Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, V.djvu/201

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longtemps malade ? Quand est-ce qu’on me permettra de manger ? Je ne me sens plus de ma chute, plus du tout. » Je vous fais ce petit détail, monsieur, parce que j’espère qu’il vous plaira. Il y avait dans son discours et son action tant d’innocence et de zèle, que j’en étais hors de moi. Je ne sais ce que je n’aurais pas donné pour que vous l’eussiez vue et entendue. Non, monsieur, ou je ne me connais à rien, ou vous aurez une créature unique, et qui fera la bénédiction de votre maison. Ce que vous avez eu la bonté de m’apprendre de vous, de mademoiselle votre fille, de monsieur votre fils, de votre situation, s’arrange parfaitement avec ses vœux. Elle persiste dans les premières propositions qu’elle vous a faites. Elle ne demande que la nourriture et le vêtement, et vous pouvez la prendre au mot si cela vous convient : quoique je ne sois pas riche, le reste sera mon affaire. J’aime cette enfant, je l’ai adoptée dans mon cœur ; et le peu que j’aurai fait pour elle de mon vivant lui sera continué après ma mort. Je ne vous dissimule pas que ces mots d’être son pis-aller et de la laisser libre d’accepter mieux si l’occasion s’en présente, lui ont fait de la peine ; je n’ai pas été fâchée de lui trouver cette délicatesse. Je ne négligerai pas de vous instruire des progrès de sa convalescence ; mais j’ai un grand projet dans lequel je ne désespérerais pas de réussir pendant qu’elle se rétablira, si vous pouviez m’adresser à un de vos amis : vous devez en avoir beaucoup ici. Il me faudrait un homme sage, discret, adroit, pas trop considérable, qui approchât par lui ou par ses amis de quelques grands que je lui nommerais, et qui eût accès à la cour sans en être. De la manière dont la chose est arrangée dans mon esprit, il ne serait point mis dans la confidence ; il nous servirait sans savoir en quoi : quand ma tentative serait infructueuse, nous en tirerions au moins l’avantage de persuader qu’elle est en pays étranger. Si vous pouvez m’adresser à quelqu’un, je vous prie de me le nommer, et de me dire sa demeure, et ensuite de lui écrire que Mme Madin, que vous connaissez depuis longtemps, doit venir lui demander un service, et que vous le priez de s’intéresser à elle, si la chose est faisable. Si vous n’avez personne, il faut s’en consoler ; mais voyez, monsieur. Au reste, je vous prie de compter sur l’intérêt que je prends