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Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, II.djvu/71

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PRIÈRE




J’ai commencé par la Nature, qu’ils ont appelée ton ouvrage ; et je finirai par toi, dont le nom sur la terre est Dieu.

Ô Dieu ! je ne sais si tu es ; mais je penserai comme si tu voyais dans mon âme, j’agirai comme si j’étais devant toi.

Si j’ai péché quelquefois contre ma raison, ou la loi, j’en serai moins satisfait de ma vie passée ; mais je n’en serai pas moins tranquille sur mon sort à venir, parce que tu as oublié ma faute aussitôt que je l’ai reconnue.

Je ne te demande rien dans ce monde ; car le cours des choses est nécessaire par lui-même, si tu n’es pas ; ou par ton décret, si tu es.

J’espère à tes récompenses dans l’autre monde, s’il y en a un ; quoique tout ce que je fais dans celui-ci, je le fasse pour moi.

Si je suis le bien, c’est sans effort ; si je laisse le mal, c’est sans penser à toi.

Je ne pourrais m’empêcher d’aimer la vérité et la vertu, et de haïr le mensonge et le vice, quand je saurais que tu n’es pas, ou quand je croirais que tu es et que tu t’en offenses.

Me voilà tel que je suis, portion nécessairement organisée d’une matière éternelle et nécessaire, ou, peut-être, ta créature.

Mais si je suis bienfaisant et bon, qu’importe à mes semblables que ce soit par un bonheur d’organisation, par des actes libres de ma volonté, ou par le secours de ta grâce ?

Et toutes les fois [jeune homme], que tu réciteras ce symbole de notre philosophie, lu liras aussi ce qui suit :

[Il n’appartient qu’à l’honnête homme d’être athée.

Le méchant qui nie l’existence de Dieu est juge et partie : c’est un homme qui craint, et qui sait qu’il doit craindre un vengeur à venir des mauvaises actions qu’il a commises.