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assez tard lorsqu’il s’agissait d’inscriptions en une seule ligne, même après que de nouveaux alphabets, composés d’un plus ou moins grand nombre de signes, eurent succédé chez les différents peuples de la race hellénique au premier caractère cadméen, leur source commune. Les inscriptions de Théra nous offrent de nombreux exemples de ce genre, non-seulement des textes ne se composant que d’une seule ligne, mais même un texte qui fournit encore plus complètement la reproduction des habitudes graphiques phéniciennes, une inscription en deux lignes, toutes deux procédant de droite à gauche.

Il est impossible, dans l’état actuel de la science, d’indiquer, même d’une manière conjecturale, à quelle époque cette direction de l’écriture, purement et simplement empruntée aux Phéniciens, a commencé à être modifiée. Mais on peut indiquer avec assez de certitude par quels degrés successifs s’est opéré le changement dans le sens de l’écriture. L’habitude d’accompagner dans les représentations de l’art les figures des personnages de leur nom écrit à côté, habitude presque constante chez les Grecs des plus anciennes époques, et dont certains vases peints, quelques bas-reliefs, enfin, dans les textes, la description que donne Pausanias du coffre de Cypsélus, nous ont conservé la trace, amena de très-bonne heure à disposer ces légendes explicatives, non pas seulement en lignes droites et horizontales, mais en lignes flexueuses entourant la figure. Telle était la disposition des inscriptions sur le coffre de Cypsélus. Cette disposition, dont nous avons des exemples sur quelques vases archaïques de fabrique corinthienne, éveilla, par le tracé de la ligne de l’écriture, par son retour sur elle-même dans une direction presque parallèle à celle de la première partie de la même ligne, l’idée de la marche du bœuf attelé à la charrue, que le laboureur fait revenir sur lui-même en traçant un second sillon à côté de celui qu’il a ouvert le premier. L’image passa dans la langue et le mot βουστροφηδόν servit à désigner cette manière de disposer l’écriture.

Mais ni l’usage ni le mot ne demeurèrent toujours restreints aux inscriptions explicatives des bas-reliefs et des peintures. On commença, et il semble même qu’à une certaine époque ce fut une élégance, à tracer les inscriptions en lignes flexueuses et boustrophèdes, lors même qu’il n’y avait pas de figures à encadrer. Bientôt ces lignes flexueuses ne parurent plus aux Grecs compatibles avec la régularité que réclament les inscriptions monumentales ; on en revint aux lignes horizorftales complètement droites, mais en y conservant la disposition boustrophède, c’est-à-dire en alternant les lignes dirigées de droite à gauche et de gauche à droite. La première de ces deux dispositions du boustrophède, celle où la ligne initiale procède de droite à gauche, est la plus ancienne, ainsi que l’ont déjà remarqué MM. Böckh et Franz. Elle s’introduisit dans l’usage alors que la tradition des habitudes graphiques du phénicien était encore vivante. La disposition qui procède au début de gauche à droite est postérieure, et marque une nouvelle étape dans le changement du sens de l’écriture. C’est là, en effet, que se manifeste pour la première fois d’une manière décisive la tendance à écrire de gauche à droite, dans une direction opposée à celle qu’avaient adoptée les Orientaux, tendance qui finit par prévaloir entièrement chez les Grecs. Une partie des lignes, dans ce second système de boustrophède, est bien encore dirigée comme dans l’écriture qui a servi de source, mais déjà le point initial des inscriptions est changé. Aussi, de même qu’aux inscriptions conçues en plusieurs lignes du premier boustrophède régulier répondaient des inscriptions en une seule ligne tracée de droite à gauche, aux textes en plusieurs lignes du second boustrophède répondirent de courtes inscriptions d’une seule ligne, commençant cette fois à gauche pour se terminer sur la droite. Ce fut par là que se fit la dernière transition et que l’on en vint à écrire entièrement de gauche à droite, direction qui finit par être adoptée à l’exclusion de toute autre, après un temps plus ou moins long, par toutes les fractions de la race hellénique.

Les diverses évolutions dans le sens de l’écriture, dont nous venons de suivre la trace et dont nous avons essayé de reconstituer les phases, se produisirent lorsque les différents peuples de race grecque employaient encore tous l’alphabet proprement cadméen, c’est-à-dire la première modification de l’alphabet phénicien appliqué à l’organe et à l’idiome des Grecs, et avant que les alphabets éolodorien, ionien et attique fussent sortis de ce type.

Différentes variétés de l’alphabet grec à sa seconde époque. — Déjà, au temps où furent gravées la plupart des inscriptions de Théra, presque toutes les populations helléniques avaient cessé d’employer le premier alphabet usité par leurs ancêtres, qu’elles trouvaient incomplet, et, le modifiant suivant les instincts et les nécessités de leurs dialectes, en avaient tiré de nouveaux caractères, différant de nombre et de formes suivant les peuples et les contrées.

Ce n’est que fort récemment que l’on a commencé à établir une classification régulière parmi les monuments qui représentent cette seconde phase de l’histoire de l’écriture grecque, à discerner plusieurs alphabets distincts et contemporains, et à jeter la lumière par ce moyen dans une étude qui jusque-là présentait un inextricable chaos. L’honneur en appartient à Franz, à M. Mommsen et à M. Kirchoff.

Le premier de ces savants, dans l’introduction de ses Elementa epigraphices graecae. distingua trois alphabets grecs de la combinaison desquels est sorti celui qui fut définitivement adopté par tous les Hellènes :

1o L’alphahet éolo-dorien, composé de vingt-cinq lettres ; 2o l’alphabet attique, composé de vingt et une ; 3o l’alphabet ionique, composé de vingt-quatre.

Le second, dans les prolégomènes de son beau livre sur Les dialectes de l’Italie inférieure, traitant la question de l’origine des écritures italiotes, a exposé rapidement ses idées sur l’histoire et la formation de l’alphabet grec.

Il n’admet en Grèce que deux alphabets successifs :

1o Un alphabet primitif de vingt-trois lettres, représenté par les inscriptions de Théra, et dont les alphabets ionique et attique de Franz ne seraient, selon lui, que des variétés ; 2o un alphabet postérieur de vingt-six lettres, qu’il subdivise en deux variétés principales : l’alphabet corcyréen, l’alphabet dorico-chalcidien ; en y joignant encore deux autres variétés qu’il considère comme le produit de la combinaison du second système d’écriture avec le premier : l’alphabet orgien, l’alphabet éléo-arcadien.

Tel est le système de M. Mommsen. Celui au développement duquel M. Kirchoff a consacré ses Études sur l’histoire de l’alphabet grec n’en diffère pas essentiellement. L’érudit chargé par l’Académie de Berlin de continuer et d’achever le Corpus de Böckh admet aussi seulement deux alphabets grecs archaïques : l’alphabet oriental, susceptible