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Grèce 1[1], comme d’ailleurs en Égypte et en Orient. Cette aversion pour les chaussures (ύποδήματα, vincula) peut être rapportée à la même croyance qui a inspiré tous les autres usages mentionnés plus haut et il semble naturel d’admettre qu’il doit en être ainsi toutes les fois qu’une même interdiction frappe les chaussures, les ceintures et les liens qui maintiennent les cheveux. Cependant il convient d’ajouter que certains textes donnent clairement à entendre que les sandales étaient proscrites à cause de leur impureté, parce que, étant de cuir, elles provenaient de la dépouille d’un animal mort 2[2].

Une conséquence logique de la croyance que les liens sont nuisibles, c’est que les nœuds les plus lâches sont les moins dangereux, ou même, relativement, les plus salutaires. Pour les pansements 3[3], qu’il fallait bien attacher, on avait coutume de se servir du nœud dit nodus Herculaneus, qui était, comme il a été démontré plus haut [NODUS] et, ailleurs, par M. Wolters 4[4], un nœud peu serré et des plus faciles à dénouer. M. Heckenbach 5[5], il est vrai, est d’avis que le nodus Herculaneus était, au contraire, un nœud extrêmement difficile à défaire. Cette opinion, qui d’ailleurs se rencontre déjà à l’époque byzantine 6[6], n’est corroborée par aucun témoignage ancien 7[7]. Il suffit, pour la réfuter, de renvoyer à un passage connu de Festus, d’après lequel la ceinture de la mariée était attachée par un « nœud d’Hercule », que le mari devait défaire lui-même 8[8].

Si les anciens cherchaient à se préserver de l’influence pernicieuse des liens, ils s’efforçaient aussi, inversement, d’utiliser à leur profit, et de plusieurs façons, la force magique qu’ils leur attribuaient. Ils tâchaient, en premier lieu, de diriger cette force contre leurs rivaux et leurs adversaires (devinctio, κατάδεσμοζ). Le plus souvent on se contentait de prononcer ou de graver sur une tablette de plomb les paroles par lesquelles on déclarait lier l’ennemi 9[9] [TABELLA, p. 4] ; mais il arrivait aussi fréquemment qu’on le liât en effigie. On a trouvé en Attique une figurine en plomb qui porte des entraves aux pieds et aux mains 10[10], [cf. MAGIA, fig. 4786 à 4789]. — De plus, les anciens comptaient sur la puissance des liens pour combattre le mal qui les menaçait ; non qu’on leur reconnût, du moins à l’origine, une vertu vraiment curative, mais on supposait qu’ils pouvaient par une influence magique guérir les fractures, arrêter les maladies accompagnées d’un flux, d’une inflammation, de tumeurs, etc. Cependant on allait aussi jusqu’à prétendre lier la fièvre et, d’une façon géné-

rale, la maladie 11[11]. De là à attribuer aux liens une vertu préservative, il n’y avait qu’un pas. On s’explique ainsi qu’un lien ou un nœud porté à dessein sur le corps ait pu tenir lieu de talisman ou d’amulette destinée à enchaîner, en quelque sorte, le danger qui viendrait à menacer le porteur. Les mystes d’Éleusis s’attachaient un fil à la main droite et au pied gauche 12[12], et M. Wolters a montré qu’il y a dans l’art grec un grand nombre d’exemples de représentations d’hommes et de femmes qui portent des rubans ou des fils attachés par un nœud autour du cou, sur les bras ou sur les jambes 13[13]. Enfin, troisième point, on chargeait aussi de liens l’image de celui qu’on voulait s’attacher 14[14] ou réduire en sa puissance. A Vetulonia, on a trouvé deux statuettes, l’une masculine, l’autre féminine, qui sont réunies entre elles par deux chaînettes 15[15]. Ce genre de pratiques s’étendait même aux images des dieux qu’on voulait se rendre propices 16[16].[17] W. VOLLGRAFF.

VINDEMIA (Τρύγη, τρύγητοζ). Vendange. — L’époque en varie suivant les contrées. En Afrique et en Bétique

Fig. 7501. Amours vendangeurs.
on commence dès la seconde moitié d’août ; dans les pays voisins de la mer, on vendange au début de septembre ; bien souvent on attend la seconde moitié de septembre 1[18]. Reculer la vendange au delà de cette date est un fait exceptionnel 2[19]; en Gaule, certaines espèces ne mûrissent qu’après les premières gelées 3[20]. Il faut avant tout observer les signes naturels de la maturité : les pépins doivent être tachés et commencer à noircir 4[21]. A Rome, l’ouverture de la vendange est marquée par la fête des Vinalia et se fait sous la présidence du flamen dialis, qui procède à l’inspicatio vindemiae [VINALIA] 5[22].

