Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/443

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la seconde femme.

« Prince, lui dit-elle un jour, peu de temps après leur mariage, les lois de l’empire défendent la pluralité des femmes ; mais les grands princes sont au-dessus des lois. »

la sultane.

Voilà ce que je n’aurais pas dit, moi.

la seconde femme.

« Je consentirai sans peine à partager votre tendresse avec Lively. »

la sultane.

Fort bien cela.

la seconde femme.

« Mais plus de voyage chez Trocilla. »

la sultane.

À merveille.

la seconde femme.

« Des femmes de sens ne doivent-elles pas être bien flattées des sentiments qu’on leur adresse, lorsqu’on en porte de semblables chez une dissolue qui n’a jamais aimé, qui n’a rien dans le cœur, et qui pourrait vous précipiter dans des travers nuisibles à mon bonheur, au vôtre, à celui de vos sujets ? Qui vous a dit que cette impérieuse folle ne s’arrogera pas le choix de vos ministres et de vos généraux ? qui vous a dit qu’un moment de complaisance inconsidérée ne coûtera pas la vie à cinquante mille de vos sujets, et l’honneur à votre nation ? J’ignore les intentions de Lively ; mais je vous déclare que les miennes sont de n’avoir aucune intimité avec un homme qui peut se livrer à Trocilla et à ses hiboux. »

la sultane.

Ce discours de Polychresta m’enchante.

la seconde femme.

Le prince était disposé à sacrifier Trocilla, pourvu qu’on lui accordât Lively.

la sultane.

Notre lot est d’aimer le souverain, d’adoucir le fardeau du sceptre, et de lui faire des enfants. J’ai quelquefois demandé des places au sultan pour mes amis, jamais aucune qui tînt à l’honneur ou au salut de l’empire. J’en atteste le sultan. J’ai