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fales. Il est certain que leur maison était inaccessible du dehors et que les ruines mêmes permettent d"y distinguer deux parties séparées par un mur en briques, qui isolait leur demeure propre des quartiers limitrophes, tant du côté de la Voie Sacrée que de celui du temple des Dioscures. Nous savons que la porte qui mène au temple et celle qui accède à VAtiiuin ne s’ouvraient qu’un jour par an, pour la fête des Veslalia^ ; mais il est d’autre part établi que les Vestales sortaient en groupe pour parti- ciper à de fréquentes cérémonies religieuses, en compa- gnie des pontifes et des flamines". Leur claustration n’est donc que relative ; si aucune personne profane n’est admise à entrer chez elles, il n’est pas exact de dire qu’il leur fût interdit de sortir.

Le même sa van la fait remarquer que la maison des Ves- tales devait être des moins propices à la santé de ses habi- tants ; qu’elle était sûrement sombre, humide et froide, très peu favorisée par les rayons du soleil et bâtie en ter- rain marécageux. Avant l’avènement de l’Empire, elle fut brûlée trois fois, en 210, 146 et 36 av. J.-C ^ ; après ce dernier incendie elle fut reconstruite luxueusement par Domilius Calvinus, mais de ses bâtiments mêmes il ne reste que les fondations. L’édifice qui a été exhumé à partir de 1883 date du règne d’Hadrien’. Sa disposition comporte un atrium, un lablinum et des cellae. De chaque Côté du tablinum s’ouvrent trois petites cham- bres, cwèicw/rt, qui étaient celles des Vestales. Une grande pièce centrale servait de coenaculum ; la cuisine y était contiguë. Les cellae avaient des destinations diverses : l’une servait de pistrinum, l’autre de pei^aria. Kn résumé, devant nos exigences modernes, il est certain que la place, si nous tenons compte des jeunes novices, était plutôt mesurée et le service de l’autel, pénible, puis- qu’il ne s’interrompait ni nuit ni jour^.

En principe, les Vestales étaient chargées d’entretenir la flamme du foyer, qui représentait Vesta, protectrice de Rome, de prier pour le bien de l’Étal, dont celte flamme était le symbole, et d’ofl"rir des sacrifices à cer- taines fêles déterminées’^. Elles avaient à prendre soin du penus de Vesta [lares], où étaient conservés la sau- mure rituelle [mûries) ", la mola salsa, dont la prépa- ration leur incombait, la cendre obtenue par la combus- tion des veaux mort-nés à la fête des fordicidia et le sang du cheval d’Octobre [october eoihs], qui entrait dans la préparation des februa casta distribués à la fête des PALiLiA *. De plus, sous l’Empire surtout, s’était accréditée l’opinion que Aixa&VAtrium de Vesta se trouvait le Palla-

< V. infra, vbstai.ia, p. 757, et Jordan, ibid. tab. I. — 2 11 faut ajouter qu’elles assistent à ccrlaios spectacles publics, tout au moins depuis Auguste, qui fait réserver des places aux Vestales, près de la scène, sur le proscenium : Suot. Oct. 4i ; jVer. il ; Tac. Ann. IV, 16 ; Arnob. IV, 35 ; Prudent. I, 1090 sq., nos. Un passage de Cicéron, Pro Mur. 35, 73, semble prouver que de son temps les Vestales assistaienl aux combats de gladiateurs. — 3 Jordan, Op. l. p. i5 ; du même Topoyr. liom. I,i, p. MG. — * Jordan, Der Tempel^p. 57 sq. La maison bâlie pour Domitius fut brùlt^c sous Ni^ron et réédifiée par Vespasien : Suet. Aitg. 8 ; l’iin. Ep. IV, 11, C. Nouvel incendie sous Commode où il est question du sauve- tage du Palladium ; Horodian. I, IV, 5. L’ Histoire Auguste menlionno des rites extraytigants, dont VAedes Veslae fut le témoin, de la part de Cnracalla cl d’Hlaga- balc V. UioCass. LXXVII.IG ; Herodian. V,fi.2 ; Lampr. £709. C. — 6 Jordan, Wcr Tempel der Vesta. p. 61 sq. — « V. Jordan, Ibid , p. CO sq. ; Gilbert, Gesch. und Topogr. Itom, I, p. 25i sq. ; p. 35î. — 7 Penus Yestae, ap. Fcslus, p. 250 a, 34 ; Cic. Nat.deor. 11. 27, 67 sq. : Scrv. ad Aen. 111, ti. V. le médaillon de Kaustine, représentant une Vestale qui porte la crucbc à eau devant la déesse ; Froebncr, Sléd. p. 77 ; cf. une médaille représentant une Vestale assise faisant une libation. Cabinet des Médailles, cbei Duruy, Itom. I, p, 100, n. 5. Voir Test. Epil. p. 159 ; Varr. ap. .Non. p. 233, 16. — » T. Liv. XXVI, 27 ; Scrv. ad /lue. VIII,. 82 ; Aen. VII, 188 ; l’est. Epil. p. 05, I ; Nonius, p. 223, s. v. Salis. Cl. Klausen,

