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ripide et d’Arislopliane ’, mais probablement très ancien "omopuagia]. Ceux qui réussissaient à purifier leur àine goûtaient en ce monde le calme et la paix, qu’ils devaient à Zagreus, dieu de l’universelle harmonie ; quand ils arrivaient dansl’autre monde, Zagreus, recon- naissant les siens, leur facilitait le passage dans un autre corps. Car les Orphiques croyaient à la transmigration des âmes, et l’éternelle renaissance de Zagreus était, à leurs yeux, le symbole de ces incessantes palingé- nésies’-.

On possède un fragment d’Euripide, qui est une invo- cation à Zagreus. « A toi, souverain ordonnateur, j’apporte cette offrande et celte libation, à toi, Zeus ou Hadès, suivant le nom que lu préfères. Accepte ce sacri- fice sans feu, ces fruits de toute sorte otïerts à pleines corbeilles. C’est toi qui parmi les dieux du ciel tiens dans la main le sceptre de Zeus, et c’est toi aussi qui dans les Enfers partages le troue de Hadès. Envoie la lumière de l’âme aux hommes qui veulent apprendre les épreuves de leur destinée mortelle, révèle-leur dès maintenant d’où ils sont venus, quelle est la racine des maux, laquelle des divinités bienheureuses ils doivent se concilier par des sacrifices, pour obtenir le repos de leurs souffrances ’ » Un autre fragment d’Euripide semble combiner des données appartenant au vieux culte Cretois de Dionysos-Zagreus avec une peinture de la vie orphique telle que la menaient au v’ siècle les initiés à la secte ’.

.vec le temps la fable de Zagreus donna naissance à des interprétations de plus en plus piiilosophiques et abstraites. Elle servit à exprimer l’idée de l’essence divine se répartissant dans la multiplicité des phéno- mènes et se subdivisant dans la matière, tout en gardant toujours sa simplicité et son unité"..

III. — Ce fut, parait-il, Ûnomacrite qui, au vi’ siècle, arrêta les traits essentiels de la légende de Zagreus S auxquels se mêlèrent par la suite des adjonctions, qu’il n’est pas toujours aisé de distinguer. Où les pre- miers Orphiques et Onomacrite avaient-ils eux-mêmes emprunté ce mythe ? Un peu partout, si l’on en croit les traditions anciennes : en Crète, en Egypte, en Thrace. La légende de Dionysos-Zagreus avait d’ailleurs pu se constituer, avant eux. dans la Grèce continentale, d’apports divers, et s’y présenter à eux plus ou moins déterminée ".

Il y a des analogies certaines entre Zagreus et le Cabire de Samothrace, tué par ses frères, appelé parfois Dionysos, et auquel un Hymne orphique est adressé OABiRi, p. 7701*. On a voulu aussi, dans l’antiquité et dans les temps modernes, établir une relation entre lui et le Dionysos thrace, Sabazios fsABAZUSj’. C’est cette relation que Clément d’Alexandrie essayait de faire res- sortir en écrivant : « Dèmèter enfanta Korè, et le père de celle-ci s’unit à elle sous la forme d’un serpent. Ce qu’il y a de certain, c’est que dans les mystères de Sabazios le

1 Euripid. Fragm,i~i ; Aristopb. Ban. 355. — 2 j. Cirard, op. /. p. 213 ; Lobeck, op. /.p. Tli-713. — 3 Euripid. Fragm.9tl. — * Euripid. Vragm.i’i. — 5 Lobect, op. t. p. 360, 56Î. 710-712. — S PauSiin. VIII, 37, 3 ; Jlaas. op. /. p. 84 noie. p. 106. — 7 Gruppe, Griech. ilyth. «. Heligiougçsch. II, p. 970, note 1 . — » Bymn. Orph. XX1X. — "> LeDOrmaut, Rev.arch. Dov-déc. 1874, janv. 1875 (Leoormant semble faire un même dieu de Sabazios et de Zagreus. Présentée ainsi, la thèse ne parait pas admissible) ; Diod. IV, 4, I ; Slrab. p. 330. — to Cleni, Alei. Prolrepl. Il, llj, 1 éd. Stâblin, p. 13) : i6i</. p. 30i. ïch. Protrepl. — " Koscher, /.exi*. s. t. Sabazios, p. 353. — <’^ S. Reinacb, Cultet, mythe» el religions. II, p. 61. — <3 Athe- nag. Leg. pr. Christ, p. S95 C-Î96 B (Abel, Orphica, p. IC4) ; Nonn. op. i. VI,

