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en occident suivant un axe invariable, et le grand cercle perpendiculaire à cet axe est l’équateur (ἰσεμερινὸς κύκλος). Le soleil, la lune et les cinq autres planètes, emportés dans ce même mouvement, auquel la terre seule, avec l’air qui l’entoure, ne participe pas, décrivent chaque jour autour d’elle, d’orient en occident, comme les étoiles fixes, des cercles parallèles à l’équateur. Mais, de plus, le soleil exécute, autour du centre de la terre et du monde, un mouvement propre et circulaire en sens contraire, c’est-à-dire d’occident en orient, et dans un plan oblique ; l’équateur. Cette révolution oblique du soleil, s’accomplissant en un an, produit pour les diverses contrées de la terre, la variété des saisons, en même temps qu’elle produit un déplacement continu et périodique du soleil par rapport aux étoiles fixes. Il en est de même de la lune et des cinq planètes, dont les révolutions d’occident en orient s’accomplissent suivant des cercles plus ou moins obliques sur celui du soleil, et en des temps d’autant plus longs ou plus courts que le diamètre de l’orbite est plus grand ou plus petit. Mais deux de ces astres suivent ou précèdent le soleil sans s’en écarter jamais beaucoup : leurs révolutions d’occident en orient ont donc la même durée moyenne que la révolution du soleil. C’est pourquoi ces deux astres, c’est-à-dire Mercure et Vénus, étaient appelés par les anciens, mais nullement dans le sens moderne du mot, satellites (δορυφόροι)^^63 du soleil, ou compagnons (comites)^^64 de cet astre, comme ayant avec lui la même course et la même vitesse moyennes (ἡλίῳ ἰσοδρόμοι ou ἰσοταχεῖς)^^65. Cette égalité des vitesses moyennes apparentes et des durées moyennes apparentes des trois révolutions explique l’incertitude des pythagoriciens et des anciens en général sur la question de savoir si les orbites de Mercure et de Vénus autour de la terre, centre commun de toutes les révolutions, enveloppaient l’orbite du soleil, ou bien si elles étaient enveloppées par elle. Cependant la seconde opinion devint prépondérante, de sorte que, suivant une expression antique souvent mal comprise par les modernes, le soleil fut placé au milieu des sept planètes, medius inter septem, μέσος τῶν ἕπτα, c’est-à-dire dans le quatrième cercle à partir de la terre, avec trois planètes au-dessous de lui, la lune, Vénus et Mercure, et avec trois planètes au-dessus de lui. Mars, Jupiter et Saturne^^66. Il y avait donc, suivant Pythagore, huit révolutions autour de la terre comme centre, savoir : une d’orient en occident et sept d’occident en orient. Les anciens nous attestent que Pythagore établissait un rapport, nécessaire suivant lui, entre ces huit révolutions et les huit sons de l’octave diatonique ancienne [musica], dont il avait trouvé les vrais rapports numériques. De là Pythagore et ses plus fidèles disciples concluaient qu’il devait nécessairement y avoir sept planètes, en comprenant dans ce nombre le soleil et la lune, et qu’il ne pouvait pas y en avoir davantage ; ainsi le voulait l’harmonie du monde (ἁρμονία τοῦ κόσμου), et c’était aux huit sons de l’octave que les anciens pythagoriciens donnaient le nom d’harmonie, ἁρμονία^^67.

Mais à cette considération musicale une partie de l’école

63 Proclus, sur le Timée, p. 624, l. 1 (Schneider).

64 Cicéron, Songe de Scipion, ch. iv (Rép. VI, 17), et Macrobe, In somn. Scip. I, 19.

65 Platon, Timée, p. 38 D ; Épinomis, p. 987 B et p. 990 B ; Théon de Smyrne, Astron. ch. xiii ; Eudoxe dans Simplicius, Du ciel, II, 12, p. 222 a, l. 40-41 (Karsten) ; Proclus, sur le Timée, p. 624, l. dre, et p. 626, l. 18-19 (Schneider).

