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chez les peuplades de l’ouest cl du nord de l’Europe ; de petites plaquettes estampées qui, pendant la période mycénienne, ornaient le costume féminin, les meu- bles et les édifices ; des amulettes en forme de masque humain, des ornements de bijoux’, des bracelets ; des yeux pour les statues de pierre ou de bronze ’.

Si les prototypes de ces verroteries sont incontesta- blement égyptiens, il est néanmoins probable que beau- coup d’entre elles se faisaient à une époque déjà ancienne dans des ateliers établis dans les îles, en Élrurie, dans l’Italie septentrionale et même en Suisse ^

A l’époque hellénistique, le travail de la pâte vitreuse était en pleine activité en Syrie* (Tyr et Sidon) et sur- tout à Alexandrie, la luxueuse cité qui passait alors à bon droit pour le plus grand foyer artistique, industriel et commercial du monde, lorsqu’une découverte capi- tale, celle du soufflage du verre, vint transformer l’industrie verrière. Cette découverte due, semble-t-il, aux artisans de la côte de Syrie, mais sur laquelle nous ne possédons malheureusement aucun renseignement his- torique, a pu donner naissance à la légende qui attribuait l’invention du verre aux Phéniciens Nous avons écrit ailleurs qu’elle remontait à l’époque de Jules César ° ; mais, si soutenable que paraisse cette opinion, qui est aussi celle de Kisa’, de Robert Schmidl", de Flinders Pétrie ’ et d’autres ’", il est préférable, dans l’étal actuel de la science, de laisser une marge un peu plus grande et de placer l’époque de cette invention entre la fin de la période des Diadoques et l’établissement de l’empire à Rome, sans préciser davantage.

Quoi qu’il en soit, on ne trouve pas de verre soufflé dans les mobiliers funéraires antérieurs au i" siècle av. J.-C. ". Les témoignages matériels paraissent donner tort à ceux qui pensaient voir des souffleurs de verre dans les fresques de Beni-Hassan exécutées sous la XII° dynastie égyptienne, c’est-à-dire vers 1800 ou 2000 av. J.-C, pour ne prendre que la chronologie la plus courte’-. Un archéologue anglais, M. Griffith, s’est attaché à montrer que la scène figurée dans les hypo- gées de l’Egypte n’a rien à voir avec l’industrie du verre, mais appartient à une série de tableaux qui figurent diverses étapes du travail des métaux ’^ Les ouvriers représentés par les contemporains d’Ousirtasen I" activent un feu de forge à l’aide de longs tubes métalliques dont l’extrémité est pourvue d’une chape protectrice en argile réfractaire. C’est celle chape qui a été prise à tort pour une paraison de verrier.

Après l’invention du soufflage, l’industrie verrière se modifie et se dédouble. Si, d’une part, elle continue à fournir à sa riche clientèle une foule de bijoux, d’objets

  • BijouT trouvés en Étrurie [caelatura]. Flinders Pétrie, Op. l. p. tll,

fait remarquer que les Egyptiens n’ont remplacé les pierres précieuses de leurs bijoux d’or par la pâle de verre qu’à partir de l’an lOÔO av J.-C. — ’2 L’usage d’incrusler de pâte vitreuse les yeui des statues a passé d’Égv-pte en Grèce, comme en témoignent les statues de marbre du Musée de r.cropole et les grifTonsd’Oiym- pie. Voir sculptcra, fig. 62t0, 6iiU. Cf. Lucien Magne, L’art appliqué aux métiers, DicoT du terre, p. 4. — 3 J. Déchelette, Op. /. Il, 3« partie, p. I3i3. — i La Syrie et la Mésopotamie ne semblent pas avoir connu l’art de la verrerie avant la période grecque. Cf. F. W. de Bis»iog. Sur l’histoire du verre en Egypte, liev. archêol. 1908, 1, p. SU. — 3 F. W. de Bissing, Op. i. p. 217. — Morin-Jean, La ver- rerie en Gaule, p. 13. — 1 A. Kisa, Op. l. p. 380. — 8R. Scbmidl, Dus Olas, p. 10. — 9 Flinders Pétrie, Op. l. p. 140 et 144. — 10 Cf. Uiss Edith H. Hall, A collection o( antique glass, The Muséum journal, IV, 4, Philadelphie, déc. 1913, p. 121. — 11 A Ornavasso, par eiemple, les tombes de Persona, qui vont de 50 av. J.-C. à la lie du principal de Tibère, ont livré des verres soufflés, tandis que celles de San Bernardo, qui vont de 150 à 50 av. J.-C, n’en contenaient pas. Cf. BivicheiU, I se f’olcreti di Ornavasso, Atti délia Soc. diarch.s belliarti di Torino,