Il est bon de faire surveiller le vignoble à l’époque des vendanges, pour empêcher le grappillage 6[23]. Si l’on veut s’éviter la besogne, on peut vendre la récolte sur pied au plus offrant 7[24].

  1. — 1 Jambl. Vita Pyth. 85 : θύειν χρή άνυπόδητον καί πρόζ τά προσιέναι ; cf. ibid. 105 ; Ziehen, Leg. Graec. suer. II, 1, no  91 ; Inscr. Graec. V, 1, 1390, 15 ; Athen. Mitt. XIV, 1889, p. 413 ; Gruppe, Griech. Myth. p. 912, n. 6 et 7 ; Heckenbach, De nuditate sacra, p. 23-31 ; Mélanges Holleaux, p. 301 sq.
  2. — 2 Michel, Recueil d’inscr. no  434, 25 ; Ziehen, Leg. Graec. sacr. II, 1, no  117, 17 sq. : μηδέ ύποδεσιν μηδέ ἃλλο δέρμα μηδέν ; Inscr. Graec. V, 1 1390, 22 sq. ; ; Varro, De ling. lat. VII, 84.
  3. — 3 Plin. Nat. hist. XXVIII, 64.
  4. — 4 Welters, Zu griech. Agonen, p. 8.
  5. — 5 Heckenbach, Op. l. p, 105.
  6. — 6 Apostolios, Proverb. VIII, 64, a (Leutsch, Paroem. graeci, vol. II, p. 448).
  7. — 7 Ceux qui défendent cette opinion partent d’une fausse interprétation de Senec. Epist. 87, 38, et combinent à tort Cornut. 16 avec Macrob. Saturn. I, 19, 16.
  8. — 8 Paul. Diac. p. 63 : cingulo nova nupta praecingebatur, quod vir in lecto solvebat... ; hunc Berculaneo nodo vinctum vir solvit ominis gratia.
  9. — 9 Wuensch, De fix. tab. Att. ; Inscr, Graec. III, app. 3 (1897) ; Audollent, De fix. tab. praeter Atticas, thèse, Paris, 1904,
  10. — 10 Wuensch, Eine antike Rachepuppe, Philologus 1902, p. 26-31.
  11. — 11 Plin. Nat. hist. XXVIII, 42 ; 48 ; 218.
  12. — 12 Bekker, Anecd. I, p. 273 ; Phot. Lex. s. v. κροκούν.
  13. — 13 Benndorf, Vasenbilder, pl. l., 4 ; Monumenti, II, pl. 59 ; S. Reinach, Rép. des vases, II, p. 317.
  14. — 14 Virg. Ecl. VIII, 73 sq.
  15. — 15 Deonna, Rev. arch. 1914, XXIII, p. 53,
  16. — 16 Plat. Resp, . p. 364, c : καταδέσμοιζ τούζ ... πειθοντέζ σφισιν ύπηρετείν.
  17. BIBLIOGRAPHIE. Frazer, Le rameau d’or, trad. fr. Strebel et Toutain, t. I, 1903, p. 319 sq. ; Hirschfeldt, De incantamentis et divinationibus amatoriis apud Graecos Romanosque, diss. de Kœnigsberg, 1863 ; J. Heckenbach, De nuditate sacra sacrisque vinculis, p. 23-31 ; 69-112 (Religionsgesch. Versuche, IX, 3, Giessen, 1911) ; Wolters, Faden und Knoten als Amulett, Archiv. fur Religion Wissensch. 1905, Beiheft, p. 23-20 ; von Bissing, Aegyptische Knotenamulette, ibid. p. 23-26.
  18. 1 Hesiod. Oper. et d. 611 ; Plat. Leg. 844 d ; Colum. XI, 2 ; Varr. R. rust. I, 34 ; calendrier de la Panagia Gorgopiko, CALENDARIUM, fig. 1030, et DIONYSIA., fig. 2423. Les conditions météorologiques influent sur la récolte, Mart. 1, 57 ; Athen. 1, 26, c.
  19. 2 Vendanges en Syrie à la fin de novembre, Chron. de Josué le styl. 53 ; Chapot, La front. de l’Euphrate, p. 31 ; cf. Plin. Nat. hist. XVIII, 74.
  20. 3 Plin. XIV, 4 ; Colum. III, 2, 16 ; XII, 23.
  21. 4 Colum. XI, 2 ; Geopon. V, 45.
  22. 5 Varr. Del. l. lat. VI, 16 ; Dion. Halle. VI, 17 ; Gromatici lat. I, 33, 28.
  23. 6 Suet. Calig. 39 ; Varr. R. rust.. II, 10 ; cf. Cant. Cant. 5. De là le proverbe τρυγάν έρήμαζ, vendanger des vignes non gardées, c’est-à-dire faire le brave quand on ne court aucun danger : Aristoph. Eccl, 886 ; Vesp. 638.
  24. 7 Cat. De agr. 147 ; Plin. Epist. VIII, 2.