66 v. certains pythagoriciens et Alexandre d’Étolie dans Théon, Astr. ch. v, p. 182 et 186 (Martin) ; Ach. Tat. dans l’Uranol. de Pétau, p. 135 E ; Athénée, VI, 63, p. 253 D-E (Cas.) ; Macrobe, In somn. Scip. I, 19, qui dit : Solis sphaeram quartam de septem, id est in medio locatum. Comparez Pline, 11, 23, s. 21, no 88, t. I, p. 131 (Sillig), et Chalcidius, In Tim. § 71, p. 198 (Fragm. philos. gr. t. II, Didot).

pythagoricienne substitua une considération purement arithmétique, qui la conduisit à une conclusion contraire. Suivant le pythagoricien Philolaüs^^68 et ses nombreux disciples, qui sont les pythagoriciens dont parle Aristote^^69, le nombre des révolutions célestes doit nécessairement être le nombre dix (δεκάς), nombre sacré par excellence, et issu du nombre sacré quatre (τετρακτύς) par l’addition des quatre premiers nombres : 1 + 2 + 3 + 4 = 10. Suivant Pythagore, le feu d’Hestia, foyer du monde, était au centre de la terre et du monde. Philolaüs laisse le feu d’Hestia au centre du monde, mais il en éloigne la terre, dont il fait une huitième planète décrivant, comme les autres, mais en un jour, d’occident en orient, une orbite autour de ce centre. De la sphéricité de la terre, Pythagore avait conclu l’existence d’antipodes, ἀντίποδες, c’est-à-dire d’hommes ayant les pieds opposés aux nôtres ; mais il les nommait antichthones, ἀντίχθονες, c’est-à-dire habitants du côté opposé de la terre. Philolaüs sépare de la terre l’antichthone, ἀντίχθων, pour en faire une neuvième planète, qu’il fait circuler autour du feu central du monde suivant une orbite enveloppée dans celle de la terre. Avec une révolution qu’il Conserve aux fixes, il a ainsi les dix révolutions voulues. Suivant Philolaüs, la terre, dans sa révolution diurne autour du feu central, tourne constamment vers le dehors de son orbite l’hémisphère que nous habitons, de sorte que nous ne voyons jamais ni le feu central, ni l’antichthone. La révolution diurne de la terre, parallèlement à l’équateur, d’occident en orient, produit, suivant lui, l’apparence de la révolution diurne des étoiles fixes, du soleil, de la lune et des planètes autour de la terre, d’orient en occident. Sauf une parallaxe diurne, dont Philolaüs ne s’occupe pas et qu’Aristote lui-même avait le tort de considérer comme pouvant être insensible pour nous, c’était l’équivalent d’une rotation diurne de la terre au centre du monde. Cependant Philolaüs, pour avoir ses dix révolutions, était obligé d’en conserver une aux étoiles fixes. C’est pour ce motif, et non à cause de la précession des équinoxes entièrement ignorée alors^^70, qu’il attribuait aux fixes, plus éloignées du centre que Saturne, un mouvement plus lent que celui de cette planète, et insensible pour nous, parce que nous étions nous-mêmes emportés avec la terre et avec tous les corps célestes dans cette rotation lente de l’univers entier. Quant au soleil, à la lune et aux cinq autres planètes, leurs révolutions concentriques s’exécutaient d’occident en orient autour de l’orbite terrestre, qu’elles enveloppaient. Le soleil était un globe de cristal, qui concentrait en lui-même et renvoyait les rayons qu’il recevait surtout de la sphère de feu des étoiles fixes. En réalité, les éclipses de soleil sont plus fréquentes que les éclipses de lune ; mais elles paraissent plus rares pour chaque lieu de la terre, parce qu’elles y sont plus rarement visibles. S’imaginant que, d’une manière absolue, les éclipses de lune étaient plus fréquentes que les éclipses de soleil, Philolaüs et ses disciples expliquaient ce fait prétendu, en disant que la lune, éclairée par le soleil, peut être éclipsée, non-seulement par l’ombre de la terre,

67 Philolaüs dans Stobée, Ed. ph. I, 22, p. 460-408 (Huren), et dans Nicomaque, Man. harmon. I, p. 17 et 27 (Meybaum) ; Aristoxène, Harmon. II, p. 3o, l. 30-31 (Meybaiira) ; Aristote dans Plutarque, Musique, ch. xxiii, et Sextus Emp. Contre les sciences, IV, 6, p. 333 (Fabricius).

68 Th.-H. Martin, Hypothèse astron. de Philolaüs, 31 p. gr. in-4 (Extrait du Bulletino di bibliogr. e di storia delle scienze, t. V, Rome, avril IS72.

69 [1]

70 Th.-H. Martin, Mém. sur la précession des équinoxes, 221 p. in-4, Paris, 1869 (Extr. des Mém. de l’Ac. des inscr. Savants étrangers. t. VI II, 1" partie), surtont chap. iv.

  1. Du ciel, II, 13.