dium, gage de la pérennité de l’Empirt [MiNERVA,fig.o076], et les images des Pénates, soit emportées de Troie par Énée, soit venues du sanctuaire de Lavinium’. Jordan, avec raison, ne croit pas à l’existence de tous ces objets sacrés avant le temps de l’empereur Commode. On racon- tait bien qu’ils étaient sous la garde des Vestales ; mais jamais personne ne les avait aperçus. La légende vou- lait que le Grand Pontife Metellus, pour les avoir con- templés, fût devenu aveugle’" ; il y a des monnaies de la période impériale qui représentent Vesta debout ou assise, étendant la main droite, sur laquelle était placée Minerve casquée et armée (fig. 7414). Sous Commode, sous Ëlagabale, couraient des histoires auxquelles le Pal- ladium de Vesta était mêlé" ; mais il avait disparu pour tout le monde au temps de Procope et nul ne savait ce qu’il était devenu’-. Ce qui est historiquement mieux garanti, c’est l’existence, si déplacé que paraisse un tel symbole en pareil lieu, d’un fascim’m, sans doute comme préservatif contre le mauvais œil ’^ Quant à une image de la déesse Vesta, il n’en a existé ni dans le temple, ni dans VAlrium, ni dans le penus de ce dernier : Ovide, qui le constate, déclare au surplus qu’il ne lui a pas été permis de s’en assurer par ses propres yeux. Plus tard, les monnaies de Titus, particulièrement celle à l’effigie de Julia Domna, nous donnent cette image ; si elle a existé, ce n"est pas dans le sanctuaire même, mais dans une édicule qui s’élevait à l’angle delà maison de Vesta, du côté de la Voie Sacrée "•.

Dans son ensemble, le culte dont les Vestales avaient la charge avait conservé, mieux que tout autre, son caractère de naïve simplicité. Point de sacrifices san- glants ; comme éléments de toute cérémonie, la flamme du foyer, l’eau vive puisée à une source naturelle ; à Lavinium, c’était le Numicius, à Rome la fontaine des Camènes, dans la vallée d’Égérie ’°. La vaisselle du temple et de VAlrium est en argile façonnée à la main, sans passer par le tour du potier. La forme même du vase qui servait à puiser l’eau était rituelle ; largement ouvert à l’orifice, il allait se rétrécissant vers le bas, pour qu’il fiit impossible de le poser sur le sol : si le fait arrivait, c’était une souillure [futile]. Dans le récit des cérémonies expiatoires précédant la reconstruction du temple du Capitole, Tacite montre au premier rang les Vestales, en compagnie d’enfants des deux sexes qui puisent l’eau purificatrice e fontihus amnibusque "^.

Les Vestales tenaient une place considérable dans le calendrier religieux de Rome ; à pari les mois de janvier

Aeneat und die Penalen, p. 633 sq. — 9 minbhva, III, 2, p. 1929 et les textes cités ; cf. Preuner, Beslia- Vesta, p. 423 ; Schwegler, Op. t. p, 333 sq.

— 10 Dion. Halic. Il, 66- ; Cic. Pro Seaur. 23, 48 ; Plut. Cam. 20 ; Plin. Nat. hist.

VII, 45 ; Til. Liv. Ëpit. XIX ; Juv. .%(. III, 139 ; VI, 265 ; August. Civ. D. III. 18. Cf. Jordan, Topogr. Jiom. II, 509. — 1’ Pour le caractère apocryphe de ces objets, V. Marquardl, Handbuch, VI, p. 2.^0, note 7. D’après Servius, ad Aen.

VIII, ISS, ils étaient au nombre de sept. — • ! Hcrodian. I, 14, 4 ; V, 6, 3 ; Lam- prid. Elag. 6. Il n’en est pas question chez Tacite dans le récit de l’incendie sous Kéron ; Ann. XV, 41. Cf. Klausen, Op. l. p. 633. — 13 Plin. ial. hist. XXVIII, 7. V. FASCiMiM, il, 2, p. 986. — 1* Ov. Fast. VI, 295 sq. Le poète, au chant m, 45 ; Vestae siinuiacra feruntur, etc., avait admis qu’elle existait. V. d’ailleurs les six Vestales autour do l’édicule, médaille d’or du Cabinet de France, chez Duruy, Uist. liom. 1, p. 103 = vksta, fig. 7412. V. la reconstitution et les déUils de laedicula, ap. Jordan, Op. l. lab. XI, a. - ’^ Feslus, p. 161 ; Plut. uma, 13 ; Dion. Halic. I, 73 ; Serv. ad Aen. XI, 339 ; T. Liv. 1, 21, 3. Cf. pour les attitudes et les ustensiles, Prop. IV, 4, I5 ;0v. Fast. III, 14. Cf. Gilbert, Op. cit. t. I, p. 352 ; ProUer-Jordau, Jioem. Mitt. Il, p. 161. Pour le vase de forme spé- ciale, nommé futile, v, Serv. ad Aen. l. c. et Duruy, Op. l. p. 100 (assi- milation douteuse). Cf. Jordan, Ver Tempel, etc., p. 67 cl les textes, not. 4.

— 10 Tac. Hist.lV, 53.