Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/129

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Ce court fragment, qu’il ne faut pas confondre avec la petite pièce de vers, sous le même titre[1], attribuée à J.-R. Rousseau, n’a pas trouvé sa place dans le Dictionnaire des Anonymes de Barbier. C’est en partie pour inviter les éditeurs de la nouvelle édition de cet utile répertoire à faire quelques recherches à son sujet, et en partie pour montrer quelque condescendance pour l’avis de M. Walckenaer, que nous le plaçons ici.




J’ai parcouru toutes les contrées de l’univers, j’ai examiné les mœurs, les usages, les coutumes de tous les pays qui le composent, et partout j’ai vu la superstition, les prestiges, l’intérêt, le préjugé, l’orgueil même tenir lieu de toute religion. J’ai rencontré l’homme partout, et n’ai trouvé Dieu nulle part.

Plein de mille idées confuses et accablantes, incapable de concevoir un infini, et de me comprendre moi-même ; choqué de toutes parts ou d’un culte ridicule qu’abjure le bon sens, ou d’une religion absurde qui anéantit toute Divinité, j’étais prêt à n’admettre que l’existence des choses sensibles et palpables, lorsque tout à coup j’entends parler d’une nation qui n’adore qu’un Dieu, et pour Dieu, qu’un pur Esprit, qu’un Être simple, qu’un Être souverainement parfait. Je cours, je vole parmi les Juifs dans l’espérance de trouver enfin la vérité.

Je veux être instruit, je demande des livres, je lis ; que de grandeur, que de puissance, que de merveilles !

Il ordonne : et aussitôt des esprits dégagés de toute matière, des hommes composés d’un corps et d’un esprit, vivent, pensent, agissent.

La terre, cette masse énorme suspendue dans la vaste étendue des airs, les cieux, les astres qui l’éclairent, les mers qui l’environnent, les fleuves qui l’arrosent, les animaux, les plantes, tout sort du chaos, tout suit par un pouvoir irrésistible ce premier mouvement que la main du Tout-Puissant lui a imprimé, tout concourt à former un ordre parfait, tout parle, tout annonce un Ouvrier intelligent, un Créateur tout-puissant.

  1. M. Walckenaer écrit Moïsiade, titre qui se trouve, en effet, dans certaines éditions des Œuvres philosophiques de Fréret, mais non dans l’édition originale.