Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, III.djvu/451

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


DES TEMPS DE CHARLEMAGNE ET D’ALFRED.

Charlemagne en France, Alfred en Angleterre, ont fait à peu près ce qu’ils pouvaient faire de mieux. L’Europe entière était barbare. Il n’y avait ni sciences ni arts. Tout ce qui en avait existé autrefois était recelé dans des ouvrages anciens qu’on n’entendait pas. Dans ces circonstances, quel parti prendre ? Celui de s’occuper de la science des mots ou de l’étude des langues, clef de ces vieux sanctuaires fermés pendant tant de siècles. Mais depuis qu’on en a tiré ce qu’ils contenaient de richesses ; depuis que les arts et les sciences ont fait des progrès immenses ; que la science s’est mise à parler vulgairement, et que les idiomes anciens ne sont plus utiles qu’à quelques conditions particulières de la société, l’ordre et la nature de l’enseignement doivent être tout à fait différents ; et il serait bien singulier, pour ne rien dire de plus, qu’une école publique, une école où l’on recevrait indistinctement tous les sujets d’un empire, s’ouvrît par une étude, par une science qui ne conviendrait qu’à la moindre partie d’entre eux. À ces raisons j’en ajouterai beaucoup d’autres non moins péremptoires pour renvoyer la connaissance du grec et du latin presque à la fin du cours des études d’une université.


POSITION AVANTAGEUSE DE SA MAJESTÉ IMPÉRIALE.

Je me contenterai d’observer ici que le moment où Sa Majesté Impériale forme le projet d’une université est très-favorable. L’esprit humain semble avoir jeté sa gourme ; la futilité des études scolastiques est reconnue ; la fureur systématique est tombée ; il n’est plus question d’aristotélisme, ni de cartésianisme, ni de malebranchisme, ni de leibnitzianisme ; le goût de la vraie science règne de toutes parts ; les connaissances en tout genre ont été portées à un très-haut degré de perfection. Point de vieilles institutions qui s’opposent à ses vues ; elle a devant elle un champ vaste, un espace libre de tout obstacle sur lequel elle peut édifier à son gré. Je ne la flatte point, je parle avec sincérité, lorsque j’assure que, sous ce point de vue, sa position est plus avantageuse que la nôtre.