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II. Acatium, Ἀκάτιον, Ἀκάτειος ἱστός, nom du deuxième mât (et sans doute aussi, dans les plus grands bâtiments, celui du troisième), par opposition au grand mât du milieu (ἱστὸς μέγας). Le nom venait vraisemblablement de ce que ce mât ressemblait par son gréement au mât unique des petites embarcations appelées acates, quand elles naviguaient à la voile.

De même, on appelait acatia, ἀκάτεια ἱστία, les voiles attachées à ce second ou troisième mât 15[1] [malus].

III. Acatus, Ἄκατος, était aussi le nom d’un vase à boire dont la forme rappelait celle d’une barque. C’est tout ce qu’on peut conclure des
Fig. 30-31. Vases on forme de bateau.
textes grecs où cette ressemblance est indiquée 16[2]. Au lieu de pied, ce vase avait peut-être, comme la phiale, un ombilic (ὄμφαλος) servant à le saisir 17[3]. La structure du navire appelé acate étant, comme on l’a vu plus haut, très-indéterminée, il est impossible de dire avec précision
Fig. 31. Vase servant aux libations..
quelle était la forme du vase du même nom. Ce vase n’était pas le seul d’ailleurs dont le nom fût dérivé d’une semblable analogie de formes [cymbe, cymbium, scapha, trieres] Nous en offrons ici deux exemples tirés de la collection du Louvre (fig. 30 et 31), sans prétendre reconnaître lequel des noms que nous venons de citer convient le mieux à chacun de ces vases. On en voit un presque entièrement semblable, servant à faire une libation (fig. 32), sur un vase peint de l’ancienne collection d’Hamilton 18[4]. De même, dans un passage d’Athénée 19[5], ce sont des acates de grande dimension que l’on prend pour les libations qu’on avait l’habitude de faire à la fin du repas. E. Saglio.

Bibliographie. O. Müller, Etrüsker, III, 4. 12 ; Hertzberg. De diis rom. patriis, Halæ, 1840, p. 37 et sq. ; Schwegler, Röm. Geschichte, I, p. 375, 395, 431 ; Preller, Rom. Mu. ob. p.422 ; Huschke. Das alte römische Jahr. Breslau, 1869, p. 14 et 117.

ACCA LARENTIA. — Divinité romaine, connue surtout par des traditions qui la réduisent au rôle d’un personnage légendaire. D’après la légende la plus répandue, que rapportent plusieurs écrivains à peu près dans les mêmes termes 1[6], c’était une courtisane qui vivait au temps de Romulus ou d’Ancus. Un gardien du temple d’Hercule ayant osé, dans une heure d’oisiveté, défier le dieu au jeu de dés, lui offrit comme enjeu de lui servir un repas et de lui amener la plus belle fille du pays. Il perdit. Acca Larentia, enfermée par lui dans le temple, reçut d’Hercule l’avis de s’unir au premier homme qui viendrait à elle. Elle rencontra un riche Toscan, nommé Tarrulius ou Carutius, qui fut frappé de sa beauté, l’épousa et lui laissa en mourant de grandes richesses. Acca Larentia, à son tour, légua tous ses biens au peuple romain. Elle fut enterrée dans le Vélabre, et le sacrifice an-


nuel des larentinalia fut institué en son honneur. D’après les auteurs qui rapportent cette fable au temps de Romulus 2[7], c’est ce roi qui aurait été son légataire et le fondateur de son culte. Selon une autre tradition 3[8], elle était la femme du berger Faustulus, qui nourrit et éleva Romulus et Rémus. Elle était mère de douze fils avec lesquels elle sacrifiait chaque année pour obtenir la fertilité des champs ; l’un d’eux mourut ; ce fut Romulus qui le remplaça ; par la suite, il fonda avec ses frères adoptifs le collège des arvales.

