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Aux V», vi» siècles ap. J.-C. la verrerie, comme loules les autres industries, subit le contre-coup de la désor- ganisation politique et économique de l’Empire. Est-ce à dire que les procédés de l’antiquité furent alors entiè- rement perdus ? Nous ne le croyons pas. Ces recettes ont été recueillies par les Byzantins et parles Juifs de Pales- tine, qui les ont conservées pendant le haut Moyen Age. La plupart même des créations des verriers de Venise procèdent de l’art de leurs prédécesseurs, si bien qu’il est possible d’affirmer, avec M. de Bissing ’, qu’il n’y a pas de solution de continuité dans l’histoire générale de la verrerie.

III. — Deux sortes d’émaillages ont été connus des peuples de l’antiquité : l’émaillage sur quartz, argile et fritte sableuse et l’émaillage sur métal. Ce sont des industries distinctes qui n’ont pu être pratiquées par les mêmes ouvriers ; toutes deux paraissent d’origine orientale.

1 . La première touche de près à l’industrie des céra- mistes et des coroplasies. Parmi les objets d’art créés par elle, on peut distinguer trois catégories : a) les figurines, amulettes, perles, et menus objets de parure ; b) les vases ; c) les briques et ornements d’architec- ture.

a. Les Égyptiens ont excellé dans l’émaillage des grains de colliers, des amulettes de tous genres et de ces oushablis qui se rencontrent en si grand nombre dans les tombeaux. En pays grecs on n’a pas ignoré celte technique ; nous voyons pendant le minoen-moyen III (1800 à 1600 environ av. J.-C.) les Cretois fabriquer des ex-voto de faïence qui sont au nombre des plus curieuses trouvailles faites à Cnosse par M. Evans [musivum opus. p. 2091]. Beaucoup plus tard, au ii« et au }"’ siècle av. J.-C, les coroplasies grecs n’avaient pas perdu la tradition de l’émaillage des figurines, comme le démontre tout un groupe de statuettes découvertes à Smyrne et à Cymé.

6. Connu en Egypte depuis les temps préhistoriques, pratiqué à Suse au moins dès l’époque d’Agadé (vers 2600 av. J.-C), l’émaillage des vases n’a pas cessé, par la suite, d’être employé par les Égyptiens et les Orientaux [musivl’m opus, p. 2091]. Aux vu’-vi’ siècles av. J.-C, des balsamaires émaillés, d’un caractère un peu spécial (fig. 7548), se répandirent dans les pays grecs et ita- liotes’ ; ces vases sont surtout abondants à Rhodes’. Sont-ils égyptiens, phéniciens, orientaux ? Il est difficile de le dire dans l’étal actuel de nos connaissances ° ; ce qui est certain, c’est qu’ils ne sont pas sortis d’ateliers grecs continentaux. A l’époque de leur plus grande activité, les industriels de Corinthe, d’Athènes, de Thèbes, de Chalcis, se sont cantonnés dans la pro- duction des vases peints’. La plupart des vases émail- lés qui se sont répandus au vi« siècle en pays hellènes sortaient peut-être des ateliers égypto-grecs établis à Naucratis et dans d’autres villes du Delta. Mais la

1 F. W. de Bissing, Rei : arckéol. 1908, I, p. Ît9. — 2 Ed. PoUier el S. Reinach, Catal. nécrop. Myrina au Louvre, p. Î86, 3Î3. — 3 Dumoul et Cbaplain, Céram. Cr. propre, I, p. 173. — » Ed. Poltier, Calai, des mses du Louvre, p. 150 et 106.

— â M. Poulsen incline à croire purement égjptiens la plupart des produits con- sidérés comme phéniciens. Cf. Poulsen, Der Orient und die frùhgriechische Kunlt. p. 03-64. — 6 Perrot et Clyipiez, Hist. de lart, 111, p. 749. — Heuzey, Let fragm. de Tarte au musée du Louvre, Gaz. des beaux-arls, nov. 1876.

— ’ Maiard, De la eonnaistance par les anciens des glaçures plombifères {i%19) ; Walters, C’atalog. of the lioman poUery in the Brilish Muséum, p. X, K. 1-77.

technique de l’émaillage parait avoir été délaissée dans ces centres après le vi^ siècle. Elle fut reprise plus tard, au iii« siècle, dans les établissements d’Alexandrie, puis, au I" siècle avant notre ère, dans les officines grecques d’Asie Mineure ’.

