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On peut donc considérer comme certain que tout au moins la plupart de nos signes du zodiaque sont les mêmes qu’avaient déjà dessinés dans le ciel, à une période très reculée, les prêtres astronomes de Babylonie. Il est moins aisé d’établir à quelle époque ces signes furent mis en rapport avec une division de l’écliptique en douze portions égales de trente degrés, dont le soleil parcourait chacune en un mois[1]. Car, comme le font déjà remarquer les anciens[2], les douze cases régulières ainsi déterminées ne coïncident que très approximativement avec les signes de dimensions fort inégales dont elles prirent les noms ; mais — et c’est la seule chose qui nous importe ici — les « Chaldéens » (Χαλδαῖοι), C’est-à-dire les astronomes et astrologues de l’époque perse et alexandrine (chaldaei), étaient certainement arrivés à ce système scientifique au moment où les Grecs entrèrent en rapports avec eux[3].

Ces Chaldéens partageaient aussi le temps en cycles de douze années, placées chacune sous le patronage d’un des signes qui lui donnait des propriétés particulières. Nous sommes instruits de celles-ci par plusieurs « Dodécaétérides chaldaïques », conservées en grec, dont la plus ancienne date de l’époque d’Auguste[4]. D’autre part, des textes astrologiques, notamment des extraits de Teukros le Babylonien, qui paraît avoir vécu au ier siècle de notre ère, mettent la série des douze heures (δωδεκάωρος) en rapport avec douze animaux, qui répondent chacun à un des signes du zodiaque et sont représentés à côté d’eux sur le « planisphère de Bianchini » (p. 1053)[5]. On n’a pu déterminer encore avec certitude si ce cycle d’animaux, dont l’usage s’est propagé jusque dans le Turkestan, en Chine et au Japon, où il sert encore à marquer la chronologie[6], est d’origine égyptienne, comme la présence parmi eux de l’ibis et du crocodile tendrait à le faire croire, ou babylonienne, comme d’autres indices semblent, à mon sens, le prouver. Mais on peut considérer comme suffisamment établi que les « Chaldéens » avaient imaginé un vaste système de « chronocratories »[7], qui soumettait aux douze constellations zodiacales, non seulement les douze heures et les douze mois[8], mais des séries de douze ans, peut-être même de douze siècles. C’est assez dire quelle était l’importance de ces constellations dans la vie pratique et dans la religion astrale. Ces mêmes Chaldéens avaient probablement aussi divisé la terre connue de leur temps en douze régions, placées chacune sous l’influence d’un des douze signes[9]. La plus ancienne de ces listes géographiques qui nous soit conservée en grec est encore tout archaïque et remonte vraisemblablement à l’époque perse[10].

I. Propagation du zodiaque. — Le zodiaque est donc une création des prêtres astronomes de Babylonie ; issu de leurs écoles sacerdotales, il garda toujours de cette origine première un double caractère, scientifique et religieux, ou, si l’on préfère, superstitieux. Il servit de base aux observations des astronomes, qui notèrent en se servant de ses douze cases la position des planètes, et aux prédictions des astrologues, qui regardèrent ses astérismes et les sept planètes comme les foyers principaux des influences qui agissaient sur la terre. En même temps il fut l’objet d’un culte dans les religions astrales, qui divinisaient ses douze constellations. Bien que les savants grecs en aient eu connaissance dès le vie siècle, c’est seulement avec la diffusion de l’astrologie et de l’astrolâtrie sémitiques qu’il se vulgarisa et qu’on vit se multiplier les monuments qui le représentaient.