Sans donner au développement et à l’interprétation des mythes une place qu’ils ne doivent pas prendre dans cet ouvrage, on peut faire ressortir les traits qui appartiennent à la divinité primitive et expliquent le culte dont elle était l’objet. Acca Larentia est la mère des lares (c’est là le sens propre de son nom 4[9]), la personnification de la terre féconde où sont déposés les semences et les morts, et de la vie qui sort de son sein ; elle est identique peut-être, à l’origine, à tellus, à ops, à ceres, à dea dia. Mais elle est plus particulièrement la terre romaine : de là les traditions qui font d’elle la bienfaitrice du peuple romain, la mère des Arvales, l’épouse de l’Étrusque Tarrutius, c’est-à-dire du possesseur du sol, du terrien. Ce qu’on disait de ses rapports avec Hercule, on le racontait également 5[10] de Flora et d’une certaine Faula ou Favola, qui paraît n’être autre que Fauna, déesses qui représentent comme Acca Larentia la fécondation. Cette union avec le dieu solaire en rappelle d’autres semblables de déesses telluriques avec les dieux de la lumière et de l’atmosphère, et l’on retrouve parmi les pratiques de plusieurs cultes grecs ou asiatiques l’usage d’enfermer une femme la nuit dans le sanctuaire d’un dieu 6[11]. Enfin, comme les héros fondateurs de Rome sont les Lares de la cité 7[12], Acca Larentia est, dans les récits, leur nourrice et leur mère ; elle est l’épouse de Faustulus, autrement dit de faunus, qui les recueille et les élève, et par là encore elle se confond avec Fauna ou Luperca ; elle est encore la louve qui allaite les deux jumeaux 8[13], et ce nom de louve (lupa), appliqué communément aux courtisanes, n’a pas sans doute été sans influence sur le tour qu’a pris la légende dans les temps postérieurs.

Les circonstances qui nous sont connues 9[14] de la fête des larentinalia marquent encore et rendent plus manifeste le double caractère d’une déesse féconde qui règne dans les demeures souterraines. Cette fête était célébrée le dixième jour (et, antérieurement à Jules César, le neuvième) avant les calendes de janvier, c’est-à-dire le 23 décembre, précisément au moment de l’année où les jours ont achevé de décroître et reprennent leur cours ascendant. Elle avait le double aspect d’un culte funèbre [parentatio] en l’honneur d’Acca Larentia, et d’une réjouissance en l’honneur du dieu de lumière Jupiter. On descendait au quartier du Vélabre, jusqu’à l’entrée de la via Nova, où, non loin de l’ancienne porta Romanula, s’élevait l’éminence qui portait le nom de tombeau d’Acca Larentia ; et là, à la sixième heure, c’est-à-dire au moment même où une année expirait, où l’autre commençait, le sacrifice aux mânes était offert par les pontifes 10[15] ou par le flamine quirinal 11[16]. Le reste du jour était

  1. 15 Xen., Hell. VI, 2, 27 ; Phrynic. ap. Bekker, Anecd. p. 19, 10. —
  2. 16 Athen. XI, 782 f ; Hesych. Άκατιον. —
  3. 17 Athen. XI, 502. —
  4. 18 D’Hancarville, Vases d’Hamilton, 1767, t. II, pl. 121. —
  5. 19 XV. 692, f.
  6. ACCA LARENTIA. 1 Macrob. Sat. I, 10 ; Plut. Quaest. rom. 35 ; id. Romul. 5 ; cf. Fast. Praen. 25 déc. ; Orelli, Corp. inscr. 404, 410 ; Augustin. Civ. Dei, VI, 7. —
  7. 2 Macr. I, 10, 17 ; Gell. VI, 4. —
  8. 3 Ovid. Fast. III. 56 ; Dionys. I, 84 ; Plin. Hist. Nat. XVIII, 2 ; Gell. l. l. I, 4 ; P. Diac. Larentalia ; Fulg. Arvates fratres. —
  9. 4 Akkâ, mère, en sanscrit. Bopp, Gloss. sanscr. 1846, p. 6 ; Benfey, Griech. Wurzellen, I, 29.
  10. 5 Lact Inst. I, 20, 5 ; id. Epit. 20, 3 ; Arnob. III, 23 ; Plut. Quaest. rom. 35. —
  11. 6 Schwenck, Rhein. Mus. 1867, p. 129. —
  12. 7 Ovid. Fast. II, 615 ; V. 134 ; Diomed. I, 379. —
  13. 8 Dionys. I, 84 ; O. Müller, Etrüsk. II, 104. —
  14. 9 Varr. Liug. lut. VI, S3 ; Ovid. Fast. III, 55 ; Macrob. l. l. ; Fast. Praenest. 25 déc ; Orell. l. l. —
  15. 10 Cic. Ad Brut. I, 15, 8. —
  16. 11 Gell. VI. 7.