Eschyle : une Oedipodie, jouée

  1. Dion. Hal. Rhet. 3, 6 ; Xen. Conv. 4, 19 ; Aristoph. Thesm. 157.
  2. Suidas, s. v. ; Zenob. V, 40.
  3. Voir par ex. Nauck, Tragic. graec. fragm. 2e édit. frag. 275 ; cf. Choeph. 752 sq.
  4. Aristot. Poetic. 4, p. 1449 a.
  5. Suid. s. v. Πρατίνας : Argum. Aeschyl. Sept., Agam. ; Argum. Eurip. Med., Hippol. ; Schol. Aristoph. Thesm. 135.
  6. Maurice Croiset, De la tétralogie dans l’hist. de la trag. gr. (Rev. des ét. grecq. I, p. 369).