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PRINCIPES ÉLÉMENTAIRES


DE LA GRAMMAIRE FRANÇAISE.


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La grammaire est l’art de parler et d’écrire correctement. Pour parler et pour écrire, on emploie des mots : les mots sont composés de lettres, et sont des signes de nos idées.

Il y a deux sortes de lettres : les voyelles et les consonnes.

Les voyelles sont au nombre de six : a, e, i, o, u et y. On les appelle voyelles, parce que, seules, elles forment une voix, un son.

Il y a trois sortes d’e : e muet, é fermé, è ouvert.

L’e muet, comme à la fin de ces mots, homme, monde : on l’appelle, muet, parce que le son en est sourd et peu sensible.

L’é fermé, comme à la fin de ces mots, bonté, café : cet é se prononce la bouche presque fermée.

L’è ouvert, comme à la fin de ces mots, procès, accès, succès : pour bien prononcer cet è, il faut appuyer dessus, et desserrer les dents.

L’y grec s’emploie le plus souvent pour deux ii, comme dans pays, moyen, joyeux : prononcez pai-is, moi-ien, joi-ieux.

Il y a dix-neuf consonnes ; savoir : b, c, d, f, g, h, j, k, l, m, n, p, q, r, s, t, v, x, z. Ces lettres s’appellent consonnes, parce qu’elles ne forment un son qu’avec le secours des voyelles, comme ba, be, bi, bo, bu ; ca, ce, ci, co, cu ; da, de, di, do, du, etc.

La lettre h ne se prononce pas dans certains mots : l’homme, l’honneur, l’histoire, etc., qu’on prononce comme s’il y avait l’omme, l’onneur, l’istoire ; alors on l’appelle h muet : quoiqu’elle ne se prononce pas, elle figure également au nombre des consonnes.

Mais dans les mots suivants : la haine, le hameau, le héros, la lettre h fait prononcer du gosier la voyelle qui suit ; alors on l’appelle h aspiré : ainsi l’on écrit, et l’on prononce séparément les deux mots : la haine, et non pas l’haine ; les héros, et non pas les zhéros.

Des Voyelles longues et brèves.

Les voyelles longues sont celles sur lesquelles on appuie plus long-temps que sur les autres en les prononçant.

Les voyelles brèves sont celles sur lesquelles on appuie moins long-temps.

Par exemple, a est long dans pâte pour faire du pain ; il est bref dans pate d’animal.

e est long dans tempête, et il est bref dans trompette.

i est long dans gîte, et bref dans petite.

o est long dans apôtre, et bref dans dévote.

u est long dans flûte, et bref dans butte.

Pour marquer les différentes sortes d’e, et les voyelles longues, on emploie trois petits signes, que l’on appelle accents ; savoir : l’accent aigu (’), qui se met sur les é fermés, bonté ; l’accent grave ( ῾ ), qui se met sur les è ouverts, accès ; et l’accent circonflexe (^), qui se met sur la plupart des voyelles longues, apôtre.

Il y a en français dix sortes de mots, qu’on appelle les parties du discours, savoir :

Le Nom, l’Article, l’Adjectif, le Pronom, le Verbe, le Participe, la Préposition, l’Adverbe, la Conjonction, l’Interjection.


CHAPITRE PREMIER.Première espèce de mots.


Le Nom.


Le Nom ou Substantif est un mot qui sert à nommer une personne ou une chose, comme Lucien, Jean, livre, chapeau.

Il y a trois sortes de noms : nom commun, nom propre, et nom collectif.

Le nom commun est celui qui convient à plusieurs personnes, ou à plusieurs choses semblables : homme, cheval, maison, sont des noms communs ; car le nom homme convient à Lucien, à Jean, etc.

Le nom propre est celui qui ne convient qu’à une seule personne ou à une seule chose, comme Adam, Ève ; Lyon, la Seine.

Le nom collectif est celui qui exprime, la collection ou réunion de plusieurs objets ; Troupeau, forêt, etc., sont des noms collectifs.

Dans les noms il faut considérer le genre et le nombre.

