Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/432

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d’une femme, et à l’excéder de protestations pour la subjuguer. C’est de ces gens prêts à mourir cent fois pour vous, et dont une misérable petite complaisance vous débarrasse ; mais vous, ce n’est pas cela ; et quelque répugnance que vous ayez pour les hiboux, je gage que vous la vaincriez, si j’avais attaché mes faveurs aux caresses que vous feriez au mien. »

« Seigneur, dit Génistan à son père, les autres femmes ont un serin, une perruche, un singe, un doguin. Trocilla en était, elle, pour les hiboux… Oui, seigneur, pour les hiboux !… De tous les oiseaux, c’est le seul que je n’ai pu souffrir. Trocilla en avait un qu’elle ne montrait qu’à ses meilleurs amis. »

la sultane.

Que beaucoup de gens avaient vu.

le premier émir.

« Et qu’on me présenta sur-le-champ. « Voyez mon petit hibou, me dit-elle ; il est charmant, n’est-ce pas ? Ce toquet blanc à la housarde, qu’on lui a placé sur l’oreille, lui fait à ravir. C’est une invention de mes boiteuses. Ce sont des femmes, admirables. Mais vous ne me dites rien de mon petit hibou ?

« — Madame, lui répondis-je, vous au­riez pu, je crois, prendre du goût pour un autre animal. Il n’y a que vous aux Indes, à la Chine, au Japon, qui se soit avisée d’avoir un hibou en toquet.

« — Vous vous trompez, me répondit-elle : c’est l’animal à la mode : et de quel pays débarquez-vous donc ? Ici tout le monde a son hibou, vous dis-je, et il n’est pas permis de s’en passer. Promettez-moi donc d’avoir le vôtre incessamment ; je sens que je ne puis vous aimer sans cela. »

« Je lui promis tout ce qu’elle voulut, et je la pressai d’abréger mon impatience. »

la sultane.

Je crois, émir, qu’il est à propos que je me rendorme. Me voilà rendormie ; continuez.

la première femme.

« Elle y consentit, mais à condition que j’aurais un hibou.

« Ah ! plutôt quatre, madame, » lui répondis-je.