Sous l’Empire romain, les céramiques et les lampes à glaçure plombifère (fig. 7.549) n’étaient pas des raretés’. On en a recueilli un grand nombre en Italie et en Gaule.

c. Les anciens ont employé l’émail dans la décoration dos édifices. Dès le iv« millénaire av. J.-C. les Égyptiens plaçaient des tuiles émailléesde plusieurs couleurs dans le revêtement intérieur des salles’. Les Chaldéens, les Assyriens, les Perses se sont particulièrement montrés maîtres dans l’art d’émailler les façades extérieures des pa- lais. Les briques émaillées étaient déjà employées au temps de Sillak-in-Sousinak, au xi« ou au .ii« siècle av. J.-C. ’° ; chez les Babyloniens elles Assyriens du v ;ii« siècle, elles remplaçaient avantageusement la fresque. Peintes avec des couleurs vitrifiables avant la cuisson, elles concou- raient à former des ensembles di’coralifs, dont les bleus et les jaunes étincelaient sous le chaud soleil de l’Orient".

Au vi« siècle, les palais achéménides de Suse, dans la décoration desquels une certaine influence gréco- ionienne se fait sentir, ont été ornés de la même manière, mais avec plus de perfection encore ’-. Dans la frise des lions, dans celle des archers, découvertes par la mission Dieulafoy et reconstituées au Louvre, les personnages el les animaux, au lieu d’avoir été émaillés à plat comme à Khorsabad, se détachent en relief sur le fond ’^ L’art d’émailler les briques est demeuré florissant en Asie Mineure jusqu’au siècle dernier.

Une technique qui a eu en Orient un si riche dévelop- pement ne peut manquer d’avoir exercé une certaine influence sur les pays classiques ; on a peine toutefois à en citer des exemples. .Nous ne savons s’il faut ranger dans les éniaux proprement dits, ou dans la série des pïtles vitreuses incrustées, les ornements bleus du temple d’Alhéna l’olias sur l’Acropole d’Athènes".

2. L’émaillage sur métal est une branche de l’art des fondeurs et des orfèvres. Peu ou point cultivé dans les pays ilalo-grecs, il s’est spécialement développé dans les régions celtiques : on le trouve (loriss.ml en Gaule et dans ks Iles britanniques, d’abord au temps de l’indé- pendance, comme en témoigne l’émail rouge dont l’in- dustrie celtique des trois derniers siècles av. J.-C. fai- sait usage pour la décoration des fibules, des torques et des harnais de chevaux ’% puis sous l’Empire romain, au ii« el au me siècle de notre ère (fig. 75.jO). Vers la fin de la période des Antonins et sous les Sévères, des orfèvres établis dans la Gaule du Nord excellaient dans la fabri- cation de ces broches aux émaux polychromes, que les fouilles ramènent au jour dans presque toutes les régions que la civilisation romaine a marquées de son empreinte.

C. Les MONUME.NTS. — I. Balsamaires^^ et objets d’an- cienne technique. — Les vases de pâte vitreuse anté-

— 9 Flinders Pctric, Op. l. p. Iï8. — 10 Mémoires de la âéléyat. en Perte, Xlll. p. 99. — ■■- ."errot el Cliipiez. Hist. de fart. II, pi. xiv et xv. — 12 Cf. Dieu- lafoy, V Acropole de Suse, 1890-93. — 13 Perrot et Chipiez, Op. l. V, pi. xi et m. ~ ’■' S. Kisa, Dos Glas, p. 164. — <5 Cf. J. Déchcicttc, Manuel, II, 3» partie, p. la W-. . " ; Tischicr, Âlrriss der Geschicitic des Emails, dans Sitzungsherichte d. hi.j :. l’k. Getell. p. 6. Sur l’émail rouge, succédanédu corail chez les Celles, voir S. lie lia i ;. Le corail dans l’industrie celtique. Bévue celtique, XX, p. 130.

— ic IJf. Perrot el Chipiez, Bist. de l’art, III, p. 732, 750, pi. vu à ix ; Kisa, Op. l. p. 401 Br|. ; A. SamboD, Les verres antiques, dans Le Musée, III, 1900, p. 477 sq.