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Marc-Antoine-Nicolas de Croismare, écuyer, seigneur, patron et baron de Lasson. Il était chevalier de Saint-Louis, capitaine au régiment du Roi, infanterie. Il avait épousé, en 1735, Suzanne Davy de la Pailleterie dont il eut un fils qui mourut jeune et une fille, celle dont il est parlé dans l’annexe à la Religieuse. Il avait un frère, Louis-Eugène, qui, continuant le service militaire, devint maréchal de camp après la campagne d’Allemagne, en 1752. C’est à celui-ci que paraît se rapporter la notice de l’Armoriai du Bibliophile, 2e partie, p. 174.

Croismare, ou plutôt Croixmare, lieu d’origine de la famille, est un village du canton de Pavilly, arrondissement de Rouen. Mais notre marquis, de la branche de la Pinelière et de Lasson, habitait, quand il n’était pas à Paris, son château de Lasson, situé près de Creully, dans l’arrondissement de Caen. De là, il correspondait avec les artistes et les gens de lettres de son temps. Georges Wille, le graveur, dans son Journal, consigne, à la date du 29 mai 1760 : « Reçu un couteau magnifique en présent, de la part de M. le marquis de Croismare. Il me l’a envoyé de Normandie. » Grimm, dans sa Correspondance (1er juin 1756), enregistre deux sujets de pastels commandés au jeune Mengs, alors à Rome, par le marquis satisfait des travaux du même artiste qu’il avait vus chez le baron d’Holbach. C’était donc un de ces amateurs distingués, comme il y en avait plusieurs à cette époque, et, quoiqu’il fût « d’une laideur originale, cette laideur, dit de lui Galiani, était charmante et caractéristique. »

Dans les Curiosités littéraires de M. Lalanne (p. 351-52), le marquis de Croismare est donné comme le fondateur d’un ordre burlesque, celui des Lanturlus (refrain qui servit à nombre de chansons pendant près d’un siècle, de 1629 à la Régence). Il en fut, selon cet auteur, grand maître, et Mme de la Ferté-Imbault, fille de Mme Geoffrin, grande maîtresse. Cependant M. Dinaux, dans son histoire des Sociétés badines, galantes et littéraires, ne le nomme même pas parmi les dignitaires de cet ordre. Il est vrai que M. Dinaux ne commence son histoire que vers 1775, époque où fut nommé chevalier-grand-maréchal de l’ordre le comte de Montazet. À cette date, le marquis de Croismare était mort depuis deux ans, puisque Galiani lui a fait une sorte d’oraison funèbre en 1773.

Le marquis de Croismare avait un cousin plus jeune que lui, qui, d’après le Mercure de France, mourut la même année, le 22 mars. C’était le comte Jacques-René de Croismare, chevalier grand-croix de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, lieutenant général des armées du Roi et gouverneur de l’École royale militaire. C’est à lui qu’est adressée la première lettre de la religieuse (dans l’annexe de Grimm), laquelle écrit Croixmar.