Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, IV.djvu/501

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Nous voyons s’éloigner de nous, pour jamais, ce respect du peuple auquel nous avons sacrifié les sentiments aimables de l’amour et de l’amitié, et les charmes de l’humanité. Le voile du mépris nous couvre, et nous voyons briller dans tout son éclat le mérite qui nous méprise. La jalousie et les regrets nous dévorent, le plaisir n’habite point en nous, et nous ne sentons notre âme que par les passions qui la tourmentent[1]. »

« Je fus consterné de ce discours. J’y pensai longtemps et avec fruit ; je quittai mon habit de religieux, et je me rendis chez un sage. « Je viens me dérober, lui dis-je, à des hommes séparés de leurs semblables, qui en sont haïs, et qui les haïssent ; je viens m’instruire avec vous. — Sadi, me répondit le sage, ton cœur est sensible et bienfaisant ; tu sais tout. Vis avec nous[2]. »


fin du tome quatrième.
  1. Tout ceci est évidemment provoqué par l’arrêt rendu cette année même, 1759, contre l’Encyclopédie.
  2. Nous ne renvoyons pas, pour cet extrait du second chapitre, au Gulistan de M. Defrémery, et pour cause. Il n’y a aucun rapport entre la prétendue traduction de Diderot et le texte. Que le traducteur ait pris de ci, de là, dans les historiettes de ce chapitre, quelques-uns des traits de sa peinture, nous le reconnaissons ; mais, en les combinant comme il l’a fait, il en a tiré non du Sadi, mais du Diderot, et du Diderot philosophe français du xviiie siècle, c’est-à-dire quelque chose d’assez différent d’un poëte persan, moraliste du xiie. On peut cependant reconnaître une certaine parenté entre le développement de Diderot et la 40e historiette du liv. II du Gulistan : « Un sage vint du monastère au collège, et rompit son pacte de société avec les gens de l’ordre (les soufis). Je dis : « Quelle différence y a-t-il entre le savant et le religieux, pour que tu choisisses cette société-ci de préférence à celle-là ? » Il répondit : « Celui-ci (le religieux) sauve des flots son propre manteau, et cet autre (le savant) fait des efforts pour saisir le noyé. » {Traduction Defrémery.)