La Syrie subit plus que toute autre contrée l’ascendant du clergé babylonien et le paganisme sémitique se transforma en une religion astrale, où les Baals, vieux maîtres des tribus et des cités, mués en dieux solaires, conduisirent le chœur des étoiles[11]. Certainement depuis la période hellénistique, ses prêtres aussi bien que ses fidèles étaient fort adonnés à l’astrologie chaldéenne[12], et la puissance de celle-ci est attestée par une quantité de monuments. Particulièrement caractéristique est une tablette de terre cuite, datant de cette époque, qui a été exhumée des ruines de Gezer en Palestine : elle porte l’image de plusieurs signes du zodiaque, peut-être copiés sur un kudurru, et le sceau qui a servi à les imprimer est manifestement d’origine mésopotamienne[13]. S’il n’est pas certain que ces groupes d’étoiles soient nommés dans l’Ancien Testament[14], on sait du moins que les Pharisiens, qui n’avaient pas échappé à la contagion astrologique, traduisirent leur nom en hébreu[15], et le symbolisme d’exégètes hellénisés prétendit voir dans les douze pains de proposition les emblèmes des astérismes du zodiaque et des mois de l’année, comme dans le chandelier à sept branches ceux des planètes et des jours de la semaine[16]. Au nord de la Syrie, la dynastie de Commagène, qui se prétendait issue de Darius, paraît avoir eu une foi profonde en la puissance des étoiles. Antiochus Ier fit placer sur son tombeau monumental, élevé sur un éperon du Taurus, un bas-relief montrant son thème de géniture (97 av. J.-C.), où les planètes Jupiter, Mars et Mercure, réunies dans la constellation du Lion, présageaient les hautes destinées de l’enfant royal (fig. 7587)[17]. Il fit aussi graver le signe du Lion sur ses monnaies[18] ; ses successeurs Antiochus IV Épiphane (38-72 ap. J.-C.) et Callinicus (72 ap. J.-C.) placèrent de même le Scorpion ou le Capricorne, non seulement sur les monnaies de Commagène, mais sur celles des villes de Cilicie qui en dépendirent tempo-

  1. Ce zodiaque solaire paraît avoir succédé à un zodiaque lunaire, formé de 27 ou 28 mansions, tel qu’on le retrouve chez les Arabes, les Hindous (infra, p. 1050, n. 9), et les Chinois ; cf. Bouché-Leclercq, p. 55 sq. : Boll, Sphaera, p. 333, n. 2.
  2. Geminus, c. 1, etc.
  3. Le témoignage des auteurs grecs est formel : Sextus Empiricus, Adv. astrol. 5 [division en ζῴδια, chaque ζῴδιον en 30 μοῖραι, chaque μοῖρα en 60 λεπτά] ; Diodor. Sic. II, 30, 7 ; Philo, De Abrah. 15 § 70 (IV, p. 17 Cohu), etc. Il a été confirmé par les tablettes cunéiformes, qui prouvent que la division du ciel en 360 degrés et douze signes était en usage au moins depuis le vie siècle ; cf. Boll, Sphaera, p. 486 et infra, p. 1050.
  4. Dodecaeteris Chaldaïca : Censorin. De die nat. 18, 6. Cf. Cat. codd. astrol. t. II, p. 139 sq. ; III, p. 30 ; V, 1, p. 174, 24 et Boll, Sphaera. p. 329 sq. ; Heeg, Die orphischen Ἔργα καὶ ἡμέραι, 4907, p. 11 sq.
  5. Boll, Sphaera, p. 295 sq. et dans Toung Pao, XIII, 1912. p. 691-718.
  6. Chavannes, Le cycle des douze animaux, dans Toung Pao, VII, 1906, p. 51-122.
  7. Bouché-Leclercq, Astrol. grecque, p. 487 sq.
  8. Association de douze mois et de douze dieux aux signes du zodiaque, cf. infra, p. 1055.
  9. Jastrow, op. cit. II, p. 506.
  10. Cumont, La plus ancienne géographie astrologique, dans Klio, IX, 1909. p. 272 sq.
  11. Cf. Cumont, Religions orientales, 2e éd. p. 183 sq., 197.
  12. Ibid. p. 397, n. 57.
  13. Macalister, The excavations of Gezer, 1912, p. 346 ; cf. Quarterly statement of the Palest. explor. Fund. 1908. p. 26 sq.
  14. Certains interprètes traduisent ainsi le mot « mazzarôth » ou « mazzaléth » (Job, 35, 32 ; Reg. II, 23, 5, mais cette signification est très douteuse ; cf. Schiaparelli, Die Astronomie des alten Testaments, 1904, p. 68 sq.
  15. Épiphan. Adv. haeres. 16 § 2, p. 34 C.
  16. Joseph. Bell. Iud. V. 5, 247 ; VII, 5, 149 ; Ant. Iud. III, 7, 182.
  17. Humann et Puchstem, Reise in Nord-Syrien, Berlin, 1591, pl. XI et p. 333. Le moment indiqué serait celui de la conception (17 juillet 97 av. J.-C.), mais cf. Bouché-Leclercq, op. cit. p. 373, n. 2 : 439. Depuis la publication de Vellius Valens (I, 22, p. 45, éd. Kroll) nous savons que Ζεῦς Ἅρης Ἑρμῆς ἀποτελοῦσιν βασιλικὰ ἢ πολιτικὰ πράστοντας.
  18. Babelon, Catal. monnaies Bibl. Nat. : Rois de Syrie 1890, p. 218, no 6.