symbole du dieu est un serpent sacré, que l’initié faisait glisser sous les plis de son vêtement’". » Ce rite, sym- bole de l’union mystique du dieu avec une déesse, pui’s avec l’initié", fait songer à l’union du serpent avec Perséphonè. Zagreus, le produit de cette union, n’aurait-il pas été, lui aussi, un dieu serpent ? C’est l’opinion de M. S. Keinach’^ qui interprèle des textes d’Athénagoras et de Nonnos" comme faisant naître Zagreus (xepoev ppé-foç) du commerce de deux serpents (Zeus el Perséphonè). M. Reinach indique à ce propos des analogies avec l’œuf-serpent des Gaulois, né de l’accouplement de serpents divins ’". Y aurait-il eu quelque influence de lorphisme sur la religion gau- loise ? Ne faudrait-il pas plutôt songer au souvenir commun de quelque tradition primitive ? En tout cas, Zagreus, en tant que serpent cornu, aurait, sans doute, un caractère chlhonien, qui s’accorderait avec celui que nous savons par ailleurs avoir été le sien.

Des analogies manifestes existent, d’autre part, entre Zagreus el le Dionysos Cretois [bacciius, p. .594, 600, 62-2, 623, 632, 636]. Ce dernier, fils de Zeus el de Persé- phonè ’% ou de Zeus el de Dèmèter ’", aurait été mis en pièces par les fils de la Terre ; mais Démêler aurait réuni ses membres déchirés, et le dieu aurait été rendu à la vie. Telle est la forme la plus simple du mythe Cretois, selon le récit de Diodore,. qui fait remarquer la ressemblance de cette légende avec celle que rapportent les poèmes orphiques . C’est la mort violente, puis la renaissance d’un dieu. Les Orphiques ont-ils directe- ment emprunté à la Crète son Dionysos" ? Tout ce que l’on peut dire, c’est que Zagreus parait avoir été une divinité crétoise. Des monnaies de la ville de Priansos " et différents témoignages semblent l’atlester ^° ; le culte de Dionysos-Zagreus était même associé en Crète à celui de la Mère des Dieux el du Zeus de l’Ida ; peut-être s’accompagnail-il, depuis une époque reculée, du rite de l’omophagie et de diverses cérémonies, comme le transport dans la ciste du cœur ou des jouets de l’enfant divin. Euripide parle des prêtres Cretois de Zagreus, qui formaient sans doute un collège de Curèles-’.

Les prétendues origines égyptiennes de l’orphisme-^ ne contrediraient pas ce que nous venons de dire de la Crète, car le Dionysos crélois (comme le Dionysos altique) était peut-être d’importation égyptienne ; Osiris, qu’on a supposé être le prototype des différents Dionysos helléniques, était, comme Zagreus, un dieu sujet à la mort, qui tombe sous les coups de ses enne- mis, dont les membres épars sont rassemblés el qui est rappelé à la vie-^.

N’oublions pas non plus que les influences asiatiques furent sensibles dans les religions Cretoises. On a fait remarquer que le nom de Zagreus, qui signifie le « Grand Chasseur » (Za augmentatif et àyDEÙî, d’après les étymologisles anciens) ’■'*, rappelle la qualité de chas-

264. _ 14 s. liciiiach, op. t. p. 63 suiv. — 15 Diod. V, 75. 4. — ’« Diod. III. 6i. fi ; Foucart, Culte de Dionysos en Attique, p. 33. Une tradition lui donne pour more Leucothea, très vieille divinité appartenant au Parilbéon de la Crète ((•"oucarl, op. I. p. 17) — " Diod. /. c. — ’8 Foucarl, op. l. p. 34, 34. — 19 Head, Bisl. numm. (J’ éd.), p. 476. — !" Diod. /. c. ; Firm. Malernus, De err. pro/an. relig. p. 9 Burs. Fr. XLVIll Nemétliy (cité par Maas. op. l. p. 1U2 note, et par Lobeck, op. t. p. 370-571) ; Euripid. Fragm. 472. — 21 Firni. Mat. /. c. ; Euripid. l. c. ; Maas, op. ;. p. 102, 103 note. — 22 pi.it. Fragm. incert. lihr. LXXXIV éd. Diibmr (Didot), l. V, p. 55 ; Herod. Il, 81 ; Foucart. op. t. l. c. - a» Foucart, op. I. p. -"J, 33-35, 63, 139,161. — 24 Étym. magn. ; Mtym. Oiid. s. v.