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de luxe et de balsamaires précieux, elle se fait, d’autre part, plus humble et plus pratique en permettant aux acheteurs de condition modeste de se procurer à bon compte des récipients de verre soufflé, qui coûtent moins cher que les vases de métal et qui, par suite de leur transparence, peuvent être employés dans maints cas où les poteries ne sauraient servir. Des établissements fixés à .lexandrie et sur la côte de Syrie sortent dès lors deuxvariétésde produits vitreux sibien différenciés que ’ les anciens ne les croyaient pas façonnés dans la même matière ’* :

1° Les vases et objets de pâte de verre translucide ou opaque, plus ou moins épaisse, qui se rapportent aux anciennes techniques, continuent les vieilles traditions et, grâce non seulement au soufflage, mais aussi à l’introduction de nouveaux procédés, comprennent des variétés plus nombreuses. A celte série appartiennent les verres à deux couches et les verres-mosaïques aux- quels il faut rattacher les murrhins dont on a ignoré si longtemps la composition’^ [murrqina vasa].

2" Les verres transparents et minces, soufflés soil à la volée, soit dans des moules. Ces derniers sont des pro- duits nouveaux qui comprennent d’abord les récipients de toutes formes constituant la gobeleterie commune ; puis des articles plus riches, des verres dont les parois moulées sont ornées des mêmes reliefs que les vases d’or et d’argent ciselés et qui onl été signés d’industriels grecs, Ennion, Arias, Eirenaios, Meges, qui Iravaiilaienl dans les fabriques d’Orient vers la fin de la République ou au début de l’Empire. Joints aux autres produits vitreux, ces diverses sortes de récipients portaient au loin la renommée d’Alexandrie et alimentaient les régions les plus diverses : Grèce, Sicile, Italie, Gaule, Espagne, Extrême-Orient.

. Rome, les plaques de verre dont Scaurus fil recou- vrir les murs du théâtre qu’il édifiait en 58 av. J.-C. " venaient d’Alexandrie. Les campagnes de Sylla contre Mithridate avaient largement ouvert les marchés romains aux produits orientaux. En Gaule, on a recueilli des flacons à reliefs sidoniens jusque sur les bords du Rhin". Du côté de l’est, il semble qu’Alexandrie ail expédié des verreries jusqu’en Chine. On lit dans les Annales des Han (206 av. J.-C. à 220 ap. J.-C.) que le verre coloré et diapré provenait de l’empire romain que les Chinois nommaient Ta-Ts’in’^. Sous le Haut- Empire la paix romaine favorisa, dans toutes les directions, l’échange des produits et des idées. Les ate- liers d’.lexandrie ne tardèrent pas à avoir, dans un grand nombre de régions, des succursales qui fonctionnèrent ensuite pour leur propre compte. Dès l’époque de Néron,

VI. — 12 Eduard Meyer, Histoire de l’antiquité, II, traduction Al. Morel, p. 37.

— 13 Griffith, Béni Hassan, IV, C, pi. ix. — n Pline établil lui-même cette dia- linclion, Nat. fiisl. XXXVI, 19â. Les peuples d’Eilréme-Oricnt onl aussi distingué le verre transparent du verre opaque et confondu plus ou moins ce dernier avec les gemmes précieuses. 11 existe en Chine deux mots pour désigner le verre : p’oli réservé aux variétés transparentes et lieou-li appliqué non seulement aux variétés opaques, mais encore aux vernis des ornements d’architecture et aux émaux cloisonnés sur métal ; cf. Bushcll, L’art c/dnois, traduit de l’anglais par H. d’Ardenne de Tizac, IX, p. 243. — ’^ Cf. A. Kisa, Kunst und Kunst- handuerk, 1906„ p. 635 sq. — ’0 Plin. Xal. hist. XXXVl, 24 (114),

— 17 C. Kocnen, Bonner Jahrbùcher, 1888, fasc. 80, pi. vu, n" 10. — 18 Le Wei Lio, ouvrage historique chinois de la période des trois Royaumes (221 à 264 ap. J.-C), énumère dix couleurs de verre venant de l’empire romain. 11 faut arriver au v" s. ap. J.-C, sous le règne de Tai-Wou (424 à 454 ap. J.-C), de I.t dynastie des Wei du Nord, et au temps do l’cmperiur Wen-Ti, de la dynastie des Song, pour trouver la fabrication du verre installée en Chine : cf. Bushell, L’art chinois, IX, p. 243-250.

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