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LII RÈGLES GÉNÉRALES

rente ; partout, avec la liberté que l’on a de construire la même phrase de plusieurs manières, la ponctuation se trouve augmentée ou diminuée d’après ces nouveaux arrangements de mots. Il faut donc renoncer à présenter quelques règles de ponctuation pour le latin ; elles deviendraient insignifiantes èt infructueuses ; nous engageons les jeunes gens qui font leurs études, à reconnaître les ponctuations qu’ont suivies les auteurs célèbres de l’antiquité.

Cependant, pour les mettre à portée de distinguer en quoi consiste cette différence, il n’est besoin que de consigner ici quelques passages.

Et procidentes adoraverunt eum :

Et, se prosternant, ils l’adorèrent.

Dans le français on met se prosternant entre deux virgules, parce que ces deux mots marquent une action indépendante de l’idée dans laquelle elle est enclavée. Mais, le latin ne comportant point l’article ils, le mot procidentes semble le réunir en lui-même ; et l’on pourrait traduire ainsi : Les prosternants, ou ceux qui se prosternaient l’adorèrent.

On peut encore prendre pour exemples ceux-ci puisés dans les règles établies par M. Boiste, pour concevoir combien il est important de suivre une ponctuation convenable et régulière dans le latin comme dans le français, afin d’éviter toute ambiguïté. Premier exemple :

Regem occidere noli timere, bonum est : si omnes consentiunt, ego non ; dissentio.

Regem occidere noli timere, bonum est ; si omnes consentiunt, ego non dissentio.

Telles sont les paroles qu’écrivit Fairfax, sans ponctuation, au bas de la sentence de mort prononcée par Charles Ier : elles furent prises dans le sens que présente la seconde ponctuation ; celui que présente la première lui aurait fourni les moyens de se-disculper en cas de besoin. Second exemple ;

Porta patens esto nulli, claudatur honesto.

Porta païens esto, nulli claudatur honesto.

Un abbé avait fait graver ces mots sur le portail de son abbaye ; il en fut privé par le pape, indigné du sens que lui offrait la première ponctuation qu’un ouvrier maladroit avait, par méprise, substituée à la seconde. Troisième exemple :

Hic jacet miles strenuus, parum jactabundus, multhm vigil, nunquàn fugax, semper diligens, in mensa parcus, in acie metuendus, amicis vitii. carens, virtute summa.

Hic jacet miles strenuus parùm, jactabundus multùm. vigil nunquàm fugax semper, diligens in mensâ, parcus in acie, metuendus amicis vitiis carens virtute summâ.

On voit, par cette épitaphe, que les qualités que désignent la ponctuation particulière de chaque article, convenaient ou ne convenaient pas à l’individu auquel elle est appliquée ; on voit également que chaque repo. sie forme aucune ambiguïté dans le sens partiel, mais que seulement on es ; persuadé que la première ponctuation est mieux appliquée pour un hommi dont on veut relever le mérite : c’est sans doute par l’ignorance de cel qui l’a rédigée ou fait rédiger, que la seconde ponctuation se trouve contraire aux vues et aux sentiments d’estime qu’on se plaît à offrir à celui qui les a mérités de son vivant.

Sans m’arrêter davantage sur la ponctuation convenable pour le latin j’observerai donc qu’en général celui qui étudie le latin est entraîné, malgré lui, à suivre une ponctuation de sens, et à ne pas commettre des erreurs sous ce point de vue, comme on en commet dans le français ; car il est bien reconnu que notre langue, dont la marche est droite dans la construction de ses mots, ne ressemble en rien au langage des Cicéron et des Tacite, qui n’a qu’une marche de circuit, et tout le mécanisme tortueux auquel nous accordons tant d’avantages. Distinguons donc le mieux possible les diverses variations, les différentes inversions qui lui donnent la primauté sur toutes les autres langues.



RÈGLES GÉNÉRALES DE LA VERSIFICATION FRANÇAISE.


LA versification française est l’art de faire des vers suivant certaines règles.

L’explication par règles qu’on peut en donner regarde ou la structure des vers, ou la rime, ou le mélange des vers les uns avec les autres.

Les règles de la versification française regardent : 1o le nombre des syllabes qui doivent entrer dans les vers ; 2o la césure ou l’hémistiche qui doit y marquer un repos ; 3o la rime qui les termine ; 4o les mots qui ne peuvent entrer, soit dans les vers de telle ou telle mesure, soit dans aucune espèce de vers ; 5o les licences que les poëtes peuvent se permettre ; 6o les diverses manières dont les vers doivent être arrangés entre eux, dans les différentes espèces de poëmes ou de pièces de vers.


ARTICLE PREMIER.


De la structure des vers, et du nombre des syllabes.

Le vers français ne se mesure point par le nombre des mots, mais par le nombre des syllabes ; on n’y comprend pas même la dernière syllabe de la fin d’un vers lorsqu’elle est féminine, parce qu’alors elle est regardée comme muette.

Il y a des vers de douze, de dix, de huit, de sept, de six, de cinq, de quatre, de trois, de deux syllabes, et même d’une seule syllabe.

Exemple de vers de douze syllabes.


Ce-lui qui met un frein à la fu-reur des flots,
Sait aus-si des mé-chants ar-rê-ter les com-plots.


(RACINE.)


Ces vers s’appellent alexandrins, parce qu’ils furent, dit-on, employés pour la première fois par un poëte nommé Alexandre ; héroïques, parce qu’ils sont principalement en usage dans les ouvrages héroïques, les tragédies, les poëmes épiques, etc. ; ou bien on les nomme simplement grands ; vers.


Exemple de vers de dix syllabes.

Nais-sez, mes vers, sou-la-gez mes dou-leurs,
Et sans ef-fort con-lez avec mes pleurs.

(PARNY.)



Exemple de vers de huit syllabes


Ne for-cons point no-tre talent,
Nous ne fe-rions rien a-vec grâce :
Ja-mais un lour-daud, quoi qu’il fasse,
Ne sau-rait pas-ser pour ga-lant.


(LA FONTAINE.)

Exemple de vers de sept syllabes


Pas an seul pe-tit mor-ceau
De mou-che ou de ver-mis-seau.


(LA FONTAINE.)

Exemple de vers de six syllabes


A soi-mê-me o-di-eux,
Le sot de tout s’ir-rite ;
En tons lieux il s’é-vite,
Et se trou-ve en tons lieux.


Exemple de vers de cinq syllabes.


Dans ces prés fleu-ris
Qu’ar-ro-se la Seine,
Cher-chez qui vons mène,
Mes chè-res bre-bis.


(Mme DESHOULIÈRES.)

Exemple de vers de quatre syllabes.


Quand la per-drix
Voit ses pe-tits.


(LA FONTAINE)

Exemple de vers de trois syllabes.


Des Gan-lois,
Des bonr-geois
D’au-tre-fois.


( COLLÉ.)