Il y a en français deux genres  : le masculin et le féminin. Les noms d’hommes ou de mâles sont du genre masculin, comme un roi, un lion ; les noms de femmes ou de femelles sont du genre féminin, comme une reine, une lionne. Ensuite, par imitation, l’on a donné le genre masculin et le genre féminin à des choses qui ne sont ni mâles ni femelles, comme un livre, une table, le soleil, la lune.

Il y a deux nombres : le singulier et le pluriel. Le singulier, quand on parle d’une seule personne ou d’une seule chose, comme un homme, un livre ; le pluriel, quand on parle de plusieurs personnes ou de plusieurs choses, comme les hommes, les livres.

Comment se forme le pluriel dans les noms ? Règle générale.

Pour former le pluriel, ajoutez s à la fin du nom : le roi, les rois ; la reine, les reines ; le livre, les livres ; la table, les tables.

Première remarque. — Les noms terminés au sing. par s, z, x, n’ajoutent rien au plur. : le fils, les fils ; le nez, les nez ; la voix, les voix.

Deuxième remarque. — Les noms terminés au sing. par au, eu, ou, prennent x au pl. : le bateau, les bateaux ; le feu, les feux, le caillou, les cailloux.

Troisième remarque. — La plupart des noms terminés au singulier par al, ail, font leur pluriel en aux : le mal, les maux ; le cheval, les chevaux ; le travail, les travaux (excepté détails, éventails, portails, gouvernails, camails, épouvantails) ; aïeul, ciel, œil, font au pluriel aïeux, cieux, yeux. Ail (sorte d’ognon) fait aulx au pluriel ; mais les mots qui suivent : le régal, le bal, prennent le s au pluriel. Les régals, les bals. Travail fait aussi travails au plur., lorsqu’il indique une machine de bois dans laquelle les maréchaux attachent les chevaux fougueux pour les ferrer, ainsi que lorsqu’il signifie le compte qu’un ministre rend au souverain, ou le rapport qu’un commis présente au ministre. Le ministre a eu plusieurs travails avec le roi depuis huit jours. Ce commis a deux travails par semaine avec le ministre.

Quatrième remarque. — On supprime communément le t dans le pluriel des mots terminés en ant ou ent, les enfans, les monumens ; et, par exception, on conserve le t dans les monosyllabes, les gants, les vents ; mais il vaudrait mieux ne jamais supprimer le t, comme faisaient les anciens auteurs, et comme beaucoup le font encore aujourd’hui ; car le pluriel ne doit se marquer que par une lettre de plus, le s, sans en ôter. Ainsi, il faut écrire, amitié, amitiés ; événement, événements.

Cinquième remarque. — En général, les noms de métaux ne prennent point le pluriel ; on ne dit point les ors, les argents, etc. ; on dit les fers, les cuivres, lorsque ces métaux sont comme mis en œuvre, et divisés par parties.

Sixième remarque. — Plusieurs adjectifs s’emploient quelquefois substantivement, comme le long, le bon, le vrai, l’utile, etc., et alors ils ne sont pas susceptibles de pluriel. Il en est de même de certains verbes qui s’emploient substantivement, comme le boire, le manger, etc.

Il y a quelques substantifs qui n’ont point de singulier, tels que les ancêtres, les funérailles, les pleurs, les ténèbres, les vêpres ; etc.

Septième remarque. — Plusieurs mots pris du latin, et employés substantivement, ne changent point, c’est-à-dire, s’écrivent au singulier comme au pluriel ; tels sont les accessit, les alibi, les duo, les errata ; cependant il en est quelques-uns qui aujourd’hui prennent le s, comme les alinéas, les cœcums, les numéros, les opéras, les quiproquos, les zéros, etc.

Huitième remarque. — Quand les noms propres ne font que distinguer les personnes par leur nom, ils ne prennent pas de s au pluriel : ainsi l’on écrira, Les deux Corneille se sont illustrés dans les lettres ; les Scipion, les Turenne, se sont rendus célèbres dans l’art militaire : mais lorsqu’on comprend dans ces noms propres les personnes qui ont une ressemblance avec ceux qui les ont portés primitivement, alors ils prennent le pluriel, parce qu’ils deviennent des noms communs. Ainsi, Ces deux princes furent considérés comme les Alexandres de leur siècle ; on ne voit pas toujours des Homères, des Virgiles, etc.